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Bombances

Passé les réjouissances des fêtes, petits et grands reprennent, bon gré mal gré, le chemin de l'école ou du bureau. Les bonnes résolutions n'y changeront rien, d'aucuns se feront invariablement tirer l'oreille ; c'est de ces mêmes traînards pourtant que l'on attend avec le plus d'impatience, et pour les meilleures raisons du monde, un sérieux coup de collier.

Pour leur première session de l'année, les ministres ont bravement répondu jeudi à l'appel du devoir. Mais soit qu'ils avaient la digestion difficile au lendemain de toutes ces agapes, soit qu'ils ont reculé devant l'énorme pile de dossiers en souffrance qui les attendait, ils ont fait ce qu'il savent faire de mieux : renvoyer le tout à plus tard.

Pour un peu, on les comprendrait, allez, sans pour autant les excuser. Car gouverner le Liban, gouverner au Liban, tient désormais de l'impossible, depuis qu'a été érigée cette règle de consensus communautaire régissant toute décision gouvernementale, quand bien même elle serait en contradiction avec les dispositions de la Constitution. Le résultat en est souvent la paralysie du gouvernement. Et cela d'autant qu'une anomalie en engendre fatalement une autre, et qu'on en est venu à un sidérant mélange des genres.

Ainsi, le gouvernement n'est plus seul à vaquer aux affaires de l'État, quitte à rendre compte de sa gestion à l'Assemblée. Se désistant pratiquement de son rôle de censeur, devenu en effet superflu, le législatif, en la personne de son chef, est partie prenante du pouvoir exécutif, le gouvernement n'étant plus autre chose en effet qu'un mini-
Parlement. Jamais ce paradoxe n'aura été mieux illustré que par l'actuelle querelle de procédure opposant ces deux fortes têtes que sont les présidents Aoun et Berry, à propos des avancements et arriérés de soldes dus aux officiers de la promotion sacrifiée de 1994.

Quant au reste, il y a tant à faire en 2018 qu'au train où vont (ou ne vont pas) les choses, il va falloir prévoir de substantielles rallonges au calendrier. Ridiculement inutiles auront été les vœux de bonne santé échangés à l'occasion du Nouvel An, si devait perdurer la scandaleuse crise des ordures ménagères. Le courant électrique, l'eau courante, les infrastructures et la sécurité routière, la sécurité tout court, les élections législatives, le problème des réfugiés, les problèmes socio-économiques, la navigation diplomatique entre l'Iran et l'Arabie saoudite, la guerre de Syrie, les menaces israéliennes, les visites guidées de combattants de tout poil dans ce véritable moulin qu'est la région frontalière sud, que de trous à colmater ! À cette fin, c'est d'artisans de génie, d'ouvriers hautement qualifiés, de bourreaux de travail qu'a besoin le pays : non de coqs dressés sur leurs ergots et prétendant défendre les intérêts de leurs communautés sans évidemment oublier les leurs, d'intérêts...

La triste, la honteuse réalité est que nombre des calamités dont nous souffrons résultent de cet affairisme sans bornes, de la chasse effrénée aux adjudications, commissions et dessous de table qui font le déshonneur d'une bonne partie de la classe dirigeante. Or c'est le gros lot que visent aujourd'hui les requins de la politique. C'est en eau profonde qu'ils s'activent, là où dort un trésor pétrolier dont ils se promettent de ne céder que la part congrue à son légitime propriétaire, l'État libanais.

Comme quoi l'appétit vient en mangeant. Et en matière de bénéfices, il n'y a apparemment pas d'indigestion qui tienne.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Passé les réjouissances des fêtes, petits et grands reprennent, bon gré mal gré, le chemin de l'école ou du bureau. Les bonnes résolutions n'y changeront rien, d'aucuns se feront invariablement tirer l'oreille ; c'est de ces mêmes traînards pourtant que l'on attend avec le plus d'impatience, et pour les meilleures raisons du monde, un sérieux coup de collier.
Pour leur première...