... Et la lumière fut, au sortir d'un long et lourd suspense, avec le retour à Beyrouth du Premier ministre et le gel de sa démission.
Mais c'est là seulement façon de parler, malgré l'intense soulagement populaire qui a accueilli le début de sortie de crise apparu en marge de la fête de l'Indépendance. Car en fait de lumière, et pour son premier acte de re-gouvernement, à quoi donc, on vous le demande, Saad Hariri a-t-il songé hier ? À la chasse au gaspillage de courant électrique dans les administrations publiques. Par voie de circulaire, il priait ainsi les fonctionnaires de bien vouloir éteindre l'éclairage en quittant leurs locaux pour rentrer chez eux. Méritoire préoccupation certes, dénotant une gestion de bon père de famille à nouveau confronté, comme si de rien n'était, au morne train-train de la vie quotidienne. Singulier sens de l'à-propos tout de même, dans un pays en proie à maintes incertitudes de la plus haute gravité...
S'il est donc un peu tôt pour simuler un retour à la normale, c'est nettement conforté dans son statut de premier leader sunnite du Liban qu'émerge Hariri de ses récentes mésaventures en Arabie saoudite. À l'unanimité, et bien que mues par des motivations diverses, les forces politiques locales ont réclamé à cor et à cri son retour au pouvoir, son retour tout court. Le leader du courant du Futur a déçu les ambitions de ceux qui, sur ses terres parfois, se voyaient déjà vizir à la place du vizir. Et c'est jusqu'à ses propres parrains saoudiens qu'il a paru désigner en invitant les sceptiques à prendre la mesure, par la vue et l'ouïe, des foules enthousiastes venues l'acclamer à son domicile.
Ce qui en revanche semble au-dessus des moyens de cet homme pourtant gonflé à bloc au terme de sa rude épreuve, c'est un retour plus ou moins déguisé au statu quo ante. Le souhaiterait-il d'ailleurs que ses protecteurs (et cerbères!) le lui interdiraient ; dès hier d'ailleurs le prince héritier Ben Salmane prenait les devants et plaçait même la barre très haut en excluant toute possibilité de voir Hariri couvrir encore un gouvernement contrôlé par le Hezbollah. L'Iran n'est pas en reste qui, sans davantage d'égards pour ses clients libanais, décrète non négociable l'armement de la milice. Est-ce à dire que d'autres points pourraient être sujets à discussion dans le cadre des actuelles médiations internationales, telles des promesses de désengagement paramilitaire, même progressif, d'Irak, de Syrie et du Yémen ?
Quoi qu'il en soit, l'heure est au concret, et non plus aux retouches cosmétiques, c'est-à-dire aux bonnes intentions couchées sur le papier et aussitôt reniées. Qu'il s'agisse, entre autres expédients, d'un remaniement du programme gouvernemental ou d'une réédition de la déclaration mort-née de Baabda, la distanciation elle-même n'est plus de mise. Ce vocable n'a servi qu'à contourner celui – tenu à grand tort pour tabou – de neutralité, désormais seul statut compatible avec la vocation de notre petit pays. Résultat : ce n'est pas des conflits régionaux que le Hezbollah a consciencieusement pris ses distances, mais de ses propres engagements.
Ni Est ni Ouest, ni France ni Syrie, proclamaient en 1943 les pères de l'indépendance. Trois quarts de siècle plus tard, nous voilà pourtant écartelés entre Iran et Arabie. Ce n'est pas une vulgaire crise gouvernementale que dénote cette affaire de démission incendiaire remisée pour quelque temps au frigo. Ce n'est pas non plus une crise de régime ou de système, mais de simple identité.
Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com
Mais c'est là seulement façon de parler, malgré l'intense soulagement populaire qui a accueilli le début de sortie de crise apparu en marge de la fête de l'Indépendance. Car en fait de lumière, et pour son premier acte de re-gouvernement, à quoi donc,...