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Le verdict des chiffres

Par deux fois, les chiffres sont venus récemment démentir toutes les balivernes qu’élus et candidats nous débitent rituellement à l’approche des élections législatives : promesses creuses, couches de vernis tout aussi minces et fragiles que ces pellicules de mauvais asphalte dont on s’applique en toute hâte à recouvrir les routes, dans l’espoir que les électeurs se laisseront prendre, telles des mouches, à la noire glu. Les chiffres parlent en effet, et ils sont bien plus éloquents et crédibles que tous ces flots de mensongère rhétorique. Première à prendre la parole est Transparency International, ONG de grand renom basée à Berlin, vouée à l’éradication de la corruption sous toutes ses formes et qui, tous les ans, distribue bons et mauvais points aux États. Dans son rapport de 2017, notre pays occupe un peu honorable 143e rang sur les 180 que compte l’ONU. Le Liban perd sept places par rapport à 2016 en dépit, note charitablement le rapport, de quelques avancées. Au nombre de celles-ci figure l’adoption, pour la première fois depuis douze ans, de cet élémentaire outil de gouvernement qu’est pourtant un budget. Quant à la toute première nomination d’un ministre d’État à la Lutte contre la corruption, elle ne risquait pas trop d’impressionner les analystes de Transparency, et pour cause : en seize mois d’existence, ce département n’aura pas été fichu de constituer un seul dossier, d’enfermer dans sa souricière un seul des innombrables rongeurs qui dévorent la République.

À ce triste palmarès viennent de faire écho, de manière plus tragique encore, ces statistiques du très sérieux Centre consultatif d’études et de documentation, révélant qu’en 2015, plus d’un tiers des ménages libanais vivaient sous le seuil de pauvreté. On n’ose trop penser aux taux qu’accuseront, selon toute probabilité, les années suivantes. Or n’est-ce pas littéralement le pain que l’on ôte ainsi de la bouche du citoyen ? Et comment ne pas voir un pernicieux phénomène de vases communicants, de cause à effet, dans le fossé qui ne cesse de se creuser entre grosses fortunes (dont évidemment celles des prévaricateurs) et indigence croissante de la population ?

Ces questions ne revêtent que plus d’acuité à l’heure où le gouvernement, dans la perspective des conférences internationales de soutien au Liban, revoit sa copie. Joue les pères la vertu en réduisant ses dépenses, au lieu de procéder aux authentiques réformes réclamées par les pays donateurs et de s’attaquer à la source du mal. Particulièrement choquantes auront été ainsi les velléités de mise à la diète affectant ces trois secteurs ultrasensibles que sont la santé, l’enseignement et les prestations sociales. À ce sujet, la poignante manifestation organisée jeudi par les associations pour personnes à besoins spécifiques devrait faire rougir de honte tout responsable, si criant de vérité était en effet le slogan qu’elles arboraient, et qui faisait de l’État lui-même le véritable handicapé.

Admirable en revanche était la participation à cette démonstration du ministre des Affaires sociales, que l’on a vu porter affectueusement dans ses bras un enfant handicapé. Admirable et touchant, certes, mais est-ce encore assez ? Comme il s’y engageait l’an dernier dans les colonnes de ce journal, le ministre demeure tenu en effet de traquer – et de pointer du doigt, sinon de déférer devant la justice – les associations bidon, jouissant de hautes protections, et qui détournent frauduleusement les subventions revenant aux œuvres indiscutablement méritantes.

La fraude insolente, la fraude dans la totale impunité, le pays saigné à blanc n’en peut plus, lui, de la porter.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Par deux fois, les chiffres sont venus récemment démentir toutes les balivernes qu’élus et candidats nous débitent rituellement à l’approche des élections législatives : promesses creuses, couches de vernis tout aussi minces et fragiles que ces pellicules de mauvais asphalte dont on s’applique en toute hâte à recouvrir les routes, dans l’espoir que les électeurs se...