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Canicule printanière

Il en est parfois des collectivités humaines comme de leurs semblables du règne végétal. À la vie mise en veilleuse, à l'engourdissement et à la torpeur de l'hiver, succède alors une phase de renouveau, une frénésie d'éclosions, de floraisons. C'est durant la première moitié du XIXème siècle qu'il est ainsi question, pour la première fois, d'un printemps des peuples : les révolutions républicaines se répandent alors comme traînée de poudre à travers toute l'Europe, bien qu'avec un inégal succès; fragiles s'avèrent en effet ces réveils en sursaut populaires, et les systèmes en place ne manquent pas de moyens de défense.


De fait, l'histoire contemporaine, à son tour, décernera le titre de printemps de Prague à l'éphémère entreprise réformiste du communiste Alexandre Dubcek, adepte d'un socialisme à visage humain, un rêve que les tanks soviétiques se chargeront d'écraser de leurs chenilles. Encore plus proches de nous, les printemps arabes n'ont pas tous tenu leurs promesses. Et à l'heure où la République islamique d'Iran elle-même fait face à une grave contestation interne, il n'est pas inutile de souligner à quel point Téhéran a joué de cette effervescence pour avancer ses pions au Moyen-Orient, l'accord sur le nucléaire ne faisant que rehausser sa stature régionale.


Tout au long des dernières années, la République islamique n'a cessé en réalité d'alterner les rôles de pyromane et de pompier. Elle s'est empressée de combler les vides du pouvoir partout où ils se produisaient dans le monde arabe, poussant ses tentacules jusqu'au Yémen ; et elle a court-circuité, au contraire, le printemps de Beyrouth qui se solda par le retrait de l'occupant syrien, avant que de voler à la rescousse du tyran assiégé Bachar el-Assad. Qui, sans craindre le ridicule de la situation, trompetait hier... son soutien, oui son soutien, aux mêmes mollahs qui n'ont cessé, ces dernières années, de le soutenir, eux, à bout de bras !


Cela dit, six jours de manifestations, une vingtaine de morts et des centaines d'arrestations, est-ce assez pour présager d'un printemps iranien plus viable que celui de l'an 2009 qui fut sauvagement réprimé par les gardiens de la révolution et leurs collègues du bassidj ? Le plus significatif est que l'actuelle agitation a lieu dans un pays désormais bien carré dans son statut de puissance, un pays débarrassé certes des sanctions internationales qui le frappaient durement, mais dont la politique de grandeur (traduisez interventionnisme effréné) n'a en rien amélioré l'existence de la population, bien au contraire. Outre la vie chère, la répression des libertés et la corruption, outre le président Rohani et même le guide suprême Khamenei, c'est contre les équipées extraterritoriales, coûteuses en vies humaines comme en argent, contre le Hezbollah et ses clones, que l'on manifeste ces jours-ci en Iran.


Non moins remarquable est l'appui de Washington aux contestataires, exprimé sans détour, avec jubilation et à répétition par Donald Trump, pour qui le temps du changement est venu : appui faisant fi de la réserve habituellement observée par les gouvernements étrangers et qui peut laisser croire que les encouragements US aux protestataires dépassent le cadre purement moral. Or telle est précisément la conviction du guide suprême Khamenei, qui accuse les ennemis de s'être ligués en mettant en commun leurs moyens, leur argent, leurs armes et leurs services de renseignements pour mener la vie dure à l'Iran.


À défaut de printemps iranien et sans égard pour le cycle naturel des saisons, c'est un été chaud qui vient apparemment de commencer...


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Il en est parfois des collectivités humaines comme de leurs semblables du règne végétal. À la vie mise en veilleuse, à l'engourdissement et à la torpeur de l'hiver, succède alors une phase de renouveau, une frénésie d'éclosions, de floraisons. C'est durant la première moitié du XIXème siècle qu'il est ainsi question, pour la première fois, d'un printemps des peuples : les...