Lundi, une confrontation verbale a eu lieu entre une étudiante et son professeur à l'Université américaine de Beyrouth (AUB) en raison du voile que porte la jeune femme.
Maryam Dajani raconte sur sa page Facebook avoir demandé à son enseignant de répéter ce qu'il venait de dire parce qu'elle n'avait pas entendu. Celui-ci, poursuit-elle, s'est alors emporté, critiquant le voile islamique que son étudiante porte et affirmant qu'il l'empêche de bien entendre.
Maryam Dajani, qui était injoignable en début de soirée, raconte sur Facebook avoir été "victime de remarques épouvantables, discriminatoires et abusives" de la part de son professeur de sociologie, Samir Khalaf. Elle affirme avoir été "choquée et dégoûtée" à l'issue de cet épisode.
"Stupide foulard"
La jeune étudiante en année préparatoire raconte qu'elle prenait des notes, alors que son professeur donnait son cours verbalement. "J'ai raté un mot, je lui ai donc demandé poliment de répéter ce qu'il disait. (...) Il m'a ensuite lancé un regard plein de rage et m'a lancé : +Vous savez pourquoi vous ne pouvez pas m'entendre? C'est parce que vous portez ce stupide foulard qui cache vos oreilles. Si vous enleviez votre stupide foulard, vous pourriez m'entendre+".
Le professeur Samir Khalaf, contacté par L'Orient-Le Jour, assure ne pas avoir employé l'adjectif "stupide". "C'est vraiment regrettable que Maryam ait fait tout une histoire à propos de ce qui s'est passé. Elle est la seule étudiante qui porte un hijab (voile islamique) dans ma classe. Et ce hijab est très serré sur sa tête. Elle est la seule à me demander de répéter mes propos car elle ne m'entend pas".
Maryam Dajani affirme le contraire. "Lorsqu'une autre personne lui a demandé de répéter tout un paragraphe qu'il avait lu, il a été ravi de le faire", écrit-elle.
"Elle m'avait déjà demandé à plusieurs reprises de répéter mes propos, alors que la salle de cours est petite, et sachant que j'ai une voix assez puissante", assure le professeur. "Nous avons eu jusque-là trois séances, tous les lundi, et à chaque séance elle est la seule à me demander de répéter mes propos. +Professeur Khalaf, je n'arrive pas à vous entendre+, me dit-elle. Peut-être que le hijab serré que vous portez bloque votre ouïe, lui ai-je répondu", affirme l'enseignant.
Cela étant dit, le professeur Khalaf ne cache pas son hostilité pour les signes religieux ostentatoires. "Personnellement, je déteste ceux qui mettent en avant leurs croyances religieuses. Pourquoi devons-nous le faire ? Pourquoi porter le voile ou la kippah?"
Maryam Dajani affirme avoir répondu à son enseignant, en lui rappelant qu'il s'agissait d'un choix personnel et qu'il n'avait aucun droit de l'attaquer verbalement en raison de son voile.
"Aller en soirée"
Le professeur Samir Khalaf n'a pas hésité à critiquer de manière générale la tenue vestimentaire de son étudiante. "Elle porte le hijab, mais aussi des talons et des tenues moulantes, comme si elle s'apprêtait à aller en soirée", lance-t-il.
L'enseignant déplore aussi que son étudiante ait rendu public cet incident, après en avoir parlé à ses parents. "La doyenne de la faculté (des Arts et des Sciences, Nadia el-Cheikh) m'a contacté et le chef du département me recevra demain afin d'aborder cette question", affirme-t-il. "Je suis quelqu'un de franc. Mais j'ai fait savoir à la doyenne que ma réaction était peut-être exagérée", insiste l'enseignant, qui rappelle avoir "beaucoup écrit au sujet du hijab".
Il dénonce dans ce contexte "le hijab à la mode". "Est-ce que ce genre de hijab envoie un message pour dire + je suis pieuse+ ? Ou est-ce un moyen de mettre en relief une partie du corps qu'il est censé cacher ?", s'interroge-t-il sur un ton critique. Et d'ajouter : "J'espère que l'étudiante sera présente demain lors de mon entretien avec la doyenne. Je lui dirai que peut-être ma réaction était exagérée. Mais je voudrais lui demander si elle est forcée de porter le hijab, ou si cela est un choix personnel. Si c'est un choix personnel, elle doit trouver une solution afin que ce hijab ne réduise pas ses capacités auditives". Il reconnaît toutefois qu'"il se peut que l'étudiante ait un problème d'ouïe". "En tout cas, toute cette histoire est un problème bénin", conclut-il.
Maryam Dijani dénonce pour sa part "un harcèlement et une attaque publique déraisonnable". "Je n'ai jamais eu à faire face à un comportement aussi épouvantable et offensif", regrette la jeune femme.
L'incident a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux. De nombreux internautes ont apporté leur soutien à Maryam Dijani. Certains d'entre eux ont affirmé que le professeur Khalaf a des antécédents en la matière. D'autres ont carrément appelé l'administration de l'AUB à le renvoyer.
Dans un communiqué envoyé en soirée à L'Orient-Le Jour, l'AUB explique qu'elle "prend très au sérieux toutes les allégations de harcèlement et de discrimination". "L'administration a rapidement réagi à l'incident qui a d'abord été signalé à travers une publication sur Facebook, le 18 septembre 2017. L'affaire est traitée de manière confidentielle en coordination avec l'étudiante concernée, en vertu du règlement et des procédures de l'université", peut-on lire dans le communiqué. L'AUB ajoute que la doyenne de la faculté des Arts et des sciences, Nadia el-Cheikh, a affirmé qu'il s'agissait d'une affaire d'une haute priorité qui concerne le leadership de l'AUB. "Nous sommes engagés à promouvoir et protéger la diversité au sein de toute notre communauté dans un contexte de respect, de tolérance et de collégialité", a-t-elle dit, selon le communiqué.
"L'AUB adhère au principe de l'égalité des opportunités et ne discrimine pas au sein de ses programmes en fonction de la race, la couleur de peau, la religion, l'âge, l'identité nationale ou ethnique, le sexe ou l'identité sexuelle, le statut familial, le handicap, les prédispositions génétiques, l'extranéité ou le statut de citoyen, l'affiliation politique, ou tout autre caractéristique protégée par la loi libanaise et américaine. L'université encourage tous les membres de sa communauté et les visiteurs de son campus ou le centre médical de l'AUB à signaler tout incident discriminatoire ou tout harcèlement auprès du bureau Title IX à l'adresse suivante : aub.edu.lb/titleix"
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commentaires (12)
Libre à qui le souhaite d'adopter un mode de vie, de se couvrir ou pas. Mais lorsqu'on choisit de le faire, pourquoi ne pas l'assumer jusqu'au bout ? Je veux dire par là par exemple, pourquoi vouloir aller se baigner toute couverte par exemple ? Pourquoi aller côtoyer l'instruction dans son visage occidental lorsqu'on n'approuve pas cette culture et ce qu'elle représente, surtout par rapport aux libertés des femmes ? Parce que, et il ne faut pas se leurer, se couvrir ce n'est pas de montrer sa liberté mais son appartenance à une culture où la femme ne devrait pas s'instruire et être libre.
lila
19 h 54, le 21 septembre 2017