« Nous disons à Trump que nous n'accepterons pas son plan, l'affaire du siècle s'est transformée en claque du siècle. » Ces mots prononcés dimanche soir par le président palestinien Mahmoud Abbas en réponse à l'offre de paix du président américain sont forts et confirment surtout la perte, à ses yeux, de la place de médiateur de la première puissance mondiale dans le processus de paix israélo-palestinien. La reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël par Donald Trump et l'annonce, le 6 décembre, du transfert de l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem ont asséné l'ultime coup à la relation entre le camp palestinien et les États-Unis, qui s'était déjà bien dégradée ces derniers mois.
« Jérusalem est la capitale éternelle de l'État de Palestine », a affirmé Mahmoud Abbas à l'occasion de l'ouverture de la réunion des cadres de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Ramallah, qui s'est poursuivie hier. « Nous sommes à un moment critique et notre avenir est en danger... On nous offre actuellement Abou Dis comme capitale », a ajouté le dirigeant palestinien. Il confirme ainsi les rumeurs qui couraient depuis décembre sur une offre de plan de paix sponsorisé par Washington et Riyad pour faire de la petite ville d'Abou Dis, située dans le gouvernorat de Jérusalem, la capitale palestinienne.
Si la décision américaine de reconnaître Jérusalem a permis de remettre le conflit entre les Palestiniens et l'État hébreu, qui dure depuis plus de soixante ans, sur le devant de la scène moyen-orientale, elle n'a pas aidé à débloquer des négociations de paix enlisées depuis plusieurs années, mais elle a, au contraire, contribué à polariser les positions de chaque partie.
Pire encore, elle met au placard les efforts déployés par les précédentes administrations américaine, palestinienne et israélienne pour tenter d'obtenir une solution commune au conflit qui constitue l'épicentre de la tension dans la région. « Je dis qu'il n'y a plus d'Oslo, Israël a mis fin à Oslo », a martelé le dirigeant palestinien dimanche. Les accords d'Oslo, auxquels M. Abbas se réfère, ont été signés en 1993 à Washington D.C. par le Premier ministre israélien de l'époque, Yitzhak Rabin, Yasser Arafat, président du comité exécutif de l'OLP, et Bill Clinton, alors président des États-Unis.
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Quel scénario post-Oslo ?
Le document permettait alors de donner un cadre aux négociations de paix et posait la reconnaissance mutuelle entre les deux parties concernées, un événement historique où les dirigeants présents posaient, tout sourire, pour les caméras sur le perron de la Maison-Blanche, semblant annoncer une résolution du conflit dans un futur proche. Vingt-cinq ans plus tard, l'occurrence paraît bien lointaine, voire presque anecdotique.
Les déclarations de Mahmoud Abbas soulèvent donc de nombreuses interrogations. Ira-t-il jusqu'au bout de ses propos ? Quelles options se présentent alors pour le camp palestinien dans un scénario post-Oslo ? Car l'abandon du texte « signifierait également la dissolution de l'Autorité nationale palestinienne », alors que les zones qu'elle administre ont été définies par les accords d'Oslo, souligne Jean-Paul Chagnollaud, professeur émérite des universités et président de l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient (Iremmo), interrogé par L'Orient-Le Jour. « Cela poserait notamment le problème du sort des institutions palestiniennes sous son contrôle, qui sont particulièrement utiles au quotidien pour la population », ajoute-t-il.
Selon l'expert, il en va de même pour le problème des armes du Hamas ou encore de la coopération sécuritaire avec l'État hébreu, dont l'Autorité palestinienne a besoin. Autant d'éléments à prendre en compte, et bien peu d'indications du côté palestinien pour répondre à ces questions.
Dans cette optique, une autre difficulté pour M. Abbas serait également de présenter un médiateur autre que les Américains pour chapeauter les négociations de paix. Une tâche loin d'être facile alors qu'il est peu probable que les Israéliens acceptent un autre intermédiaire que Washington sous l'administration Trump, acquise à leur cause.
« La stratégie de Mahmoud Abbas est confuse pour le moment », observe M. Chagnollaud. Face à un plan d'attaque difficilement lisible du côté palestinien, il s'agit de savoir si la solution à deux États est aussi remise en cause. Si elle a déjà été évoquée par le président palestinien par le passé, un changement de position sur la question irait à l'encontre des intérêts palestiniens dans le contexte actuel. « Le dirigeant palestinien a tout intérêt à tabler sur son succès diplomatique qui a déjà eu un début de concrétisation » ces dernières années du fait de diverses reconnaissances internationales du statut de la Palestine, estime le spécialiste.
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11 h 42, le 16 janvier 2018