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Moyen Orient et Monde - Arabie saoudite / USA

Opération de séduction de MBS aux États-Unis

Le prince héritier saoudien devrait démarrer aujourd’hui sa tournée américaine sur les chapeaux de roue, en rencontrant Donald Trump.

Le prince héritier saoudien rencontrera le président américain aujourd’hui à la Maison-Blanche. Photo prise à Londres, le 7 mars. Tolga Akmen/AFP

Le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane est arrivé hier à Washington, première étape d’une tournée américaine de près de trois semaines, durant laquelle il sera reçu aujourd’hui par le président américain Donald Trump. Outre les réunions officielles à la Maison-Blanche, au Capitole et au Pentagone, le futur monarque a en effet prévu d’effectuer plusieurs arrêts dans les grandes villes américaines, afin de redorer l’image de son pays, notamment après les purges réalisées par le pouvoir, et tenter d’attirer les investissements conformément à sa « vision 2030 » consistant à bâtir une économie moins dépendante du pétrole.

Dix mois après leur dernière rencontre à Riyad, lors du premier déplacement présidentiel du milliardaire américain, cette nouvelle réunion entre les deux hommes devrait permettre de prolonger la lune de miel américano-saoudienne. Si les deux pays sont des alliés de longue date, le mandat de Barack Obama avait quelque peu refroidi les relations, réchauffées depuis par l’administration Trump. « Depuis son élection, on assiste à une saoudisation de la politique intérieure américaine, avec une personnalisation excessive du pouvoir, une sorte de monarchie à l’américaine avec une cour qui se crée autour de Trump, des personnalités qui tombent en disgrâce du jour au lendemain. On a le sentiment qu’il y a une convergence dans la façon dont ils appréhendent la chose publique. Donald Trump est fasciné par les régimes où il y a une centralisation du pouvoir et où tout le monde essaie de plaire en permanence », décrypte Karim Émile Bitar, directeur de recherche à l’IRIS et spécialiste du Moyen-Orient.

« Nos relations avec les États-Unis n’ont jamais été aussi bonnes », a déclaré hier devant la presse à Washington le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir, estimant que les deux alliés avaient des visions « pratiquement identiques » sur de nombreuses crises régionales, du Yémen à l’Afghanistan en passant par le rôle jugé négatif de l’Iran au Moyen-Orient. Il est clair que le dirigeant américain et le dauphin saoudien partagent une même hostilité envers Téhéran qu’ils ne manquent pas de rappeler.

Alors que la précédente administration avait appelé à ne pas « perpétuer une confrontation sur le long terme avec l’Iran », Donald Trump a fait de la République islamique sa bête noire au Moyen-Orient, alors que ses menaces de quitter l’accord sur le nucléaire conclu en 2015 avec Téhéran se font de plus en plus sérieuses. Avant même d’avoir posé le pied en terre américaine, Mohammad ben Salmane, en pleine autopromotion lors d’un entretien télévisé accordé à CBS, a comparé les ambitions territoriales prêtées au guide suprême Ali Khamenei à celles d’Adolf Hitler au temps du nazisme. « De nombreux pays à travers le monde et en Europe n’ont pas réalisé à quel point Hitler était dangereux jusqu’à ce que ce qui est arrivé soit arrivé. Je ne veux pas voir les mêmes événements se reproduire au Moyen-Orient », a déclaré MBS face caméra. Le futur souverain a également menacé de développer rapidement la bombe nucléaire si l’Iran venait à s’en doter. « Il sera plutôt aisé à MBS de pousser les Américains à adopter une attitude plus ferme envers l’Iran, pas seulement sur la question nucléaire. Il y a des rumeurs insistantes sur le fait que Donald Trump pourrait remettre en question l’accord dès le mois de mai, mais au-delà de cela, les Saoudiens voudraient que l’Amérique entame une politique de roll-back dans la région, qui irait donc au-delà du containment actuel », poursuit Karim Émile Bitar.


(Pour mémoire : Déjeuner avec la reine et manifestations pour MBS)


Changements au sein de l’administration

Le renvoi de Rex Tillerson et son remplacement en tant que secrétaire d’État par Mike Pompeo fait également les affaires du jeune prince, alors que plusieurs médias font état de pression des pays du Golfe ayant favorisé cette décision. « MBS avait une relation très solide avec Jared Kushner (le gendre de Donald Trump, conseiller sur la question du Proche-Orient), et sa marginalisation sera très largement compensée par l’arrivée au département d’État de Mike Pompeo, qui est un proche de l’Arabie saoudite, un faucon sur la question iranienne, partisan de la suppression de l’accord nucléaire, et qui avait même envisagé d’attaquer l’Iran », poursuit Karim Émile Bitar. Proche des dirigeants qataris, l’ancien secrétaire d’État appelait également Washington à rester mesuré par rapport à la mise au ban du Qatar par l’Arabie saoudite et ses alliés. MBS pourrait repartir de Washington avec un soutien plus affirmé des États-Unis sur ce dossier. 

Depuis sa nomination en juin dernier en tant que prince héritier par son père le roi Salmane, MBS fait tout pour incarner une Arabie plus moderne, réformiste, voire plus modérée. Mais à la Maison-Blanche, certaines voix s’élèvent pour dénoncer la guerre au Yémen dans laquelle Riyad s’est empêtré, appelant Donald Trump à ne pas dérouler le tapis rouge devant le jeune trentenaire. Les combats entre houthis, soutenus par l’Iran, et forces gouvernementales, appuyées par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, ont fait près de 10 000 morts et mis le pays au bord de la famine. L’ancien candidat à l’élection présidentielle Bernie Sanders ainsi que d’autres sénateurs démocrates appellent à une résolution afin de mettre fin à la collaboration américaine avec la coalition menée par l’Arabie saoudite. Cela priverait Riyad du soutien des services secrets américains mais également du ravitaillement des avions de combat qui bombardent les positions houthies.

 « S’il devait y avoir un caillou lors de la rencontre, il viendrait probablement de l’establishment militaire américain et des figures traditionnelles du département d’État qui connaissent bien la région, qui savent le danger qu’il y aurait à s’aligner sur une attitude saoudienne, au moment où celle-ci est encore un peu brouillonne, un peu maximaliste », conclut Karim Émile Bitar.


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