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Culture - Exposition

Parce que Sacha Abou Khalil peint ce qu’il lit...

À la galerie Agial, ce peintre littéraire expose des toiles où l’on plonge comme dans un livre ouvert.

« Le Baron perché I » (Italo Calvino, 1957), 130 x 130 cm, 2017.

Dans une première vie, Sacha Abou Khalil, Libanais né en Serbie en 1964, était dentiste en France. Mais aussi grand lecteur et « peintre du dimanche ». En 2011, il rend sa blouse blanche de praticien dentaire, quitte l’Hexagone (où, il faut parfois le dire, on lit plus que l’on ne sourit), s’installe, en alternance, en Italie et au Liban et se reconvertit « en peintre de tous les jours, sauf le dimanche », dit-il avec humour.
Absolument autodidacte, cet artiste tardif montre une prédilection pour « la figure humaine, et particulièrement les regards » qu’il réussit à reproduire fidèlement. Ce qui lui vaut, rapidement, des portraits de commande de la part de son entourage et ses amis. Encouragé par les réactions positives, il passe à l’étape suivante et se lance dans une suite de compositions sur le thème d’œuvres iconiques de la littérature mondiale. Parmi lesquelles Crime et châtiment de Dostoïevski, Les âmes mortes de Gogol, Le Baron perché d’Italo Calvi, Lolita de Nabokov, Le Procès de Kafka, Sur la route de Jack Kerouak, Le Parfum de Patrick Suskind ou encore Les belles endormies de Yasunari Kawabata… Celles-ci, parmi d’autres, sont accrochées jusqu’au 3 février sur les cimaises de la galerie Agial à Hamra, qui organise ainsi la toute première exposition de ce nouvel artiste.

Gogol à mobylette
Dans cette série personnelle, Sacha Abou Khalil fait des sortes d’arrêts sur image « sur des impressions, des souvenirs, des scènes marquantes de cette sélection de romans lus il y a fort longtemps et qui me sont restés en tête », se souvient-il. Une belle manière de concilier son amour de la littérature et de la peinture. Mais aussi « une solution de facilité », avoue-t-il sans ambages, le choix de cette thématique lui permettant de s’adonner à son exercice préféré, le portrait de personnages, mais placés cette fois dans des contextes définis. Ou pas. Car l’artiste donne le plus souvent des interprétations libres, voire réactualisées, de ses lectures. Ainsi, dans la toile intitulée Les âmes mortes de Gogol, il représente, sur un fond gris peuplé de contours de silhouettes humaines, les trois protagonistes de ce roman du XIXe siècle – le cocher, le valet et le propriétaire –, habillés de costumes contemporains, et dont l’un enfourche une mobylette... « Dans le cas de ce tableau en particulier, j’avais envie de donner à percevoir, aussi bien au spectateur ayant lu ce livre qu’à celui qui ne l’a pas lu, l’humour sous-jacent de cette œuvre maîtresse de la littérature russe », explique Sacha Abou Khalil.
D’ailleurs, sous la dramatisation des compositions – mettant en scène des personnages frontaux aux regards intenses et directs, qui semblent établir une silencieuse connexion avec l’observateur de la toile –, l’artiste laisse souvent percer une certaine dérision, parfois même de l’autodérision. Car il ne se contente pas de prendre pour modèles des personnes de son entourage, amis, membres de sa famille et, en particulier, son fils, mais s’autoportraitise aussi au besoin. Il prête, par exemple, ses traits au personnage le plus abject imaginé par Fiodor Dostoïevski dans le somptueux Les Carnets du sous-sol et livre ainsi un tableau d’une sombre et totale expressivité.

Du roman à la toile
Bref, ce sont des toiles raconteuses d’histoires, parfois à multiples strates, que s’est amusé à composer Sacha Abou Khalil. Histoires littéraires et picturales confondues. À travers le choix de certaines œuvres à l’instar de Sur la route de Jack Kerouak, qui pourrait rappeler aux fans de l’auteur américain que ce dernier avait lui-même dessiné l’illustration de couverture de l’une des éditions de son fameux roman, ou Le tambour de Günter Grass, un autre auteur familier avec la peinture et la sculpture, qu’il a étudiées avant de se tourner vers la littérature...
Histoires littéraires et d’amitié également, car parmi sa sélection, le peintre a aussi glissé ses potes : la poétesse et danseuse Caroline Hatem, qui prête ses traits à Nadja dans une toile inspirée du roman éponyme d’André Breton, ainsi que les romanciers libanais Jabbour Douaihy et Charif Majdalani. Ce dernier est représenté en compagnie des femmes de sa vie sur le perron d’une grande demeure… Une toile évidement intitulée Villa des femmes. Et une exposition forcément différente, à découvrir.

Galerie Agial
Rue Abdel Aziz.
Jusqu’au 3 février.

Dans une première vie, Sacha Abou Khalil, Libanais né en Serbie en 1964, était dentiste en France. Mais aussi grand lecteur et « peintre du dimanche ». En 2011, il rend sa blouse blanche de praticien dentaire, quitte l’Hexagone (où, il faut parfois le dire, on lit plus que l’on ne sourit), s’installe, en alternance, en Italie et au Liban et se reconvertit « en peintre...

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