Les plus optimistes diront que cela aurait pu être pire. Un an après son investiture, le président américain Donald Trump n’a pas autant bouleversé l’échiquier mondial que ses déclarations en tant que candidat le faisaient craindre. Washington est toujours engagé au sein de l’OTAN et a rassuré ses alliés européens et asiatiques quant à ses intentions de pérenniser leur partenariat en matière de défense. L’accord nucléaire avec l’Iran est encore en vie, bien que chancelant. Les relations entre Washington et Pékin ne se sont pas particulièrement dégradées. Le mur censé s’étendre tout au long de sa frontière avec le Mexique est encore considéré comme un projet irréaliste. Et le plus important : malgré les discours va-t-en-guerre, l’Oncle Sam ne s’est pas aventuré dans un nouveau conflit armé au cours de cette année.
Les réalistes, essentiellement des généraux, qui entourent le président américain semblent tout faire pour limiter les dégâts et pour préserver une certaine continuité. Désavoué par son chef à de multiples occasions, le secrétaire d’État américain Rex
Tillerson tente également de calmer le jeu à chaque nouvelle crise et de rassurer tous les alliés. Il est ainsi clair que la diplomatie américaine n’est pas entièrement dépendante du bon-vouloir de son actuel président. Et que celle-ci ne s’inscrit pas en totale rupture vis-vis du mandat précédent sur plusieurs dossiers-clés : relations avec la Chine et la Russie, engagement au sein de l’OTAN, retrait partiel du Moyen-Orient, lutte contre le terrorisme, etc.
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Pour sa première année au pouvoir, le locataire de la Maison-Blanche peut même se targuer de quelques succès, comme la reprise des villes de Raqqa et de Mossoul des mains de l’État islamique – même si en l’occurrence il s’est contenté de poursuivre la stratégie décidée par Barack Obama – ou l’accord avec la Chine sur le renforcement des sanctions contre la Corée du Nord.
Voilà pour la lecture optimiste qui pourrait être résumée ainsi : Donald Trump aboie pour l’instant plus qu’il ne mord. Il menace de bombarder Pyongyang, mais Washington continue de privilégier l’approche diplomatique dans ce dossier. Il multiplie les discours bellicistes à l’encontre de l’Iran, mais, dans les faits, il ne s’est pas encore retiré de l’accord nucléaire et il a pour l’instant évité la confrontation directe avec les Iraniens et leurs obligés sur le théâtre syro-irakien. De là à tirer de ce constat général un motif de satisfaction, il y a toutefois un (grand) pas. Certes, Donald Trump n’a pas (encore) cassé toute la baraque, comme on pouvait le craindre, mais il a tout de même déjà fait beaucoup de dégâts.
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La doctrine du retrait
Son obsession à vouloir détruire l’héritage de son prédécesseur, sa profonde méconnaissance des dossiers, son utilisation intempestive de Twitter pour réagir – au gré de son humeur – aux questions les plus sensibles sur la scène internationale, son incapacité à se présidentialiser, comprendre les règles de la diplomatie ont fortement impacté l’image des États-Unis dans le monde. En douze mois, le 45e président américain aura réussi à scier une partie de la branche sur laquelle son pays était assis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est l’ordre international que Washington a édifié et a essayé de renforcer pendant des décennies que Donald Trump est profondément en train de fragiliser. Son slogan « America First » s’est soldé dans la réalité par un isolement sans précédent des États-Unis dans le monde, au point que le leadership américain, pourtant encore incontestable sur le papier, est désormais largement remis en question par les autres acteurs.
« La politique étrangère de Donald Trump a trouvé son thème : la doctrine du retrait », résumait Richard Haass, directeur du cercle de réflexion Council on Foreign Relations, en octobre dernier. En un an, les États-Unis se sont en effet retirés du traité commercial transpacifique (TTP), de l’accord de Paris sur le climat et de l’Unesco, tout en menaçant de se retirer de l’Alena et de l’accord nucléaire avec l’Iran. Le président américain pouvait difficilement avoir une vision du monde plus opposée que cela à celle de son prédécesseur. Alors que, dans sa gestion des affaires internationales, Barack Obama se distinguait par son esprit méticuleux, son pragmatisme excessif, sa froideur, sa défense du multilatéralisme, son successeur se montre impréparé, imprévisible, coléreux et adepte d’une vision du monde complètement américano-centrée.
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Ni réaliste ni isolationniste
En matière de relations extérieures, il n’y a pas de doctrine Trump. Le président américain n’est ni un réaliste ni un isolationniste, comme il a tendance à être présenté. Il est clairement motivé par une idéologie, même si celle-ci n’est clairement pas structurée, par une vision du monde où tout est défini par les rapports de force. Il se laisse le loisir d’intervenir quand il considère que c’est dans l’intérêt américain, comme il l’a fait en Syrie après l’attaque chimique contre Khan Cheikhoun en avril dernier. Il reste silencieux sur la question des droits de l’homme et cultive même un goût prononcé pour les autocrates. Il n’a de respect que pour l’avis des militaires, alors que le Foggy Bottom est amputé d’une grande partie de ses membres, et semble considérer, à l’inverse de son prédécesseur, chaque « problème comme un clou ».
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Et c’est au Moyen-Orient que le président américain semble avoir le plus de « problèmes », puisque c’est sans conteste dans cette région qu’il aura été le plus actif durant sa première année de mandat. Sans stratégie lisible, Donald Trump a fait vivre la région au rythme de son imprévisibilité durant toute l’année. En quelques mois, il a décrété le « muslim ban », a réintégré l’Iran dans l’axe du mal depuis Riyad, a soutenu l’Arabie saoudite dans sa mise au ban du Qatar, et surtout a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël.
Pour ceux qui en doutaient encore il y a quelques mois, il est désormais clair que le président américain ne ressemble à aucun de ses prédécesseurs. Sa rencontre avec le reste du monde a été particulièrement brutale. Les Européens sont les plus inquiets. Les Israéliens et les Saoudiens les plus satisfaits. Les Russes et les Chinois les plus aux aguets pour profiter du vide laissé par la première puissance mondiale. Celle-là même qui pourrait bien être la principale perdante de la politique internationale menée par celui qui avait promis, durant sa campagne, de ne défendre que ses propres intérêts.
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“America first” est le slogan du KKK...
Gros Gnon
20 h 19, le 21 janvier 2018