Lettre ouverte à Emmanuel Macron : Aidez le Liban à réaliser la neutralité permanente

Monsieur le Président de la République française, Emmanuel Macron

Je suis un citoyen libanais qui milite depuis plus de dix ans en faveur de la « neutralité permanente » du Liban et agis actuellement dans le cadre d'une association à but non lucratif, sous le nom de : « Rassemblement en faveur de la neutralité et de la paix du Liban ».
Sensible à tous les soutiens que la France n'a cessé d'apporter à mon pays à travers toutes les étapes de son histoire, je voudrais vous exprimer la gratitude de bon nombre de mes concitoyens pour votre action récente suite à la démission de notre Premier ministre, en Arabie saoudite, après une année de gouvernance difficile. Vous avez, en effet, perçu la gravité de la situation, et les conséquences désastreuses des nombreux débordements qui ont secoué la scène politique interne. Grâce à votre sagesse, vos conseils et votre détermination, vous avez réussi à endiguer les dangers qui guettent notre jeune République et à tempérer la spirale des inquiétudes qui la secoue profondément. Rentré au Liban, et faisant suite à la demande du président Michel Aoun et aux vœux, probablement, des instances internationales, dont vous pourriez avoir été un des principaux instigateurs, le PM a gelé puis retiré sa démission.
Monsieur le Président, vous n'êtes pas sans ignorer que la République libanaise est confrontée depuis son indépendance à des crises régulières à cause des interventions étrangères permanentes dans son système politique. Le pays traverse aujourd'hui encore, depuis le dernier incident survenu au PM, une onde de choc accentuée. Coincé entre deux « pôles », l'un iranien et perse, l'autre saoudien et arabe, il est entré, malgré les soutiens appuyés des grands décideurs, dans un état de coma artificiel, ballotté entre l'angoisse d'un blocage institutionnel prolongé et la mort de son entité nationale. Et quelle que soit l'issue des négociations en cours, sur la scène politique interne, aucune des solutions en gestation, dont celle de la « distanciation », ne pourra, dans la conjoncture régionale et internationale actuelle, interrompre définitivement le cycle permanent des interventions étrangères, et donc garantir l'indépendance, la souveraineté et la liberté d'action, si nécessaires pour la stabilité et le développement du pays, dans tous les secteurs confondus... !
Face donc à ce blocage quasi permanent des fonctions élémentaires d'un État de droit et à la pression continue que la géographie riveraine de la République du Cèdre fait subir à l'histoire de ce pays, votre précieux soutien ainsi que votre très grande capacité à convaincre sont des atouts majeurs pour accompagner et diligenter l'action que nous avons engagée, en vue de sensibiliser le monde en général et l'Europe en particulier au projet de « neutralité permanente » du Liban.
Cette option historique est un véritable acte de résistance et de survie. Elle seule pourra lui éviter désormais les pressions, tiraillements et chantages de forces étrangères qui ont constamment jalonné son parcours, perturbé sa stabilité et sa cohésion interne et interrompu son développement depuis 1943. Cette neutralité offrira à tous les États de la région, y compris à Israël, après que la paix israélo-arabe est signée, un lieu de rencontre, de débat et de médiation, et au monde une plateforme internationale permanente et idéale de dialogue entre les religions et les civilisations d'Orient et d'Occident.
Il est bien entendu, Monsieur le Président, que les conditions pour essayer d'obtenir la « neutralité permanente » pour mon pays doivent être conjoncturellement « compatibles et réalisables », cette situation n'est guère évidente, et les occasions d'y adhérer ne sont pas fréquentes. Mais jamais l'état des lieux n'a été en effet aussi propice. La nouvelle géopolitique régionale, les bouleversements sociaux et politiques des États de cette région, les découpages géographiques en gestation, les nombreux transferts de populations qui se sont opérés plaident en faveur de notre action.
La France, qui a toujours parrainé et soutenu depuis sa naissance l'État libanais, pourra à nouveau jouer un rôle incontournable et déterminant dans l'accession du pays du Cèdre à ce nouveau statut. Tous les citoyens de mon pays qui avaient suivi votre campagne exceptionnelle et votre accession à la tête de l'État français sont profondément convaincus, Monsieur le Président, que vous réussirez, là aussi, à porter avec succès auprès des instances européennes et internationales cette cause juste que nous défendons et pour laquelle nous militons avec acharnement et confiance parce qu'elle seule pourra assurer la survie de notre entité nationale et la «perduration» à jamais de cette terre « message » de paix, d'ouverture, de tolérance et de vivre-ensemble.
Nous espérons ardemment que vous serez convaincu par cette initiative citoyenne à laquelle aspire une très large frange de notre population, appartenant indistinctement à toutes les régions et religions du pays, et que vous voudrez bien participer à cet effort collectif long et difficile, dont l'objectif final devra enfin garantir et consolider, de façon permanente, la souveraineté nationale et la stabilité de pays du Cèdre,
Nous vous remercions par avance pour votre éventuel support et vous prions d'agréer, Monsieur le Président de la République française, l'expression de notre profonde estime et de notre très respectueuse considération.

Ancien conseiller économique et commercial pour l'Europe occidentale près l'ambassade du Liban à Paris, officier de l'ordre national du Mérite.