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Lifestyle - Photographie

Quand la photo de mode devient hype, il y a toujours un jeune Libanais...

Londres accueille jusqu'au 12 novembre « Posturing: Photographing the Body in Fashion »*, une exposition ludique et poétique où la jeune garde de la mode internationale, dont le styliste libanais Makram Bitar, illustre et documente la libération du corps de la femme dans la photo de mode.

Photo : Joyce NG, stylisme : Makram Bitar pour « Hearts Magazine » #3.

De l'eau a coulé sous les ponts depuis les éditos de mode des années 80-90 qui célébraient des top models fatales, voluptueuses et vénérées. Des kidnappeuses d'attention qui rayonnaient façon solarium jusqu'à se fabriquer un destin en dehors du papier glacé. Par la suite, les mannequins semblaient avoir été réduites à une fonction de porte-manteau rachitique, pas même autorisées à trop exister, au risque de voler la vedette aux tenues qu'elles sont censées prôner.

Certes, le vêtement est le fuel de la mode. Il est symptomatique d'une époque tant il retrace les pas de l'homme et se double d'une charge anthropologique, mais qu'en est-il du rôle de celles qui le portent, l'exposent et l'énoncent ? Dans quelle mesure la jeune scène de la mode défie-t-elle, par le biais des visuels qu'elle produit, les représentations codifiées et hypersexualisées de la femme ? Comment ces photographes et stylistes contribuent-ils à contrecarrer cette tendance et surtout marquer le potentiel du corps dans les images qu'ils créent? Voilà quelques-unes des thématiques soulevées par Posturing: Photographing the Body in Fashion*, l'exposition conçue par Shonagh Marshall (curateur et archiviste) et Holly Hay (responsable photo des magazines AnOther et AnOther Man) qui incite à une réflexion poétique et bienvenue sur la représentation de la femme dans la photo de mode.

 

Audace et liberté
Shonagh Marshall en explique la genèse : « Je me suis rendu compte que la représentation du corps féminin se distançait de l'image sexualisée des années 1990 à mi-2000 pour aller vers quelque chose de plus spontané, plus joueur, ironique, surréaliste, extraordinaire. » Afin d'étayer ce postulat, les deux commissaires ont planché sur les travaux de près de 20 photographes montants dont les visuels ont déclenché ce choc au rayon mode. Dans les œuvres affichées de Brianna Capozzi, Joyce NG, Lena C Emery, Johnny Dufort, Marton Perlaki, Reto Schmidt ou Charlotte Wales (pour n'en citer qu'eux), dont on loue le sens de l'aplomb en dépit de leur jeune âge, s'incarne ainsi le renouveau d'une esthétique subversive et téméraire qui offre désormais à la femme le rôle d'actrice plutôt que celui d'objet. Sous leurs objectifs épris de liberté qui se distancient de ceux des aînés, cornaqués par des stylistes tout aussi affranchis, se dresse une nouvelle cartographie des éditos de mode où les corps des mannequins ne cessent de pousser les limites, de repousser les leurs. Ils brusquent la neutralité des poses, se tordent, se plient et s'entortillent, se rêvent structures infiniment modulables ou work in progress, s'abandonnant à des acrobaties déglinguées qui les font basculer dans un certain surréalisme. Tant et si bien que les images produites se défroquent de celles, canoniques et formatées, des magazines où des filles-vitrines sont généralement figées dans des postures stéréotypées. « Chacun des photographes et des stylistes, dans sa propre esthétique, est lié par l'importance qu'il accordent à la posture et la gestuelle. Cela affecte aussi la manière dont on perçoit le vêtement », estiment les deux commissaires. Grâce au regard neuf des artistes sélectionnés, celui-ci dépasse sa dimension matérielle pour permettre à la photo d'atteindre une portée artistique.

 

Fêlure et vérité
Parmi les archives montrées figurent des extraits de publications indépendantes qui, dès leur lancement, ont dépoussiéré les clichés associés à la féminité. À savoir The Gentlewoman, Marfa Journal, i-D, Double ou encore Hearts, dont deux images ont été choisies par Shonagh Marshall et Holly Hay. Ces dernières sont réalisées par la photographe hongkongaise Joyce NG et Makram Bitar, un styliste libanais pour qui la porosité entre les genres est une évidence, et la mode une histoire qu'il convient de savoir raconter à sa juste vérité. À 24 ans, ce styliste audacieux qui préfère le terme de « fabriquant d'images », a été formé en direction artistique à l'ALBA à Beyrouth avant de contribuer pour des magazines internationaux (Centerfold, Buffalo Zine, Hearts...) dans lesquelles il interroge les normes de beauté traditionnelles en ouvrant les pages de ses shoots à des filles qu'il aime « streetcaster, c'est-à-dire trouver dans la rue, car il est important pour moi que ces mannequins improvisées aient déjà une histoire, la leur, à raconter avec leur corps », avance-t-il. En l'occurrence, dans l'une des photos exposées dans le cadre de Posturing: Photographing the Body in Fashion, Makram Bitar et Joyce NG ont mis en scène une mère et sa fille qui, auparavant, n'avaient aucune notion de mannequinat au sens technique du terme. Une spontanéité qui creuse un champ d'exploration esthétique où les deux corps s'apprivoisent et s'empilent, les silhouettes se reflètent dans un climat à la poésie ambiguë. Au creux de cette image, que l'interaction des deux femmes rend ludique et étrange, par-delà les vêtements présentés, c'est leur une réelle intimité qui se réinvente. De fait, selon Bitar, « nous sortons d'une époque d'hyperféminité, spécialement au Moyen-Orient, où les mannequins sont presque traités comme des statues affublées de vêtements étriqués, et cela sonne faux à mes yeux. Dans mon travail, je recherche le sentiment, la fêlure, la vérité. »

*Posturing: Photographing the Body in Fashion, jusqu'au 12 novembre au 10 Thurloe Place, Londres.

De l'eau a coulé sous les ponts depuis les éditos de mode des années 80-90 qui célébraient des top models fatales, voluptueuses et vénérées. Des kidnappeuses d'attention qui rayonnaient façon solarium jusqu'à se fabriquer un destin en dehors du papier glacé. Par la suite, les mannequins semblaient avoir été réduites à une fonction de porte-manteau rachitique, pas même...

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