Rechercher
Rechercher

À La Une - irak

La rage des manifestants intacte au Kurdistan irakien

Ces protestations ont entraîné une crise institutionnelle sans précédent: le parti Goran (10 ministres) et celui du Groupe islamique (deux ministres) ont annoncé leur retrait du gouvernement régional de Nechervan Barzani, qui compte 21 membres.

Des manifestants kurdes irakiens dans une rue de Souleimaniyeh, le 19 décembre 2017. Photo AFP / SHWAN MOHAMMED

La rage des manifestants contre les partis au Kurdistan irakien, accusés de corruption et d'impéritie, était mercredi toujours aussi vive en dépit du déploiement massif des forces de sécurité.

Dans la province de Souleimaniyeh, des protestataires ont mis le feu aux sièges de Goran et de deux formations plus modestes, le Parti social-démocrate et le Parti communiste du Kurdistan, dans la localité de Rania, sans que les gardes n'interviennent. Des manifestations ont eu lieu également à Qalat Diza, Chamchamal et Halabja. Dans cette dernière localité, les forces de l'ordre ont tiré en l'air et fait suage de gaz lacrymogène, selon des témoins.

La veille, les affrontements entre manifestants et policiers à Rania ont coûté la vie à cinq protestataires atteints par balles, et fait plus de 70 blessés. Au lendemain de ces heurts sanglants, la mission d'assistance de l'ONU en Irak (Unami) a fait part de son inquiétude. Elle a appelé les forces de l'ordre à "faire preuve de retenue" et les manifestants "à éviter les actes de violence".

Ces protestations ont entraîné une crise institutionnelle sans précédent: le parti Goran (10 ministres) et celui du Groupe islamique (deux ministres) ont annoncé leur retrait du gouvernement régional de Nechervan Barzani, qui compte 21 membres.

Depuis le début des émeutes lundi, au moins 15 sièges de partis politiques ont été incendiés ainsi qu'une mairie, les manifestants accusant le gouvernement de corruption et appelant à sa chute.
"Nous brûlons les sièges des partis car ils font partie du gouvernement et sont responsables des souffrances économiques et politiques qu'endure le peuple kurde", a affirmé à l'AFP un activiste de Souleimaniyeh, refusant d'être identifié pour des raisons de sécurité. "Les citoyens kurdes veulent montrer qu'ils sont désespérés par l'action de tous les partis qui ont mené le Kurdistan à la faillite", a-t-il ajouté.

(Pour mémoire : Barzani, fondateur de l'autonomie du Kurdistan contraint au départ)

 

Magasins fermés
Pour tenter de prévenir des heurts, des véhicules de police montés de mitrailleuses, des policiers anti-émeutes et des camions à canon d'eau ont pris position aux principaux carrefours de Souleimaniyeh, chef-lieu de la province éponyme.
De nombreux magasins étaient fermés près de la place du Sérail, en centre-ville, où se sont rassemblés ces deux derniers jours des milliers de manifestants.
Selon des protestataires, plusieurs personnes on été arrêtées.
Des forces de sécurité étaient également déployées dans d'autres localités de la province.

La région autonome, qui affichait il y a encore peu sa fierté pour sa richesse et sa stabilité pendant que le reste de l'Irak sombrait dans le chaos, se trouve aujourd'hui dans une situation de crise profonde.
Le référendum d'indépendance du 25 septembre initié par l'ex-président Massoud Barzani, mais rejeté avec force par le pouvoir central à Bagdad et la communauté internationale, s'est terminé en fiasco malgré la massive victoire du Oui. Après son pari raté d'accession à l'indépendance, qui a conduit à la perte de presque tous les territoires disputés au pouvoir central, Massoud Barzani a quitté la présidence du Kurdistan en novembre. Le Parlement kurde a ensuite effectué une répartition provisoire des pouvoirs, dans l'attente d'une élection présidentielle dont la date n'est toujours pas connue.

(Lire aussi : Rosneft a versé une avance de 1,3 milliard de dollars au Kurdistan irakien)

 

 

"Sentiment de trahison"
Depuis la chute des cours du pétrole en 2014, la région était criblée de dettes mais le coup de massue a eu lieu lorsque, après le référendum, les forces du gouvernement de Bagdad se sont emparées des zones disputées, dont la riche province pétrolière de Kirkouk. En conséquence, le Kurdistan a perdu la moitié de sa production.

Le pouvoir central a en outre fermé après le référendum l'espace aérien international pour les liaisons avec les deux aéroports du Kurdistan et beaucoup de compagnies privées kurdes et étrangères ont dû plier bagage.

Selon des habitants à Erbil, la capitale du Kurdistan, les salaires ont été amputés de moitié depuis des mois et sont versés de manière erratique. Et avec l'hiver qui s'installe, le prix du mazout a fortement augmenté. Il n'y a que quatre heures d'électricité par jour et les gens n'ont plus les moyens de payer l'abonnement au générateur collectif.

"Il y a chez les gens un sentiment de trahison, de défaite et d'humiliation et ils en rendent responsables les partis", a assuré à l'AFP le géographe Cyril Roussel, spécialiste du Kurdistan irakien.
"On pouvait s'y attendre. Les gens se sentent trahis et les caisses de la région sont vides. Bagdad attend la banqueroute de la région pour entamer des négociations en position de force", selon lui.
Le mécontentement est partout au Kurdistan mais la région d'Erbil est "tenue d'une mains de fer par le PDK", le Parti démocratique du Kurdistan de Massoud et Nechervan Barzani, "alors que la diversité est plus grande à Souleimaniyeh", a expliqué M. Roussel.

Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a affirmé que son gouvernement ne pouvait pas payer le salaire des fonctionnaires au Kurdistan à "cause de la corruption qui y règne".
De son côté, Nechervan Barzani, en visite en Allemagne, a affirmé mardi que le Kurdistan "traversait une période difficile". "Vos frustrations sont compréhensibles et je les entends", a-t-il enchaîné, disant soutenir les manifestations pacifiques. "Mais la violence est inacceptable", a-t-il ajouté.

 

 

Pour mémoire

Abadi : Le référendum d’indépendance au Kurdistan « fait partie du passé »

Bagdad et Téhéran recourent à l'arme économique contre le Kurdistan irakien

La rage des manifestants contre les partis au Kurdistan irakien, accusés de corruption et d'impéritie, était mercredi toujours aussi vive en dépit du déploiement massif des forces de sécurité.
Dans la province de Souleimaniyeh, des protestataires ont mis le feu aux sièges de Goran et de deux formations plus modestes, le Parti social-démocrate et le Parti communiste du Kurdistan, dans la...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut