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Moyen Orient et Monde - États-Unis

Avec Mike Pompeo, un durcissement de la diplomatie US en perspective

Limogé par un simple tweet, le secrétaire d’État Rex Tillerson est remplacé par le directeur de la CIA, un anti-iranien virulent.

Mike Pompeo, ancien directeur de la CIA, a été nommé chef de la dplomatie américaine par Donald Trump, en remplacement de Rex Tillerson. REUTERS/Aaron P. Bernstein/File Photo

C’est par un simple tweet de Donald Trump que le secrétaire d’État Rex Tillerson a appris son limogeage du département d’État, quatorze mois après sa prise de fonctions. Lui succédera, après son départ fin mars, l’actuel directeur de la CIA, Mike Pompeo, lui-même remplacé par Gina Haspel.

Ce remaniement n’est pas en soi surprenant. Il survient après des mois de tensions croissantes entre le secrétaire d’État sortant et le président Donald Trump. À tel point qu’en octobre dernier, des informations ont émergé sur un « suicide squad » (« équipe de suicide ») formé par Rex Tillerson, le secrétaire à la Défense Jim Mattis et le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin, qui ont juré de démissionner ensemble si l’un d’entre eux venait à être renvoyé par Trump. Le mois suivant, des informations filtraient selon lesquelles Rex Tillerson avait qualifié le président américain de « crétin » après une réunion du Pentagone le 20 juillet. Vite étouffée, l’affaire n’en avait pas moins fait les gros titres, révélant les divergences entre les deux hommes. Le président n’a donc pas jugé nécessaire de prévenir Rex Tillerson de son départ, contrairement aux déclarations d’un responsable de l’administration. Selon lui, Donald Trump aurait demandé à son chef de la diplomatie, en pleine tournée africaine, de démissionner dès vendredi dernier, mais n’a pas voulu rendre l’affaire publique avant son retour aux États-Unis. Steve Goldstein, sous-secrétaire d’État chargé des affaires publiques, a affirmé ignorer les raisons de ce remaniement, avant d’être limogé à son tour.


(Portrait : Tillerson, un homme discret égaré dans le trumpisme)


Après quatorze mois de divergences entre Tillerson et Trump sur de nombreux dossiers, l’arrivée de Mike Pompeo au département d’État laisse augurer d’un durcissement de la diplomatie américaine. « Quand on pense à l’accord iranien, je pense qu’il est très mauvais, et je crois qu’il pense qu’il est correct. Je voulais le casser ou faire quelque chose et il n’était pas tout à fait du même avis », a affirmé hier Donald Trump lors d’un point de presse, avant d’ajouter que Mike Pompeo a « la même façon de penser » que lui. Comme le président américain, et contrairement à Rex Tillerson, Mike Pompeo a été l’un des critiques les plus féroces de l’accord sur le nucléaire iranien signé le 14 juillet 2015. « Il a également été un partisan d’une politique de changement de régime en Iran. Dans une tribune publiée en juillet 2015 pour Fox News, alors qu’il était encore membre du Congrès, Pompeo a déclaré que le Congrès doit agir pour changer le comportement iranien et, finalement, le régime iranien », rappelle à L’Orient-Le Jour Sina Toossi, chercheur à l’université de Princeton et spécialiste de l’Iran. « Pompeo a des liens étroits avec la Fondation néoconservatrice pour la défense de démocraties (FDD), un groupe de réflexion qui a joué un rôle de premier plan dans l’opposition à l’accord de l’Iran à Washington », ajoute le chercheur.

À plus d’une reprise, Rex Tillerson a tenté de maîtriser les impulsions de Donald Trump sur plusieurs dossiers brûlants – ses efforts diplomatiques ont été éclipsés, minés même par Trump et ses tweets. Le président américain a d’ailleurs, de son propre aveu, pris sa décision de remplacer le diplomate à cause de leurs désaccords, notamment concernant l’Iran. Pompeo pourrait, au contraire, pousser le président à adopter une ligne plus dure encore sur ce dossier, alors que l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne sont censées reprendre demain à Berlin les discussions sur l’accord de 2015. « La soudaine nomination de Pompeo au département d’État met en mouvement les pourparlers E3-US en cours sur l’accord avec l’Iran et augmente considérablement la probabilité que Trump ne renouvelle pas les sanctions contre Téhéran en mai, retirant ainsi les États-Unis de l’accord », estime M. Toossi. Une éventualité encore improbable pour l’instant, préfère avancer une source diplomatique anonyme, selon laquelle « Trump va maintenir la pression, sans toutefois aller jusqu’à résilier l’accord, une décision que contesterait une grande partie de l’establishment ».


(Portrait : Gina Haspel, une femme accusée de torture à la tête de la CIA)


Contexte diplomatique régional
Au-delà de l’accord sur le nucléaire iranien, le remaniement brusque au sein du département d’État, grevé par les coupes budgétaires et où de nombreux postes restent vacants, survient dans un contexte diplomatique délicat. Le 19 mars, le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane, alias MBS, doit se rendre aux États-Unis pour une visite de deux semaines. Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, Donald Trump s’est considérablement rapproché de l’Arabie saoudite, mais aussi d’Israël, après une période de froid durant les deux mandats de Barack Obama. Ce changement de cap a eu lieu dans un contexte d’influence régionale croissante de l’Iran, étroitement impliqué dans les conflits syrien, irakien, yéménite, entre autres. Pour Washington comme pour Riyad, il s’agit avant tout d’empêcher la formation d’un « axe » ou « croissant chiite » allant de Téhéran à Beyrouth et passant par Damas. L’opposition de Rex Tillerson à certaines positions chères à Trump – la désignation de Jérusalem comme capitale d’Israël, le rejet de l’accord sur le nucléaire iranien, même le blocus du Qatar par ses voisins du Golfe – a fortement déplu aux alliés régionaux de Washington. « Le New York Times a rapporté la semaine dernière que Mohammad ben Zayed, prince héritier d’Abou Dhabi, mais aussi mentor de MBS, a fait pression sur l’administration Trump pour qu’elle licencie Tillerson », souligne Sina Toossi, qui rappelle dans la foulée « la fuite de courriels qui a révélé l’année dernière une étroite coordination entre la FDD et les Émirats, en particulier leur ambassadeur aux Etats-Unis, Youssef al-Otaiba ». Pour le chercheur, les liens étroits de Pompeo avec la FDD suggèrent qu’Abou Dhabi et Riyad ne sont pas seulement satisfaits de cette décision, mais préfèrent que Pompeo remplace Tillerson et « s’attendent à ce qu’il suive des politiques plus conformes à leurs souhaits ».

D’ici là, le Sénat américain doit encore confirmer la nomination de Mike Pompeo en avril, alors qu’un sommet est supposé être organisé le mois suivant entre Donald Trump et le leader nord-coréen Kim Jong-un ; le président américain a d’ailleurs exprimé hier vouloir une nouvelle équipe pour l’occasion. Mais la facilité avec laquelle Donald Trump remanie son administration pourrait sérieusement entamer la crédibilité du chef de la diplomatie américaine. « Le premier test réel de Pompeo sera de voir s’il se donne les outils nécessaires pour être un vrai chef de la diplomatie, soit un département d’État fonctionnel. On pourra alors parler d’un retour du secrétariat d’État. Mais il suffit d’un tweet de Trump pour tout changer », avance la source diplomatique anonyme précédemment citée.



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C’est par un simple tweet de Donald Trump que le secrétaire d’État Rex Tillerson a appris son limogeage du département d’État, quatorze mois après sa prise de fonctions. Lui succédera, après son départ fin mars, l’actuel directeur de la CIA, Mike Pompeo, lui-même remplacé par Gina Haspel.Ce remaniement n’est pas en soi surprenant. Il survient après des mois de tensions...

commentaires (3)

DE GAFFE EN GAFFE... VA, GAFFEUR !

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 37, le 14 mars 2018

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Commentaires (3)

  • DE GAFFE EN GAFFE... VA, GAFFEUR !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 37, le 14 mars 2018

  • OU ? CAR LE LACHAGE EST GENERAL !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 41, le 14 mars 2018

  • “Les rivières ne se précipitent pas plus vite dans la mer que les hommes dans l'erreur.” de Voltaire

    FAKHOURI

    09 h 14, le 14 mars 2018

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