À deux mois et dix jours des élections législatives (prévues le 6 mai), la plupart des formations politiques et des groupes de la société civile hésitent encore à annoncer leurs candidats et encore plus leurs listes. En principe, à partir de la semaine prochaine, les choses devraient se clarifier, avec l’annonce des candidats du courant du Futur. Celle d’après, ce sera le tour des candidats des Forces libanaises d’être dévoilés (le 14 mars). Il faudra ensuite attendre le 24 mars pour connaître ceux du CPL. Selon des sources proches de cette dernière formation, le retard n’est pas dû à des difficultés particulières, mais au fait que le ministre des Affaires étrangères et chef du parti doit effectuer un voyage en Australie dans la première quinzaine du mois et suivre ensuite les préparatifs du sommet arabe qui doit se tenir à Riyad à la fin du mois.
Toujours est-il que la principale cause du retard dans les annonces réside dans le fait que la nouvelle loi électorale pose un véritable casse-tête aux différentes formations. En raison du mode de scrutin proportionnel avec une voix préférentielle, la loi les oblige à choisir des candidats dotés d’une assise populaire personnelle pour apporter leurs voix préférentielles à la liste dont ils seront membres, celles du parti n’étant pas suffisantes pour faire élire plusieurs candidats de la même liste. Pourtant, ce problème qui se pose à la plupart des partis a été surmonté par le tandem chiite Amal et le Hezbollah, ces deux formations ayant été les premières à annoncer successivement dans la même journée (lundi dernier) leurs candidats respectifs.
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D’ailleurs, les deux formations ont privilégié cette année, dans le choix de leurs candidats, les membres de leurs partis respectifs. Selon une source proche du Hezbollah, il s’agit d’une démarche voulue, visant à donner la priorité aux membres des deux partis au détriment des alliés et sympathisants, qui figureront sur les listes dans une proportion plus réduite. D’une certaine façon, les deux partis ont décidé de donner un plus grand rôle à la structure partisane, d’abord pour encourager la base à s’engager plus concrètement dans l’action militante et ensuite pour favoriser de plus en plus un système de partis dans la vie politique libanaise. Selon la source précitée, le Hezbollah est ainsi convaincu que plus l’action politique au Liban s’oriente vers l’encadrement des partis, plus elle peut se moderniser et être basée sur des programmes, au lieu de rester limitée au clientélisme et au leadership familial ou traditionnel. Le fait donc de privilégier le choix de candidats membres des deux partis est une façon de libérer l’action politique du poids du clientélisme individuel. La structure partisane permet aussi de choisir des candidats qui n’ont pas d’assise personnelle, mais qui, grâce à leurs responsabilités au sein du parti, peuvent être élus au Parlement. C’est d’ailleurs ce qui se passe en général dans les élections démocratiques, dans les pays qui adoptent le système de partis, où il y a certes des « candidats-phares » connus et populaires alors que beaucoup d’autres sont inconnus. Le parti les sélectionne ainsi en fonction de ses besoins et de leurs compétences. À travers cette démarche, Amal et le Hezbollah souhaitent donc donner une nouvelle impulsion à l’action politique au Liban. D’ailleurs, la plupart des noms des nouveaux candidats sont inconnus de la scène politique et peut-être même du grand public. Mais le Hezbollah et Amal, qui ont délibérément choisi d’éviter toute bataille électorale entre eux, estiment qu’avec leur assise populaire ils peuvent les faire élire dans la plupart des cas.
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En étant les premiers à annoncer leurs candidats partisans, Amal et le Hezbollah ont donc adressé un message de confiance à leur base populaire, et en même temps ils ont voulu montrer que la structure partisane reste le moyen le plus sûr de moderniser et de rationaliser l’action politique. Selon des sources proches des deux formations chiites, Amal et le Hezbollah ont aussi voulu trancher rapidement le nom de leurs candidats partisans pour couper court à la multiplicité des candidats potentiels et au malaise qui commençait à se faire sentir au niveau de leurs cadres respectifs. Selon les mêmes sources, c’est cette confusion au niveau des familles et des cadres qui commençait à se transformer en luttes internes qui a d’ailleurs poussé le Hezbollah à choisir le cheikh Hussein Zeaïter pour le siège chiite de Jbeil. Contrairement à son titre, ce dernier n’est pas un dignitaire religieux, il est originaire de la Békaa, mais, au sein du Hezbollah, il est en charge de la région de Jbeil. C’est à ce titre qu’il a été choisi, alors que les familles et les clans chiites de Jbeil étaient en lutte pour privilégier leurs candidats respectifs. Le Hezbollah s’est d’ailleurs empressé d’expliquer ses motivations à son allié le CPL qui a été surpris par ce choix. Selon des sources qui suivent le dossier, le CPL ne pensait pas que le Hezbollah choisirait pour le siège chiite de Jbeil un candidat partisan, mais il a compris le souci du parti de privilégier la structure partisane, surtout en cette période où la campagne internationale contre lui s’amplifie. Il reste à convaincre les familles chiites de Jbeil de ce choix. Ce sera d’ailleurs un test de l’influence du Hezbollah sur son assise populaire...
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commentaires (7)
La prise en main du Liban par les voyous est en marche.
IMB a SPO
16 h 16, le 26 février 2018