Une manifestation, dimanche, à proximité de l'ambassade des États-Unis à Aoukar, au nord de Beyrouth, contre la décision du président américain de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, a vite dégénéré.
L'armée ayant renforcé ses mesures de sécurité en prévision de la manifestation et coupé les routes menant à l'ambassade américaine, les manifestants ont tenté de prendre d'assaut et d'arracher les barbelés érigés par la troupe. Brandissant des drapeaux de la Palestine, du Parti communiste libanais, et du Parti syrien national social (PSNS), ils scandaient des slogans contre Donald Trump.
Empêchés d'avancer du fait de l'installation d'un long portail métallique qui barrait la route menant à l'ambassade, ils ont lancé des pierres, des morceaux de verres, et des drapeaux en direction des soldats. Ces derniers ont riposté à coup de gaz lacrymogène et de jets d'eau pour tenter de disperser les manifestants, nombreux à se protéger à l'aide d'un keffieh noir et blanc, symbole du peuple palestinien.
Plusieurs personnes ont toutefois été blessées par des pierres et des gaz lacrymogènes. Le secrétaire général de la Croix-Rouge libanaise, George Kettaneh, a indiqué que 42 cas ont été traités sur place et huit personnes ont été transportées à l'hôpital.
De nombreux "Dieu est grand", résonnaient. "C'est comme ça que Guevara nous a appris à faire sauter une ambassade", lançait un manifestant. Un jeune homme d'une vingtaine d'années regrettait, pour sa part, que certains groupes aient fait dégénérer la manifestation.
Photo Matthieu Karam.
Un groupe de manifestants a brûlé une effigie de M. Trump, dont la décision sur Jérusalem a marqué une rupture spectaculaire avec des décennies de diplomatie américaine et internationale. Des drapeaux d'Israël, des Etats-Unis, et des portraits de Donald Trump ont également été brûlés.
Selon l'Agence nationale d'information, de nombreux manifestants présents sur place proviennent de camps palestiniens de Saïda (Liban-Sud). Ils étaient des centaines à partir tôt dans la matinée, à bord de 9 bus, en direction de Aoukar.
Présent sur place, le secrétaire général du Parti communiste libanais (PCL), Hanna Gharib, a affirmé devant la presse, qu'il "faut fermer l'ambassade des Etats-Unis à Beyrouth parce que les Etats-Unis sont à la tête du terrorisme mondial et les ennemis de tous les peuples qui ont soif de liberté". "La décision de Trump vise à éliminer la cause palestinienne, a-t-il accusé, keffieh autour du cou. Nous demandons à l'Etat libanais et aux Etats arabes d'arrêter tous les programmes de coopération avec les Etats-Unis et de chasser les ambassadeurs américains de leur pays".
Photo Matthieu Karam.
"Aoukar n'est pas Gaza"
Vers 13h30, les Forces de sécurité ont arrêté plusieurs personnes provoquant la colère des manifestants. Selon la LBCI, 4 Libanais et 6 Palestiniens ont été interpellés. La tension est montée d'un cran mais les manifestants ont définitivement été dispersés et les forces anti-émeutes se sont déployées en grand nombre.
Dans la soirée, les Forces de sécurité intérieure ont indiqué que 19 de ses membres avaient été blessés lors de ces heurts.
Une fois la manifestation terminée, plusieurs responsables ont réagi sur les réseaux sociaux. "Aoukar n'est pas Gaza et les Forces de sécurité libanaises ne sont pas israéliennes et il n'est pas permis de nuire aux biens des citoyens, privés et publics", a réagi sur Twitter le député libanais Ibrahim Kanaan, membre du bloc parlementaire aouniste. "Manifester en soutien à Jérusalem ne signifie pas violation des lois libanaises", a souligné M. Kanaan
عوكر ليست غزة والقوى الامنية اللبنانية ليست اسرائيلية وممتلكات المواطنين الخاصة والعامة ليست مباحة للاعتداء عليها فالتضامن والتظاهر لدعم القدس لا يعني استباحة القوانين اللبنانية #لبنان
— Ibrahim Kanaan (@IbrahimKanaan) 10 décembre 2017
Le président des Kataëb, Samy Gemayel a également réagi sur twitter. "Permettre que Aoukar se transforme en un champ (de confrontation) pour certains fauteurs de troubles qui attaquent l'armée libanaise, les habitants et les établissements de cette région (...) constitue une honte pour cette autorité qui ne montre ses muscles que face à ceux qui défendent le Liban", a-t-il dénoncé.
السماح بتحويل منطقة #عوكر الى ساحة لبعض المشاغبين للتعدي على الجيش اللبناني وعلى أهل ومحلات هذه المنطقة المسالمة الاَمنة هو عار على هذه السلطة التي لا تستقوي الا على من يدافع عن لبنان. pic.twitter.com/zYLb5gpFxD
— Samy Gemayel (@samygemayel) December 10, 2017
Demain lundi, une autre "manifestation populaire massive" est prévue, dans la banlieue sud de Beyrouth cette fois, et à l'appel du Hezbollah.
Vendredi, les députés libanais ont réaffirmé à l'unanimité au Parlement leur ferme opposition à la décision du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, alors que plusieurs rassemblements ont été organisés sur l'ensemble du territoire libanais.
"La Chambre des députés estime que la décision américaine conduira à la guerre et constitue une couverture à l'entité israélienne", indique un texte lu par le président du Parlement, Nabih Berry, à l'issue d'une séance plénière exceptionnelle. Cette décision "renforce l'implantation et la colonisation et met en péril le peuple palestinien", indique ce texte.
Ce document fait valoir également que le Parlement "reconnaît le droit du peuple palestinien à résister et à agir contre l'occupation israélienne, ainsi que son droit au retour". Il appelle "les pays arabes et la communauté internationale à aider les Palestiniens à recouvrer leurs droits". Le texte appelle par ailleurs à la libération des parlementaires palestiniens prisonniers en Israël.
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commentaires (8)
En 1969, Golda Meir, premier ministre d'Israel avait traite les pays arabes de nation dormante.........Le coma est toujours de mise....Ce ne sont ni les manifestations ou les declarations tonitruantes d'irresponsables libanais qui changeront la donne. Fallait se réveiller 40 ans plus tot....
Tabet Karim
21 h 03, le 10 décembre 2017