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Winter is coming

Il est des inventaires qui laissent pantois. Des états des lieux sinistres. Et des automnes dangereux.

Le baptême du feu international de Michel Aoun, sans être un fiasco, n'a finalement été qu'un coup d'épée dans l'eau ; beaucoup de gigotements pour pratiquement rien. Que ce soit à New York, avec un discours qu'aurait pu tenir n'importe quel(le) chargé(e) d'affaires libanais auprès des Nations unies, et un alignement pour le moins étonnant sur un Téhéran très belliqueux contre un Donald Trump littéralement snobé par le locataire de Baabda, ou à Paris, où M. Aoun s'en est allé bien plus en chef de famille ou de parti qu'en chef d'État. En Superman aussi, puisqu'il n'a pas manqué de claironner au Figaro que c'est le document de Mar Mikhaïl qu'il a signé en 2006 avec le Hezbollah qui a sauvé rien moins que... l'État libanais. Tout cela en parallèle parfaite avec le réveil tonitruant d'un Nabih Berry, qui jure entretenir d'excellentes relations avec le président de la République : le président de la Chambre, chouchou toutes catégories confondues du Livre Guinness des records, a décidé de griller la politesse, sur la question de l'implantation, à un Michel Aoun en pleine lambada diplomatique, après avoir sorti un gigantesque et ricanant lapin de son chapeau en appelant à des élections générales anticipées. Kafkaïen. Et pendant ce temps, englué dans ses fantômes, dans ses envies de métamorphose(s) et ses besoins de reconstruire un héritage grandement dilapidé, mais aussi dans les sautes d'humeur et les crises de foie de Mohammad ben Salmane al-Saoud, Saad Hariri tente par tous les moyens de tirer son épingle d'un jeu d'infinies bottes de foin.

En toile de fond, la cerise sur le gâteau : la cohésion du gouvernement. Elle ne tient qu'à un fil, arachnéen, celui de l'alliance circonstancielle et tactique entre aounistes et haririens. Et encore : le Hezbollah, de plus en plus cyclothymique, surtout sur la question de la normalisation des relations entre Beyrouth et Damas, peut à n'importe quel moment décider de rééditer son sinistre exploit de 2006, en privant l'exécutif de sa composante chiite. Sans compter, bien sûr, les calculs stratégiques, à moyen terme, de M. Hariri lui-même. Un exécutif embourbé jusqu'aux yeux dans un magma de souks, magouilles et autres scandales, entre la grille des salaires, les navires-centrales, les générateurs, les taxes (sur les billets d'avion ou les cartes de téléphone prépayées, notamment...), les nominations diplomatiques (par quel miracle gravitationnel Rami Adwan s'est-il retrouvé parachuté à Paris ?), ou l'incurie et l'insalubrité inouïes de l'aéroport Rafic Hariri, laissé aux mains des gangs et des milices. Et (tout) le reste est à l'avenant, malgré le talent et les promesses d'un Riad Salamé, captif amoureux dans sa Banque centrale.

Dangereux, les automnes ? Assurément.

D'autant plus que sur l'autre plateau de la balance, il n'y a que... les Libanais. Et leurs initiatives. Et leur abnégation. Et leur résilience, même si elle flirte pourtant de plus en plus avec ce qui ressemble à de la résignation. Naturellement, la société civile est à réinventer fondamentalement – elle n'est pas morte, elle dort... –, mais les ONG sont là, actives, fécondes, infatigables : pour l'enseignement (Teach A Child, Myschoolpulse, LAL et son Tabshoura...), l'environnement (Green Line, Animals Lebanon, Green Cedar Lebanon...), le patrimoine (Apsad, Save Beirut Heritage...), la promotion du pays (livelovebeirut...), etc. Il y a ces floraisons de festivals (en tout genre) et de foires (en tout genre, aussi) : même s'ils sursaturent l'œil et l'oreille des Libanais, même si parfois ils ne riment à rien, ils ont le mérite de contribuer grandement à cette résistance de plus en plus menacée contre d'interminables hivers, contre de fatales régressions. Il est là, le perpétuel printemps libanais, dans cette résistance menée par d'innombrables et vaillants petits soldats : écrivains, cinéastes, peintres, danseurs, photographes, avocats et juges, enseignants, restaurateurs, entrepreneurs, tous ces audacieux qui continuent d'investir dans ce Liban qui ressemble de moins en moins à un pays, de plus en plus à un ramassis de tribus. Et puis il y a L'Orient-Le Jour. Malgré la crise mondiale que traversent les médias en général et la presse en particulier, ce journal, le vôtre, se démène comme un diable, avec ses moyens, pour participer à cette résistance, y contribuer en s'associant à des initiatives déjà en place (Femme francophone entrepreneure, Impact Journalism Day...), en multipliant les événements (Salon du livre, Jardin des Jésuites, etc.), et en lançant deux initiatives, qui en sont à leur an II, Le Village Préféré des Libanais, pour la promotion du tourisme interne, et Génération Orient, pour celle des artistes libanais de moins de 35 ans, toutes disciplines confondues, et dont la saison deux se clôturera fin octobre, avant un grand final sur deux jours, les 1er et 2 décembre, au cours duquel le public se confrontera aux travaux des douze nommés et votera pour son champion.

Sauf qu'une main seule n'applaudit pas. Les Libanais sont forts, créatifs, immunisés presque, mais leur État est atrocement failli. Et si l'hiver risque malheureusement d'apporter son lot de ténèbres, c'est l'été à venir qui pourrait tout faire basculer, que les élections législatives aient lieu, ou pire : qu'elles soient encore repoussées. L'hiver, ne jetez pas vos vêtements légers; l'été, ne jetez pas vos fourrures, dit un brave proverbe chinois...

Il est des inventaires qui laissent pantois. Des états des lieux sinistres. Et des automnes dangereux.
Le baptême du feu international de Michel Aoun, sans être un fiasco, n'a finalement été qu'un coup d'épée dans l'eau ; beaucoup de gigotements pour pratiquement rien. Que ce soit à New York, avec un discours qu'aurait pu tenir n'importe quel(le) chargé(e) d'affaires libanais auprès...

commentaires (5)

Merci pour ce diagnostic si juste

COURBAN Antoine

15 h 44, le 30 septembre 2017

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Commentaires (5)

  • Merci pour ce diagnostic si juste

    COURBAN Antoine

    15 h 44, le 30 septembre 2017

  • Quel desolation que de voir des partis au Liban assujéties a un autre pays et qui de surcroît à assassine 2 président élue libanais protéger par des parie libanais comme le hezb !!! C'est de la traîtrise tout simplement et non le président a fait son discours à l'ONU mais je pense que maintenant les pays du monde savent que le liban gravite désormais autour de l'Iran DOMMAGE POUR LE LIBAN ... il vas en payer meme prix très chère

    Bery tus

    15 h 28, le 30 septembre 2017

  • C,EST LA DECADENCE POLITIQUE DE TOUS NOS -ALI BABA- POLITIQUES QUI POUSSENT LE PAYS NON VERS L,ENFER MAIS DANS L,ENFER ! QUI SERA L,HERCULE QUI NOUS EN DEBARRASSERA ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 16, le 30 septembre 2017

  • Devant la déliquescence totale de l'Etat, le PSNS (Parti social nationaliste syrien) organise un défilé paramilitaire en chemises brunes comme celles des membres du parti national-socialiste d'Adolf Hitler et arborant leur emblème qui n'est qu'une Croix gammée hitlérienne stylisée et ce, à la rue Hamra. Feignant ainsi que le fondateur du PSNS, Antoun Saadé, accusé de complot contre la sécurité de l'Etat, exécuté le 8 juillet 1949 par un peloton d'exécution. Sans oublier que parmi leurs méfaits l'assassinat de Riad es-Solh et Bachir Gemayel pour ne citer que ceux-là.

    Un Libanais

    12 h 07, le 30 septembre 2017

  • un méli-mélo de sujets récurrents qui existent depuis des décennies .. Le tout nouveau , vous l'avez raté ou mal analysé monsieur Makhoul . L'intervention du president à l'ONU ,loin d'être un coup d'épée dans l'eau , était un succes auquel nous n'avions jamais eu le luxe ou l'habitube d'y assister .nous avons un president qui ne plie pas l'échine . Patience , l'avenir nous le prouvera ..

    Hitti arlette

    11 h 21, le 30 septembre 2017

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