Maintenant que les citoyens du bas d'en bas, ceux de l'étage médian, et peut-être même quelques-uns de ceux qui acalifourchonnent les hautes sphères se sont troués le futal en taxes pour couvrir les frais de la grille des salaires des fonctionnaires, ils seraient peut-être en droit de s'attendre à une amélioration de la qualité du service.
Cause toujours, Raoul ! La quasi-totalité des officines publiques ronronnent gentiment sur des horaires à peine allongés, sans que cela ne titille pour autant leur rendement qui reste au ras des pâquerettes. Sauf bien sûr à l'heure du déjeuner, quand la cohorte des assistés s'interpellent d'un bureau à l'autre pour ajuster leurs commandes surchargées de triglycérides, sous l'œil torve des bipèdes bas de gamme qui s'entassent résignés dans la salle d'attente.
Pour casser la monotonie, se pointe de temps à autre une espèce de nabab venu de l'extérieur, gorgé d'espoir et du koullouna plein les yeux. Comme l'individu a des relations, il est illico reçu par le planqué en chef local, un pète-sec à la mine compassée qui ne risque pas de craquer pour surmenage. Son job à lui consiste seulement à tirer la gueule, donner des ordres et tenir salon le reste du temps. Un boulot d'ailleurs équitablement partagé : les subalternes s'occupent de tout, et lui du reste.
Le cinéma ne dure que quelques minutes, puis le nouvel arrivant sort du saint des saints, tenu en laisse par une assistante pommadée et peinturlurée comme une auto volée. Elle demande à un sous-fifre de s'occuper de messire, pivote des talons aiguilles et s'en retourne à son bureau récupérer sa lime à ongles. Le sous-fifre sous-traite aussitôt la mission auprès d'un encore plus sous-fifre que lui, lequel refile le boulot à un esclave tout au bas de l'échelle, qui lui n'a rien à braire des affaires du nabab présumé. Sonné, celui-ci tombe littéralement du cocotier et s'en va rejoindre le troupeau des déprimés dans la salle d'attente. Comme quoi, même pour les décavés il y a toujours une justice.
Au bout de quelques heures, fin du purgatoire. À ce moment, il y a toujours une histoire débile de timbre qui vient gripper la machine. À l'ère du digital où règne presque partout la validation numérique, les gratte-papiers d'ici en sont restés au timbre fiscal antédiluvien. Encore faut-il le trouver, le mégot ratatiné frappé du cèdre. Le rond-de-cuir en charge de la formalité n'en a jamais, et c'est au demandeur d'aller le chercher. Évidemment, c'est toujours 6 étages plus bas, au fond du couloir 8e porte à gauche. Puis rebelote dans la file d'attente.
Y a pas à dire, au Liban on n'arrête pas le progrès. Il s'arrête tout seul...
gabynasr@lorientlejour.com
Cause toujours, Raoul ! La quasi-totalité des...
commentaires (5)
Pour les ignorants comme moi, afin de comprendre le Billet de Gaby Nasr, mettez à votre portée les dictionnaires des langues suivantes : Le Volapük, l'Espéranto, le Bâleybelen, le Sanskrit, l'Ithkuil et le Karchouni. A part ça, régalez-vous de notre gâteau du vendredi.
Un Libanais
15 h 00, le 12 janvier 2018