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Moyen Orient et Monde - Syrie

Tensions entre Paris et Ankara à propos de Manbij

La France ne veut pas abandonner les Kurdes, fer de lance de la lutte contre l’EI, mais sa marge de manœuvre est faible et dépend essentiellement de la politique américaine dans le Nord syrien.

Recep Tayyip Erdogan et Emmanuel Macron à Paris, en janvier 2018. Ludovic Marin/Pool/Reuters

Le ton est monté ces derniers jours entre la France et la Turquie concernant la situation à Manbij, ville à majorité arabe mais contrôlée par les Kurdes, et désignée comme le prochain objectif du président turc Recep Tayyip Erdogan. Après la prise, le 18 mars dernier, de la région de Afrine, au nord-ouest de la Syrie, Ankara compte poursuivre l’opération « Rameau d’olivier » entamée le 20 janvier dernier. Celle-ci vise à débarrasser le Nord syrien de la présence des YPG (Unités de protection du peuple kurde), considérées par la Turquie comme un relais du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) en Syrie.

Malgré son alliance avec la Turquie, la France ne veut pas abandonner les Kurdes, fer de lance de la lutte contre l’État islamique en Syrie. Jeudi 29 mars, une délégation des FDS (Forces démocratiques syriennes) a été reçue à l’Élysée par Emmanuel Macron. Durant cet entretien, le président français a tenu à clarifier sa position vis-à-vis de cette milice arabo-kurde, qui a combattu et qui combat toujours au sein de la coalition internationale contre les jihadistes de l’EI. « Il (M. Macron) a assuré les FDS du soutien de la France, en particulier pour la stabilisation de la zone de sécurité dans le nord-est de la Syrie, dans le cadre d’une gouvernance inclusive et équilibrée, pour prévenir toutes résurgence de Daech (acronyme arabe de l’EI) et dans l’attente d’une solution politique du conflit syrien », a indiqué l’Élysée dans un communiqué diffusé le 29 mars. Avant même la publication du communiqué, un porte-parole des FDS avait déclaré que la France allait envoyer des forces spéciales pour bloquer l’avancée d’Ankara à Manbij. Des propos rapidement démentis par l’Élysée. « La France ne prévoit pas de nouvelle opération militaire sur le terrain dans le nord de la Syrie en dehors de la coalition internationale anti-Daech », a affirmé la présidence française.

« M. Macron n’est certainement pas allé jusqu’à annoncer un renfort militaire dans cette zone (…) les Kurdes ont surinterprété les propos du président de la République », confirme à L’Orient-Le Jour Michel Duclos, ancien ambassadeur de France en Syrie et conseiller spécial en géopolitique à l’Institut Montaigne, à Paris.

La Turquie est rapidement montée au créneau pour couper l’herbe sous le pied à toute immixtion française. Le ministre turc de la Défense Nurettin Canikli a mis en garde samedi contre une « invasion » française dans le nord de la Syrie. Lors d’un discours télévisé samedi dernier à Istanbul, le président turc a tenu à rappeler à M. Macron que l’opération menée par Ankara en Syrie « n’est pas une invasion, mais vise à sauver la région de gangs sanguinaires ». Paris a aussi prôné un dialogue entre Ankara et les FDS « avec l’assistance de la France et la communauté internationale ». Une proposition rejetée par le président Turc. « Erdogan et ses porte-parole ont rejeté une quelconque médiation de la part de la France. Mais il devrait y réfléchir à deux fois (..) cela serait une chance pour les Turcs d’obtenir des garanties de sécurité de la part des YPG pour que le doute sur l’utilisation des Kurdes de Syrie comme base arrière pour des attaques en Turquie soit dissipé », a insisté Michel Duclos. L’agence de presse turque Anadolu a même été jusqu’à divulguer vendredi dernier une carte montrant des positions des troupes françaises et américaines dans le nord et nord-est de la Syrie.


(Lire aussi : Moscou, Téhéran et Ankara : l'alliance d'intérêts des maîtres du jeu en Syrie)


« Revenir dans notre pays »
Si la France cherche à trouver un terrain d’entente entre Ankara et les YPG, les cartes sont surtout dans les mains américaines. L’ancien secrétaire d’État Rex Tillerson avait déclaré, en janvier dernier, que les États-Unis avaient l’intention de rester indéfiniment en Syrie, ce qu’a confirmé il y a une semaine le secrétaire à la Défense James Mattis. Lors d’un discours prononcé jeudi à Richfield, dans l’État de l’Ohio, Donald Trump a toutefois annoncé un proche retour au pays des troupes américaines stationnées en Syrie. « Nous allons quitter la Syrie très bientôt (…) Laissons les autres s’en occuper maintenant », a affirmé le locataire de la Maison-Blanche. « Nous allons revenir dans notre pays, chez nous, où nous voulons être », a-t-il ajouté.

La position de Donald Trump semble contraster avec les récentes manœuvres exécutées par les troupes américaines à Manbij où des drapeaux américains ont été brandis et où des mouvements de chars ont été opérés. Le message à l’intention des Turcs est clair : « Ne vous approchez pas de la ville tant que nous sommes là. » Reste à savoir si la Turquie prendra le risque d’une intervention directe dans la ville malgré la présence des Américains et des Français. « Il est difficile de dire si les Turcs vont aller ou pas jusqu’à un affrontement. Une chose est sûre, c’est que les Turcs ont montré depuis quelques semaines qu’ils sont déterminés et motivés à aller jusqu’au bout et à défendre leurs intérêts. C’est la priorité d’Erdogan », affirme à L’OLJ Bayram Balci, chercheur de CERI de Sciences-Po Paris et spécialiste de la Turquie. « Erdogan veut montrer aux États-Unis qu’il peut aller jusqu’au bout, y compris entrer en conflit avec un pays membre de la même alliance (l’OTAN) et montrer à l’électorat turc qu’il est prêt à tout pour la sécurité du pays, sans doute en vue des prochaines élections », conclut-il.



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commentaires (3)

D'un autre côté, la France non plus n'a rien à offrir , à part une politique faite de mendicité et de lâcheté.

FRIK-A-FRAK

21 h 43, le 03 avril 2018

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Commentaires (3)

  • D'un autre côté, la France non plus n'a rien à offrir , à part une politique faite de mendicité et de lâcheté.

    FRIK-A-FRAK

    21 h 43, le 03 avril 2018

  • Le génocide des Kurdes par Recep Erdogan est le même que le génocide ou le "christianicide" des chrétiens perpétré par Jemal Pacha dit al-Jazzar de 1915 à 1918 qui a liquidé par la famine le tiers de la population du Petit-Liban soit 250.000 à majorité maronite.

    Un Libanais

    14 h 50, le 03 avril 2018

  • Le khalifa imaginaire dont Etdogan avait rêver ... Est réduit au cendre. L'Empire ottoman dont ce même sultan rêve encore... n'est pas encore né et ne renaîtra plus jamais! La détermination du "soytari" sultan, (farceur de mauvais goût) dépendra de celle des occidentaux... Des voix s'élèvent enfin, pour demander sa tête !

    Sarkis Serge Tateossian

    08 h 57, le 03 avril 2018

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