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Retour de bâton

Chassez le naturel, il revient au galop. Faites violence à la nature et elle vous le rendra au centuple, tels ces éléphants maltraités dont l’infaillible mémoire leur permet, tôt ou tard, de repérer et châtier leur tourmenteur.


Peu importe, au fond, que les montagnes de détritus qui ont envahi une portion du littoral du Kesrouan aient été déversées par la mer ou par le fleuve du Chien, cette question faisant l’objet d’une polémique qui n’est pas près de se calmer. Oui, peu chaut au citoyen que les malfaiteurs désignés soient l’eau salée pour les uns et l’eau douce pour les autres : toutes deux ayant gagné en puissance de ce phénomène, pourtant prévisible en plein mois de janvier, qu’était la tempête du week-end.


Alors, la mer a-t-elle rageusement investi les décharges de Bourj Hammoud et Costa Brava criminellement aménagées à ses portes, n’avalant l’infâme bouillie que pour la vomir plus loin ? Le fleuve n’a-t-il fait que véhiculer les détritus dévalant des décharges sauvages desservant tout aussi criminellement les villages de montagne ? Ce qui est atterrant, c’est que dans un cas comme dans l’autre, on aurait affaire à une incroyable imprévoyance, un flagrant manquement à l’obligation de suivi de la part des responsables. Comme pour les chaussées et tunnels périodiquement inondés faute de systèmes d’évacuation convenablement entretenus, comme pour les habitations vétustes s’effondrant sans crier gare, c’est invariablement après coup, une fois le désastre survenu, que l’on s’agite et qu’on se défend devant les caméras. S’était-on assuré, par exemple, que les monstrueuses décharges côtières ornant l’entrée est de la capitale étaient dotées de brise-lames capables de résister à la furie des éléments ? Quant à ces décharges de montagne soudainement découvertes et incriminées, elles ne sont pas nées de la dernière pluie, c’est bien le cas de le signaler à l’attention des irresponsables en charge de notre sécurité et de notre santé, on n’ose dire de notre bien-être…


Coq-à-l’âne qui n’en est pas tout à fait un : qui donc se souvient encore de Mountazir al-Zaïd, ce journaliste irakien qui s’acquit il y a dix ans une éphémère célébrité mondiale en lançant, l’une après l’autre, ses chaussures sur George W. Bush en visite à Bagdad, mais sans l’atteindre ? Nombreux sont, de par le monde, les dirigeants qui se sont fait enfariner par surprise, quand ils n’avaient pas carrément droit à une tarte à la crème en plein visage. Au Far West, on badigeonnait les escrocs avec de la poix et on y ajoutait des plumes de volaille avant de les promener assis à califourchon sur un poteau. Outrés par toutes les magouilles qui ont entouré le ramassage et le traitement des déchets ménagers – et ont fait de ce petit pays une énorme poubelle –, les manifestants libanais ont bien arrosé d’œufs et de tomates pourris les convois de ministres et députés tenus pour responsables de toute cette puanteur.

Mais peut-être faut-il user désormais des armes du moment : une baignade forcée en eau polluée à souhait ferait très bien l’affaire.


igor@lorientlejour.com
Issa GORAIEB

Chassez le naturel, il revient au galop. Faites violence à la nature et elle vous le rendra au centuple, tels ces éléphants maltraités dont l’infaillible mémoire leur permet, tôt ou tard, de repérer et châtier leur tourmenteur.Peu importe, au fond, que les montagnes de détritus qui ont envahi une portion du littoral du Kesrouan aient été déversées par la mer ou par le fleuve du...