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Moyen Orient et Monde - Focus

Hadi davantage affaibli par la crise à Aden

Entre exil, corruption et mauvais entourage, le chef de l’État yéménite perd progressivement la confiance de ses soutiens.

Le président du Yémen, Abd Rabbo Mansour Hadi, prononçant un discours à Aden le 21 mars 2015. Photo AFP

La prise de Aden mardi dernier par les forces sudistes yéménites a rendu encore plus délicate la position du président Abd Rabbo Mansour Hadi. Alors que ses troupes, appuyées par les forces de la coalition menée par l’Arabie saoudite, sont tenues, pour le moment, en échec par les houthis, le président doit désormais faire face à une rébellion du Sud qui conteste son autorité. Ancienne capitale du Yémen du Sud, Aden abrite les représentants du gouvernement yéménite – qui n’ont pas quitté le pays – après que la capitale Sanaa eut été prise par les houthis, soutenus par l’Iran, en septembre 2014.

En mars 2015, suite à leur avancée fulgurante vers le sud, les houthis arrivent aux portes de Aden. Face à cette déroute, le président Hadi prend la décision de quitter le pays pour se réfugier en Arabie saoudite, où il réside encore aujourd’hui. Les avions saoudiens prêtent alors main-forte au président yéménite. Mais ces pilonnages ne font que jeter le discrédit sur M. Hadi dans le nord du pays. La coalition et les forces loyalistes continuent leur avancée en juillet 2015 et reprennent le contrôle de la province. Mais empêtré par une guerre dont on ne voit pas la fin, M. Hadi s’est beaucoup affaibli et voit à présent son pays faire face à des tensions avec les forces séparatistes sudistes.
Celles-ci sont réunies au sein du Conseil de transition du Sud (CTS), favorable à l’autonomie du Yémen du Sud, et soutenues par les Émirats arabes unis. Elles étaient auparavant les alliées du président Hadi. Mais le limogeage en mai 2017 du gouverneur de Aden, Aïdarous al-Zoubaïdi, a engendré une tension dans les relations entre les deux alliés. Le gouverneur déchu a ensuite créé le CTS, une autorité parallèle dominée en grande partie par des séparatistes.

Ces derniers ont lancé un ultimatum, qui expirait dimanche, au président Hadi pour qu’il écarte le Premier ministre Ahmad ben Dagher ainsi que son gouvernement. Ils sont accusés de corruption ainsi que de mauvaise gestion d’une part face aux avancées des houthis et d’autre part vis-à-vis de la population yéménite elle-même. « La frustration populaire généralisée à l’égard de l’incompétence et de la corruption du gouvernement a donné l’occasion au CTS d’exiger un changement de gouvernement », explique à L’Orient-Le Jour April Alley, directrice de recherche pour le Golfe et la péninsule Arabique à l’International Crisis Group. « Mais lorsque le gouvernement a tenté d’empêcher les manifestations et que des affrontements se sont produits, le Conseil de transition du Sud et les forces séparatistes ont rapidement pris possession de Aden », ajoute-t-elle. « Ce qui s’est passé à Aden montre la faiblesse du gouvernement Hadi sur le terrain et souligne davantage la fragmentation du pays après trois années de guerre », poursuit-elle. M. Hadi est donc spectateur, depuis l’Arabie saoudite, du déchirement de son pays.


(Lire aussi : Les Sudistes prennent le dessus à Aden, mais ne veulent pas la sécession)


Arabie et Émirats
Le président Hadi est aussi victime des divergences d’intérêts entre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, malgré le fait que les deux pays soient membres de la même coalition arabe contre les houthis. Abou Dhabi soutient et équipe une force appelée « Ceinture de sécurité » qui appuie le CTS dans le Sud contre les forces loyalistes et le gouvernement Ben Dagher, soutenu par Riyad.
Le président Hadi perd progressivement le soutien de son plus grand allié, l’Arabie saoudite, qui n’était intervenu ni dimanche ni les trois jours qui ont suivi lors des affrontements contre les Sudistes. Les Émirats arabes unis, quant à eux, voient d’un assez mauvais œil la proximité entre le président yéménite et les islamistes d’al-Islah, issus des Frères musulmans. Al-Islah a été ajouté à la liste antiterroriste d’Abou Dhabi en 2015. « À Aden, les Émirats arabes unis soutiennent le CTS, qui est en faveur de la séparation et est hostile au parti islamiste al-Islah. De l’autre côté, les Saoudiens sont plus étroitement liés avec le président Hadi ainsi qu’avec al-Islah », précise April Alley.

Des responsables saoudiens et émiratis se sont rendus hier à Aden pour tenter de dissiper la confusion qui règne au sein de la coalition contre les houthis. Une trêve a d’ores et déjà été signée par les deux parties. La perspective d’un accord entre les deux acteurs pour une poursuite de l’offensive contre les houthis et la cessation des hostilités à Aden est maintenant la priorité de la coalition. « Ils essayent de trouver un accord pour combattre les houthis dans le Nord, c’est le but de la coalition », indique à L’OLJ Adam Baron, chercheur associé à l’European Council on Foreign Relations. Mais « quel que soit le compromis qui se dégage, le CTS se trouve dans une situation bien plus forte sur le plan militaire et semble se rapprocher de plus en plus d’un siège à la table des négociations politiques », conclut April Alley.


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