Kaïss al-Khazaali. Photo AFP / HAIDAR MOHAMMED ALI
L'enchaînement des événements depuis la démission du Premier ministre Saad Hariri et ses motifs, relayés tambour battant par une Arabie saoudite excédée par les ingérences du Hezbollah dans les conflits en Syrie, en Irak, au Yémen et à Bahreïn, jusqu'à la réunion du Groupe international de soutien au Liban (GISL), vendredi à Paris, en passant par celle du Conseil des ministres qui a solennellement approuvé la politique de distanciation libanaise des conflits de la région, suggère la conclusion suivante : le compte à rebours pour clore le dossier des armes illégales a commencé. Le processus prendra certes des années, mais le fait est qu'il a été lancé, surtout qu'on parle de plus en plus d'une relance des séances du dialogue national au cours desquelles la stratégie de défense nationale, évoquée dans la déclaration finale du GIS, devrait être remise sur le tapis.
Ce cheminement qui a contraint le Hezbollah à adhérer, bon gré, mal gré, à une politique de distanciation, prévue pourtant dans la déclaration de Baabda, mais qu'il refusait de reconnaître, dérange la formation chiite qui voit ainsi sa marge de manœuvre limitée. Et si, au lendemain de la réunion du GISL (qui a appelé dans sa déclaration finale au respect de la résolution 1559 du Conseil de sécurité – laquelle prévoit le désarmement des milices – et de la déclaration de Baabda, ainsi qu'à la reprise du dialogue autour d'une stratégie nationale de défense), une vidéo montrant le chef de la puissante milice irakienne, Assaïb Ahl el-Haq, Kaïs el-Khazaali, en train de pavoiser au Liban-Sud a été rendue publique, c'est bien dans un dessein précis : montrer que le Hezbollah reste toujours maître du terrain au Liban.
(Pour mémoire : L'autorité de l'État bafouée par la visite au Liban-Sud d'un chef de milice irakien)
Maintenant que les affrontements militaires ont régressé dans la région au profit d'une amorce de règlement politique et que le Hezbollah a commencé à retirer ses troupes des zones de conflits, il était primordial pour lui de rappeler que sa mission n'est pas encore terminée et qu'il reprend son rôle initial de résistant face à Israël. Du moins, telle est l'explication qu'on donne dans les milieux du 8 Mars à la tournée, très contestée, de Khazaali au Liban-Sud, et, surtout, au timing de la diffusion de la vidéo. Dans ces milieux, on estime qu'avec la fin de Daech (groupe État islamique) à l'échelle régionale, il était tout naturel que le Hezbollah brandisse de nouveau l'étendard de la résistance qui n'est mentionnée ni dans la déclaration de Baabda ni dans le cadre de la politique de distanciation.
Avec la diffusion de la vidéo montrant le chef militaire irakien en treillis, annonçant sa solidarité, à partir de la porte de Fatmé, avec les Libanais et les Palestiniens face à « l'occupant israélien », ce sont trois messages qui transparaissent : le premier est que le Hezbollah tient toujours le terrain du Liban-Sud et qu'il est déterminé à le défendre contre Israël conformément à ce que son chef, Hassan Nasrallah, avait annoncé il y a quelques mois lorsqu'il avait menacé d'« ouvrir les frontières libanaises aux jihadistes du monde entier, en cas d'attaque israélienne contre le Liban ». Le deuxième est qu'il n'est pas concerné par les décisions internationales concernant le pays, et le troisième, le plus important sans doute, est destiné à tâter le pouls du chef du gouvernement, qui a aussitôt dénoncé une « violation des lois libanaises » et exigé l'ouverture d'une enquête, puisque le milicien irakien était supposé, pour se rendre dans la bande frontalière, requérir un permis des services de renseignements de l'armée à Saïda. Or, cela ne s'était pas produit.
Dans les milieux proches de la Maison du centre, on fait état du mécontentement de Saad Hariri, qui, dit-on, ne peut plus accepter de tels travers et ne compte pas fermer l'œil sur tout ce qui peut mettre le Liban en danger, parce qu'il est très sérieux dans l'application de la politique de distanciation. Pour le chef du gouvernement, il n'est plus possible de tolérer une politique des deux poids, deux mesures au niveau national.
Face à la réaction du Premier ministre, le Hezbollah s'est empressé de préciser que la visite a eu lieu six jours avant la réunion du Conseil des ministres. Il n'a pas été cependant jusqu'à expliquer comment Khazaali s'est rendu à la porte de Fatmé sans passer par l'armée et pourquoi il a choisi de diffuser la vidéo au lendemain de la réunion du GISL. Selon une figure du commandement de la révolution du Cèdre, il ne faut pas oublier que le Hezbollah applique un agenda iranien et ne peut offrir aucune concession qui n'est pas autorisée par Téhéran. Sauf qu'à Paris, le président français Emmanuel Macron avait informé les représentants du GISL que l'Iran est disposé à contribuer à la distanciation du Liban. Affaire à suivre...
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commentaires (8)
D'accord avec l'analyse qui souligne le fait que le Hezbollah applique un agenda iranien. Une réserve, cependant, elle concerne le titre. Il aurait fallu encadrer de guillemets le mot "résistance ".
Yves Prevost
16 h 57, le 12 décembre 2017