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Liban - Hommage

Gebran Tuéni, douze ans déjà : un souvenir omniprésent...

Le Liban commémore aujourd'hui l'assassinat du député et ancien PDG d'« an-Nahar », victime d'un attentat à la voiture piégée il y a douze ans.

« Vol, corruption, collaboration, occupation, sectarisme, censure, répression, servitude »... En 1994, Gebran Tuéni détruisait déjà le mur symbolique de tous les vices, de toutes les vicissitudes dont souffre le Liban...

Il y a douze ans, jour pour jour, Gebran Tuéni, alors député et PDG du quotidien an-Nahar, était lâchement assassiné à Mkallès, dans le Metn. Ce faisant, les assassins qui s'en ont pris à cette figure charismatique et proche des nouvelles générations pensaient pouvoir mettre un terme à une lutte souverainiste dont an-Nahar et son PDG étaient devenus un symbole.

Sauf qu'au fil de ces douze longues années, les Libanais ont prouvé à plusieurs reprises leur attachement à cette souveraineté, ainsi qu'à une indépendance intégrale, tant sur le plan politique qu'au niveau militaire. C'est ainsi que plusieurs formations politiques et personnalités indépendantes se sont ouvertement soulevées contre le Hezbollah, lorsque celui-ci a unilatéralement pris la décision d'engager le Liban dans la guerre contre Israël en 2006, mais aussi de mener seul la bataille des jurds contre les terroristes en juillet dernier. À cela s'ajoutent aussi les parades militaires organisées dans plusieurs régions du pays. Des pratiques devant lesquelles le gouvernement n'a pratiquement pas réagi, tentant ainsi de préserver le compromis politique élargi qui a donné le coup d'envoi au mandat de Michel Aoun.

 

(Lire aussi : Au centre-ville de Beyrouth, une douzième messe annuelle pour Gebran Tuéni)

 

Le 14 Mars
C'est justement en sa qualité de pilier de la révolution souverainiste déclenchée avec l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, et dont la journée historique du 14 mars 2005 reste le symbole, qu'il convient d'évoquer le souvenir de Gebran Tuéni aujourd'hui.

Douze ans après le rassemblement populaire monstre à la place des Martyrs, l'alliance souverainiste paraît moribonde, victime des petits intérêts de ses chefs et des querelles sur les enjeux de pouvoir entre ses composantes. Fortement secoué par les nouvelles alliances tissées peu avant l'accession de Michel Aoun à la tête de l'État en octobre 2016, ce regroupement de partis hostiles à l'axe syro-iranien a vu son discours souverainiste enregistrer une nette régression par rapport à celui qui prévalait durant le printemps de Beyrouth, voire durant la dynamique qui a conduit à l'intifada de l'Indépendance. Un discours tellement courageux qu'il a mené – avec le forcing international effectué à l'époque – le régime de Bachar el-Assad à répondre favorablement à la seule exigence des Libanais : le retrait des forces armées de Damas du territoire libanais. L'opposition du Bristol, puis la foule citoyenne du 14 mars 2005 ne voulait qu'une seule chose : jouir d'une indépendance et d'une souveraineté pleines, qui ne sont que le droit le plus naturel de tout pays. La « distanciation » l'aurait fait sourire. C'est une souveraineté conquérante, une neutralité dans les actes que Gebran Tuéni aurait réclamées aujourd'hui, loin de tout compromis vaseux.

D'ailleurs, le député assassiné dans un attentat à la voiture piégée, personnalité adulée des jeunes générations en son temps, n'avait pas tardé à déceler le vrai secret de la « résurrection du Liban ». « L'unité des Libanais, chrétiens et musulmans, pour défendre le Liban », comme il l'a clairement défini dans son célèbre serment, laissé aux Libanais en guise de testament, et dont l'écho retentit encore à la « place de la Liberté » avec les fantômes du souvenir...

 

(Pour mémoire : Pierre Gemayel, onze ans déjà : le courage au service d’une cause toujours aussi vivace...)

 

La bataille contre le régime syrien
Si les Libanais ne peuvent oublier le courage du député face à la mainmise syrienne sur le pays et sa farouche opposition au mandat d'Émile Lahoud, d'aucuns se souviennent aussi de sa lutte, aux côtés de plusieurs journalistes d'an-Nahar, pour la libération des disparus et détenus dans les prisons du régime Assad. D'autant que Gebran Tuéni a consacré son dernier éditorial du 8 décembre 2005 à cette question. Il l'a d'ailleurs évoquée lors de sa toute dernière intervention au Parlement, peu après les législatives de 2005, durant lesquelles il avait réussi à s'imposer au siège orthodoxe de Beyrouth I sur les listes du 14 Mars.
Si peu de personnalités osent encore se mobiliser pour cette cause fondamentale, qui garde pourtant toute son importance, le monde entier connaît aujourd'hui la barbarie du régime syrien et l'enfer que constituent ses prisons. Ces détenus libanais ne sauraient être occultés, oubliés, à l'heure où la vérité commence enfin à surgir aux yeux du monde entier.

 

Le combat pour les libertés
Sur un autre plan, c'est surtout Gebran Tuéni le journaliste – le chevalier de la plume libre – que le Liban salue en cette journée du 12 décembre 2017. D'autant que la commémoration de l'assassinat du jeune journaliste coïncide avec de flagrantes atteintes à la liberté d'expression et de la presse, depuis quelques semaines.

À l'heure où Gebran n'a pas manqué de sacrifier sa vie par son courage et son attachement à ses positions de principe face au régime sécuritaire libano-syrien, plusieurs de nos confrères journalistes – et avec eux des ténors politiques, mais aussi de simples citoyens utilisateurs de réseaux sociaux – sont actuellement dans le collimateur de la justice, pour avoir critiqué le gouvernement, le pouvoir en place, même des ministres et des conseillers...

Se souvenir aujourd'hui de Gebran Tuéni, c'est refuser implacablement toute dérive liberticide éventuelle, tout retour potentiel de l'État sécuritaire. Gebran n'avait-il pas promis de se battre « jusqu'à la dernière goutte de sang dans nos plumes, jusqu'à la dernière goutte d'encre dans nos cœurs »?
Beyrouth, et avec lui le Liban tout entier, n'a qu'une seule vocation aujourd'hui : lui rester fidèle. Jusqu'au bout de la liberté.

 

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Il y a douze ans, jour pour jour, Gebran Tuéni, alors député et PDG du quotidien an-Nahar, était lâchement assassiné à Mkallès, dans le Metn. Ce faisant, les assassins qui s'en ont pris à cette figure charismatique et proche des nouvelles générations pensaient pouvoir mettre un terme à une lutte souverainiste dont an-Nahar et son PDG étaient devenus un symbole.
Sauf qu'au fil de ces...

commentaires (3)

Gebran Tuéni restera inoubliable par son charisme .

Antoine Sabbagha

16 h 38, le 12 décembre 2017

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Commentaires (3)

  • Gebran Tuéni restera inoubliable par son charisme .

    Antoine Sabbagha

    16 h 38, le 12 décembre 2017

  • Tueni ET tous les autres , assassines apres mars 2005 doivent avoir UN SEUL regret : le mouvement du 14 mars qui s'en est parti a vau l'eau, a tout jamais. par la faute , je dirais consciente de ts ses organisateurs. TOUS sans exception.

    Gaby SIOUFI

    10 h 29, le 12 décembre 2017

  • Un vrai héros libanais qui a payé par sa vie pour notre droit à tous de nous exprimer en gens civilisés

    Wlek Sanferlou

    03 h 00, le 12 décembre 2017

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