À chacune de ses apparitions médiatiques, le secrétaire général du Hezbollah fait l'actualité. Il y a ceux qui l'appuient inconditionnellement et ceux qui le critiquent quoi qu'il dise. Entre les deux, il y a aussi ceux qui hésitent et ceux qui cherchent à marquer des points politiques dans cette période de campagne électorale. Mais les plus attentifs à ses propos sont sûrement les Israéliens qui étudient chaque phrase qu'il a prononcée, à la recherche d'indices sur ses intentions et ses moyens véritables. D'ailleurs, Hassan Nasrallah manie à la perfection l'art d'utiliser les mots pour adresser des messages dans toutes les directions, sans en avoir l'air. La longue interview qu'il a accordée mercredi soir à la chaîne
al-Mayadine est ainsi truffée d'indications et d'informations sur la vision du Hezbollah pour la période à venir.
Loin des considérations de la politique interne qui visiblement n'intéressent pas beaucoup le secrétaire général, ce dernier s'est largement étendu sur la situation régionale et sur les capacités de l'axe dit de la résistance. Selon les spécialistes du Hezbollah, ce qu'il faut retenir, c'est que Hassan Nasrallah a affirmé que la guerre avec Israël devrait forcément éclater un jour, même s'il affirme que ce n'est pas son camp qui la déclencherait. Cette guerre s'inscrit, selon lui, dans la logique des choses et des développements surtout avec la présence de Donald Trump à la tête de l'administration américaine. Mais il a aussi affirmé que cette guerre, si elle devait éclater, ne fait pas peur au camp de la résistance, qui au contraire pourrait la transformer en une opportunité unique pour libérer des territoires occupés. Là, le chef du Hezbollah a précisé qu'il ne parle pas de la Galilée (dont la libération, selon lui, devrait se faire dans le cadre d'une nouvelle agression israélienne contre le Liban), mais bien de Jérusalem, qui pourrait être libérée par l'ensemble de « l'axe de la résistance », les Palestiniens en tête et en première ligne. C'est certainement la première fois depuis des années qu'une figure arabe ose aller si loin dans l'expression de la force de son camp. Même dans ses derniers discours, Hassan Nasrallah lui-même parlait d'un équilibre de la dissuasion et annonçait que les missiles de sa formation pouvaient atteindre les coins les plus éloignés de l'entité israélienne. Mais là, il a réellement parlé de libération, franchissant un nouveau pas dans sa guerre psychologique contre les Israéliens.
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Un peu plus loin, le secrétaire général du Hezbollah a affirmé que la guerre contre Daech est plus difficile que la guerre contre les soldats israéliens. Il a expliqué cette affirmation en déclarant que les combattants de Daech ne craignent pas la mort. Au contraire, ils se précipitent vers elle avec leurs ceintures d'explosifs ou leurs voitures piégées. Ce qui a rendu le combat contre eux très difficile. Alors que le soldat israélien a peur de la mort et il ne se déplace qu'avec une protection militaire extrême, au sol et dans les airs. Selon lui, c'est un élément qui joue en faveur de la résistance qui, elle, ne craint pas de mourir pour la cause qu'elle défend. Tout en refusant de préciser si son parti détient de nouvelles armes, notamment des missiles antiaériens, Hassan Nasrallah a affirmé que le seul point fort de l'armée israélienne est dans sa puissance aérienne. Mais il a ajouté que depuis la guerre de 2006, il est clair que l'armée de l'air ne peut pas permettre de gagner une guerre. Il faut s'appuyer sur une force terrestre et c'est là que le bât blesse pour les Israéliens.
Nasrallah a aussi affirmé, dans le cadre de cette interview télévisée, que si Israël déclenche une nouvelle guerre, il devra faire face à des milliers de combattants appartenant à l'axe dit de la résistance, ceux-là-mêmes qui ont combattu aux côtés des armées syrienne et irakienne pour vaincre Daech et ses semblables. Selon lui, la guerre contre le terrorisme, menée par l'axe dit de la résistance, a renforcé celui-ci et lui a permis de constituer une véritable armée capable de faire face à toute menace terroriste et autre. Tout en refusant de considérer le Hezbollah comme le fer de lance de « l'axe de la résistance », il a assuré qu'au Yémen, du moins, les forces qui se concentrent autour d'Ansarallah (les houthis) en font partie. Ce qui constitue un message indirect à l'Arabie saoudite et à ses alliés dans la guerre au Yémen, où il ne s'agit plus d'affronter une force isolée.
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C'est d'ailleurs ce qui ressort de cette longue interview qui a abordé de nombreux sujets, comme la situation en Iran, le cas de Jérusalem, la guerre en Syrie, la situation interne libanaise, etc., et c'est que désormais, il y a un « axe de la résistance » qui regroupe des forces multiples, dont les factions palestiniennes – ce qui est loin d'être un détail –, et qui considère qu'il a remporté une manche importante avec la victoire contre Daech et la préservation de l'Irak et de la Syrie.
Tout en reconnaissant les risques d'une nouvelle guerre avec Israël, le secrétaire général s'est toutefois voulu rassurant en exposant les éléments de force de « l'axe de la résistance », face à l'affaiblissement du camp adverse. Il a même été jusqu'à révéler que les administrations américaines précédentes (certaines d'entre elles au moins) avaient adressé des messages indirects au Hezbollah pour instituer une sorte de coopération tacite sur certains dossiers, tout en multipliant les déclarations officielles incendiaires contre cette formation. Selon lui, c'est l'une des caractéristiques des administrations américaines d'utiliser un double langage.
Réalité ou intox ? Les partisans du sayyed affirment qu'il dit toujours la vérité, mais qu'il modifie les doses selon la tactique du moment. Une chose est pourtant constante dans ses propos, précisent ses partisans, c'est l'attachement de son parti à la formule libanaise dans sa diversité et son souci de préserver la stabilité interne, indépendamment des remous dans la région.
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"Selon lui, c'est un élément qui joue en faveur de la résistance qui, elle, ne craint pas de mourir pour la cause qu'elle défend." Certes! Houris obligent...mais ce qu'il ne dit pas c'est que la résistance ne craint pas de provoquer la destruction du Liban, sans pour autant demander l'avis de tous les Libanais(après tout, les Libanais ne croient pas tous aux fantasmagories religieuses de tout acabit!)
13 h 20, le 08 janvier 2018