Le mouvement de l’Initiative nationale, qui se veut la plate-forme d’une opposition plurielle « contre le pouvoir et le gouvernement, devenus à la solde de l’Iran », selon ses organisateurs, a été contraint d’annuler son congrès fondateur, qui était prévu aujourd’hui à l’hôtel Monroe.
« J’ai été contacté par le directeur du Monroe (…) qui m’a notifié de la décision de l’hôtel d’annuler le congrès de l’Initiative nationale (…) “pour des raisons de sécurité”. L’État policier est de retour », a annoncé dans un tweet hier l’ancien député Farès Souhaid, qui parraine le congrès aux côtés de l’ancien journaliste proche de l’Arabie, Radwan Sayyed.
Contacté par L’Orient-Le Jour, l’administration de l’hôtel s’est abstenue de tout commentaire. « Nous ne pouvons rien dire, c’est comme ça », a répondu l’une des employées. Toutefois, le PDG du groupe dont relève l’hôtel en question, Pierre Achkar, a confirmé à notre confrère an-Nahar que « les services de sécurité ont contacté le directeur de l’hôtel et je lui ai demandé d’en notifier Farès Souhaid afin d’éviter de l’exposer, ainsi que nos clients, à un danger ». Il a tenu à souligner toutefois qu’en tant qu’« entreprise touristique (…) nous n’avons rien à voir avec les affaires politiques ».
Il convient de signaler que l’hôtel Monroe est une propriété de l’armée, dont la gestion a été confiée au privé (https://www.lebarmy.gov.lb/ar/content/%D9 %81 % D9 %86 %D8 %AF%D9 %82-%D9 %85 %D9 %88 %D9 %86 % D8 %B1 %D9 %88). Contacté par L’OLJ, le service de communication de l’institution militaire a annoncé qu’un communiqué de mise au point sera publié. Le ministre de l’Intérieur, lui, était injoignable.
Le mouvement de l’Initiative nationale a fait état, dans un communiqué, de « pressions politiques, exercées par le biais de services de sécurité, lesquels ont exprimé le souhait auprès de la direction de l’hôtel d’annuler l’événement ».
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Double opposition à Aoun et au Hezbollah
Interrogé sur les motifs possibles de ces pressions, M. Souhaid a indiqué que ce congrès, devant réunir « près de mille participants, toutes confessions confondues, issus de 28 organismes civils et politiques », est perçu comme « une menace électorale à de nombreuses parties au pouvoir ». Cette initiative se démarque en outre des autres dynamiques de l’opposition.
« Nous nous opposons aussi bien aux armes du Hezbollah qu’au mandat du président Michel Aoun, alors que les autres orientent leur opposition du côté de l’un ou de l’autre », a ajouté M. Souhaid. L’autre point spécifique à cette initiative est de miser sur « un ralliement de la base sunnite vers un projet national ». Déçue par le pragmatisme politique du leadership du courant du Futur, cette base pourrait trouver dans cette initiative le cadre national renouvelé de ses principes souverainistes. D’ailleurs, une large participation sunnite au congrès avait été pressentie lors d’une réunion préparatoire, ayant eu lieu avant-hier soir, à la veille de l’annulation forcée du congrès.
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Autour de la modération…
Parmi les points évoqués lors de la réunion, le fait que la présidence du Conseil soit « supplantée » par la présidence de la République et la présidence de la Chambre : le Hezbollah aurait tout intérêt à maintenir le courant du Futur – et avec lui les autorités sunnites religieuses – « dans son giron », tout en utilisant l’épouvantail du fondamentalisme sunnite. Réunir sunnites, chrétiens et chiites dans un projet de confrontation pacifique avec le Hezbollah serait la preuve que la large partie des sunnites, opposés à ce parti, tend à la modération, plutôt qu’à la radicalisation. Cette initiative fédératrice se voudrait aussi une alternative à la logique des ghettos communautaires, exacerbée par le pouvoir. Du reste, son enjeu dépasserait largement l’échéance électorale, même si cette plate-forme pourrait servir de point d’ancrage à des candidats potentiels aux législatives.
L’Initiative nationale et l’Alliance civile islamique (menée par Ahmad Ayoubi) ont dénoncé hier dans un communiqué conjoint une volonté de museler les opposants, que le pouvoir craint. « Les pressions du pouvoir politique sur l’hôtel Monroe sont un indicateur dangereux de la régression des libertés publiques et de l’acharnement du pouvoir contre toute opposition qui brandit le slogan de la souveraineté et de l’indépendance », a noté ce communiqué.
L’ancien ministre Achraf Rifi, qui n’est pas directement associé à l’initiative, s’est solidarisé avec « Farès Souhaid, Radwan Sayyed et tous les participants au congrès ». Dans un tweet, il a mis en garde contre « l’atteinte aux libertés, devenue la politique constante du pouvoir (…) » et appelé les organisateurs à « nommer la ou les parties politiques ayant œuvré pour annuler le congrès ».
MM. Sayyed et Souhaid prévoient de tenir une conférence de presse aujourd’hui à midi, dans le bureau de l’ancien député à Achrafieh. Ce dernier a précisé à L’OLJ que le congrès « se tiendra malgré son annulation, dans un nouveau lieu et à une nouvelle date qui seront communiqués ultérieurement ».
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commentaires (7)
C'est mieux comme ça on a évité une catastrophe le Hezbollah aurait pu faire sauter une voiture piégée
Eleni Caridopoulou
21 h 46, le 25 février 2018