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Liban - Conférence

L’arabe à l’épreuve de la mondialisation

À l’invitation du Conseil de la pensée arabe et de l’USJ, le sociolinguiste Louis-Jean Calvet lance le débat.

Le professeur Louis-Jean Calvet durant son exposé. Il n’y a pas d’arabe, mais des arabes. Photo Michel Sayegh

Toutes les langues sont vivantes tant qu’elles sont parlées, mais certaines, c’est l’évidence, sont plus fonctionnelles que d’autres. En comparaison de l’anglais, du français, de l’espagnol ou du mandarin, que vaut l’arabe littéral sur le marché des langues, à l’ère de la mondialisation ? C’est l’impertinente question scientifique posée mercredi dernier au public par Louis-Jean Calvet, sociolinguiste de réputation mondiale.

La conférence du professeur Calvet s’est tenue dans le grand amphithéâtre Aboukhater du campus des sciences humaines de l’USJ, à l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle, proclamée par l’Unesco. On doit la présence au Liban de l’éminent expert à une initiative conjointe, la première de cet ordre, du Conseil de la pensée arabe dirigé par Henri Awit et de l’Université Saint-Joseph. Et comme un couperet, le diagnostic de Louis-Jean Calvet tombe : « 5 % des langues – et l’arabe n’y figure pas – sont parlées par 94 % de la population mondiale, et 95 % des langues ne sont parlées que par 6 % de la population mondiale. »
Mais la nuance viendra tout de suite. L’arabe absent, ce n’est pas l’arabe dialectal, mais l’arabe littéraire, le fusha. « L’arabe, précise Louis-Jean Calvet, a un statut particulier, en ce qu’il existe une différence entre la langue officielle et la langue parlée par le peuple. D’un côté une langue écrite – langue officielle de 21 pays, langue support d’une littérature et de médias, langue traduite et vers laquelle on traduit – mais qui, strictement parlant, n’est la langue maternelle de personne, et de l’autre la darija, la langue dialectale, dite encore ammiya, parlée par le peuple dans les foyers. » Se pose alors le problème du statut de cette langue officielle. En somme, conclut-il, « il n’y a pas un arabe, mais des arabes », sachant que l’arabe écrit a un caractère « sacré », étant la langue du Coran, tandis que le dialectal est une langue séculière.
« Le sociolinguiste Louis-Jean Calvet observe les flux et reflux linguistiques, toutes les langues n’ont pas la même valeur marchande », dira le P. Daccache, dans sa présentation, relevant que « la mondialisation conduit à la dévaluation de certaines langues, au profit d’autres ».
 
Jeunesse perdue
 « Que devient la langue arabe dans le concert de la mondialisation économique et marchande ? Quel est son avenir ? » s’interroge encore le recteur de l’USJ, avant de constater que l’arabe « est en crise d’adaptation et de rapport à la modernité, alors qu’il fut au Moyen Âge la langue des sciences et de la culture. Nous savons par ailleurs qu’un vrai progrès d’une nation ne se fait que dans sa propre langue », reprend-il, estimant, en citant des experts, que « la crise de la langue arabe est une crise d’identité de la nation ou du monde arabe incapable de se liguer politiquement, de collaborer économiquement et de produire ensemble une culture humaine et scientifique pour notre temps. L’un des problèmes que confronte notre langue, et je ne suis pas le seul à le penser, vient du fait qu’elle a été confisquée par le religieux (…). Il y a quelque temps, un responsable de l’enseignement supérieur, dans un pays arabe, m’a chuchoté que son gouvernement empêche le lancement de programmes en sciences humaines en langue arabe car tout devient avec elle fanatisme et sectarisme », révèle encore M. Daccache. Et de conclure en exprimant l’espoir qu’un examen scientifique de la question permettra « d’engager une réforme qui aide la langue arabe à retrouver sa jeunesse et sa prestance dans notre société et dans nos institutions ».

Henri Awit, président du Conseil de la pensée arabe, Jarjoura Hardane, représentant personnel du chef de l’État à l’OIF, et Jean Jabbour, traducteur vers l’arabe de l’étude de M. Calvet Les langues, quel avenir ? devaient donner la répartie à l’éminent sociolinguiste. C’est avec pertinence, par exemple, que la salle devait signaler au professeur Calvet que l’arabe « fusha » et l’arabe dialectal sont, dans les pays arabes, en situation de diglossie, et que ce fusha est présent dans de larges secteurs de la société (médias, universités, colloques internationaux, et jusqu’à dans la présentation du colloque). « Peut-on, et comment, faire face à l’hégémonie de l’anglais ? L’introduction du dialectal dans l’enseignement primaire ne serait-il pas un meilleur garant de développement? » ont également figuré parmi les problématiques soulevées.


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commentaires (3)

Le reportage, et peut-etre la conference , ne penetre pas dans la profondeur du probleme. L'arabe n'as pas evolue depuis l'hegemonie ottomane, et etait reseve au religieux et a la conversation , litteraire ou journaliere. La langue s'est appauvrie du point de vue humanitaire et culturel, aussi bien que social. La pensee n'avance plus quand la langue est pauvre.Un example, et ils sont nombreux: le mot: Identite est traduit comme Hawouiah, or haouia vient de houah. Vous voyez le problem , j'espere. Comment Houah peut-etre votre identite.? Pour d'autres examples, priere de consulter Mohammad Arkoun.

SATURNE

23 h 47, le 24 février 2018

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Commentaires (3)

  • Le reportage, et peut-etre la conference , ne penetre pas dans la profondeur du probleme. L'arabe n'as pas evolue depuis l'hegemonie ottomane, et etait reseve au religieux et a la conversation , litteraire ou journaliere. La langue s'est appauvrie du point de vue humanitaire et culturel, aussi bien que social. La pensee n'avance plus quand la langue est pauvre.Un example, et ils sont nombreux: le mot: Identite est traduit comme Hawouiah, or haouia vient de houah. Vous voyez le problem , j'espere. Comment Houah peut-etre votre identite.? Pour d'autres examples, priere de consulter Mohammad Arkoun.

    SATURNE

    23 h 47, le 24 février 2018

  • je n'ai jamais lu que cela posait probleme aux arabes de notre monde moyen oriental et maghrebin du moins ! ou pt't que je ne suis pas assez informe !

    Gaby SIOUFI

    13 h 16, le 24 février 2018

  • le problème c'est que lorsque l'on veut apprendre l'arabe, c'est pour lire le Coran !!!

    Talaat Dominique

    12 h 16, le 24 février 2018

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