Comme à chacune de ses éditions, c'est un vaste programme particulièrement dense, couvrant un très large éventail de thèmes d'actualité aussi bien politiques, géostratégiques qu'économiques, qui a marqué la première journée de la 10e édition de la conférence sur la gouvernance mondiale (World Policy Conference, WPC), qui a débuté ses travaux hier à Marrakech, en présence de près de 300 personnalités de renommée internationale. Les débats se poursuivront jusqu'à demain, dimanche. La WPC, organisée par l'Institut français des relations internationales (IFRI), à l'initiative du président de l'IFRI, Thierry de Montbrial, fête cette année son dixième anniversaire. La première édition s'était tenue en octobre 2008 à Évian. C'est la troisième fois en dix ans que la WPC se tient à Marrakech, preuve de l'intérêt que porte le Maroc pour ce forum international d'échanges et de débats.
Le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, devait être l'invité d'honneur à un déjeuner-débat, comme indiqué dans le programme préliminaire. Il s'est toutefois décommandé, mais le premier vice-gouverneur de la Banque centrale, Raëd Charafeddine, participera aujourd'hui, samedi, à un atelier de travail aux côtés de plusieurs personnalités du monde de la finance.
L'un des principaux panels qui ont marqué le premier jour de cette conférence avait pour thème « Tendances au Moyen-Orient ». Comme on pouvait s'y attendre, la politique de l'administration Trump à l'égard de l'Iran a été l'un des sujets largement débattus. L'ancien conseiller du président Jimmy Carter et ancien ambassadeur américain auprès de l'Union européenne, Stuart Eizenstat, a notamment souligné que l'un des principaux objectifs de la nouvelle administration américaine est d'empêcher « la montée en puissance de l'armée iranienne dans la région » et de juguler l'influence iranienne, d'où la volonté du chef de la Maison-Blanche de réviser les termes de l'accord sur le nucléaire iranien. Dans cette même optique, les hauts responsables américains planchent actuellement sur la détermination de nouvelles sanctions contre le régime des mollahs. Selon M. Eizenstat, le second objectif prioritaire de
Washington est d'aboutir à un règlement du problème israélo-palestinien.
Rebondissant sur l'intervention de M. Eizenstat, le président de l'Institut d'Israël et ancien ambassadeur d'Israël aux États-Unis Itamar Rabinovich a souligné que c'est en Syrie et au Liban que doit se jouer la lutte contre l'influence grandissante de l'Iran. Affirmant que le rôle joué par Téhéran au Moyen-Orient « complique le conflit du Proche-Orient », M. Rabinovich a déclaré que « pour remettre l'Iran à sa place, il faut s'attaquer au problème de son influence en Syrie et au Liban ». L'ancien ambassadeur israélien a, par ailleurs, révélé que les sondages d'opinion en Israël sont favorables à une coalition de centre-gauche, « ce qui pousse à l'optimisme tous ceux qui cherchent à aboutir à une solution au problème du Proche-Orient ».
Cet optimisme prudent a été partagé par une personnalité palestino-américaine, consultant en affaires énergétiques, Odeh Aburdene, qui a fait état de « lueurs d'espoir » sur le plan de la recherche d'une solution au P-O. Il a évoqué à cet égard, comme signaux positifs, la réconciliation interpalestinienne autour d'une même autorité, ainsi que la récente implication des États du Golfe qui se disent prêts à s'engager dans un processus de paix, « ce qui offre une opportunité à Israël ». « En outre, relève M. Aburdene, le président Trump affirme qu'il a "un bon plan de paix" et qu'il va s'engager dans "les négociations du siècle" pour régler la crise du P-O. »
La perception économique de Azour
Les perspectives qui s'offrent au M-O ont été abordées sous un angle économique par l'ancien ministre des Finances et directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale au FMI, Jihad Azour, qui a déploré que la question économique, qui reste au cœur des développements dans la région, soit marginalisée. Relevant que la croissance que connaissent les pays de la région est « acceptable », mais devrait être davantage accrue, M. Azour a prôné une politique économique basée sur l'éducation et l'ouverture des jeunes aux technologies modernes, l'éducation devant se traduire par une formation professionnelle qui doit s'étendre sur toute la carrière de la personne. M. Azour a souligné en outre la nécessité d'une inclusion financière des jeunes de manière à faciliter leur accès aux crédits, ce qui permettrait de créer des emplois.
La séance d'ouverture
Notons que la séance d'ouverture a été marquée par deux messages, du roi Mohammed VI du Maroc et du président Emmanuel Macron, ainsi que par les discours de M. de Montbrial et de l'archevêque de Constantinople Bartholomée Ier.
Le roi Mohammed VI a notamment souligné que « les aspirations des citoyens, notamment africains, ne peuvent se concrétiser qu'à travers des programmes de développement humain et économique inclusifs qui s'inscrivent dans une dimension régionale et continentale ». « L'élaboration de politiques en matière d'éducation, de formation professionnelle et de santé permettra une meilleure insertion des jeunes dans le tissu socio-économique de nos pays », a ajouté le roi Mohammed VI.
Quant au président Macron, il a défini dans son message trois défis à relever pour assurer une bonne gouvernance mondiale, à savoir les défis du développement, de l'éducation et de la santé, ainsi que celui du climat. « Pour tous ces défis, a souligné le président Macron, nous devons prêter attention aux règles et institutions qui nous permettent de repousser la faim, la maladie, l'ignorance et la guerre. »
Quant à M. de Montbrial, il a déploré le fait que depuis la création de la WPC, de nouveaux fléaux sont apparus dans le monde, notamment le terrorisme islamiste, l'accroissement massif des flux de réfugiés et la montée du nationalisme au sein même de l'Europe. Le président de l'IFRI a relevé sur ce plan que l'une des causes de la montée des nationalismes en Europe est la mauvaise gouvernance et « l'élargissement rapide de l'Union en raison de la chute de l'URSS ».
Enfin, l'archevêque Bartholomée Ier a dénoncé le fondamentalisme et l'instrumentalisation du religieux, mettant l'accent sur le rôle de la religion dans la solution des crises à différents niveaux.
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12 h 25, le 04 novembre 2017