Les propos tenus lundi par le président iranien, Hassan Rohani, qui a vanté l'influence croissante de Téhéran dans plusieurs pays du Moyen-Orient, dont le Liban, ont suscité des réactions virulentes dans les milieux libanais hostiles à la politique de l'Iran et, naturellement, des commentaires favorables dans le camp du 8 Mars.
« L'importance de la nation iranienne dans la région est plus forte qu'à toute autre période », avait affirmé lundi M. Rohani dans un discours retransmis par la télévision d'État iranienne, en réponse au président des États-Unis, Donald Trump, qui accuse l'Iran d'être « la principale source de terrorisme dans la région ». « En Irak, en Syrie, au Liban, en Afrique du Nord et dans la région du golfe Persique, où peut-on mener une action décisive sans tenir compte du point de vue iranien ? » s'était enorgueilli le président de la République islamique.
Premier à réagir, le chef du gouvernement, Saad Hariri, a critiqué dès lundi soir ces paroles. « Les propos de Hassan Rohani selon lesquels aucune décision n'est prise au Liban sans l'aval de l'Iran sont inacceptables », a-t-il déclaré sur son compte Twitter, affirmant que « le Liban est un État arabe indépendant qui refuse toute tutelle et toute atteinte à sa dignité ».
Dans un communiqué publié hier à l'issue de sa réunion hebdomadaire, sous la présidence de Fouad Siniora, le bloc du Futur a salué la réponse « patriotique et courageuse » de M. Hariri. Pour le bloc, « il est devenu clair que l'Iran a des visées hégémoniques et une volonté de tutelle sur le Liban et dans la région ». « Cela est visible dans les déclarations de plus d'un responsable iranien au fil des dernières années et dont les dernières en date sont celles de M. Rohani que nous considérions comme modéré et ouvert », souligne le communiqué.
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Nadim Gemayel, député Kataëb de Beyrouth, a estimé pour sa part hier que la réaction de M. Hariri au discours du président Rohani était « bonne ». Ce discours est « la meilleure preuve que ce que nous disons au sujet de la nouvelle tutelle sur le Liban et de l'ampleur de la domination iranienne est vrai », a souligné M. Gemayel dans un tweet. En revanche, M. Gemayel a jugé « insuffisant » le commentaire du chef du gouvernement. Il faut en outre, selon lui, que le président de la République, Michel Aoun, garant de la souveraineté et de l'indépendance, « adopte une position claire et franche à ce sujet ».
Le secrétaire général du 14 Mars, Farès Souhaid, a lui aussi critiqué l'insuffisance des réactions au niveau du pouvoir exécutif. « Outre le petit tweet du président du Conseil, nous n'avons pas vu, par exemple, le président de la République ou le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, convoquer l'ambassadeur iranien pour exprimer une quelconque objection à l'égard de la prétention du président iranien », a-t-il souligné, interrogé par L'Orient-Le Jour. M. Souhaid a estimé que les propos de M. Rohani sont « une prétention politique nuisible à la souveraineté de l'État, qui ne reflète pas la réalité, mais constitue plutôt un message aux États-Unis dans un climat de confrontation ». « Le fait d'affirmer qu'aucune décision au Liban ou dans les pays d'Afrique du Nord n'est prise sans l'accord de l'Iran vise à masquer la réalité », a-t-il ajouté.
Du côté du Courant patriotique libre, Alain Aoun, député de Baabda, sollicité par L'OLJ, a indiqué qu'il préférait ne pas se prononcer pour le moment. Quant à son collègue Hekmat Dib, tout en notant que « l'influence de l'Iran au Moyen-Orient est devenue une réalité qui se traduit à travers le Hezbollah », il a catégoriquement rejeté l'allégation selon laquelle « aucune décision ne se prend au Liban sans la volonté de l'Iran ». « Nous refusons tout discours de tout État qui exprime une ingérence dans les affaires libanaises », a déclaré le député aouniste, soulignant que son parti « a toujours refusé l'hégémonie syrienne et la confiscation de la décision libanaise, et n'acceptera jamais non plus la domination d'un quelconque État ».
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Projet expansionniste
Auprès des Forces libanaises, on fustige encore davantage « cette violation de la souveraineté du Liban ». Charles Jabbour, responsable de la communication au sein des FL, a estimé que cette atteinte « traduit clairement un projet expansionniste iranien dans la région ». Affirmant à L'OLJ qu' « il est regrettable qu'un État puisse s'enorgueillir de s'ingérer dans les affaires d'autres États », M. Jabbour a jugé qu'une telle attitude « enfreint les lois internationales et viole la souveraineté des États ». Selon lui, le discours de M. Rohani « constitue un message aux États-Unis et à l'Arabie saoudite dans lequel il leur demande de prendre en compte l'influence de l'Iran dans la région, faute de quoi cet État provoquera l'implosion politique des pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord ».
Dans le camp du 8 Mars, on justifie les déclarations du président iranien par le fait que l'Iran joue désormais un rôle fondamental au plan régional, mais aussi international. Interrogé par L'OLJ, le député Ayoub Hmayed, membre du bloc parlementaire du chef du législatif, Nabih Berry, a affirmé qu'« on ne peut occulter l'importance de l'Iran en tant que force régionale et internationale ». Il a souligné que « tout comme on prend en considération le rôle que jouent dans les affaires publiques les États-Unis, la Russie, les puissances européennes, les États du Golfe et la Turquie, il est normal que, sur la scène politique, on tienne également compte de l'Iran et de sa capacité à influer sur le jeu politique international, sans que pour autant on juge que cet État veut exercer une tutelle ». Anouar el-Khalil, député du même bloc, a, de son côté, minimisé la gravité des déclarations du président iranien, estimant, dans un entretien à al-Markaziya, qu'« elles constituent des surenchères politiques plus qu'elles ne reflètent la réalité ». Et d'expliquer: « En mettant la barre aussi haut, l'Iran adresse un message aux Américains dans lequel il les met en garde contre leur volonté de rompre l'accord nucléaire (conclu avec l'Iran). »
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commentaires (9)
Leçon de géographie qui veut tout dire : Le petit bout de l'Océan Indien qui sépare l'Iran à l'Est des pays dits "arabes" à l'Ouest, s'appelle : Le golfe arabo-persique. Si les Arabes l'appelle "Golfe arabique" cela serait une simple erreur d'appellation géographique, mais si les Néo-Perses l'appelle "Golfe persique" c'est une tentative guerrière d'hégémonie iranienne du Golfe à l'Océan, semblable au projet hitlérien d'asservir l'Europe de l'Atlantique à l'Oural.
Un Libanais
12 h 54, le 25 octobre 2017