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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Le Koweït mis en porte-à-faux par le quartette anti-Qatar

Doha se tourne vers Berlin, Washington propose sa médiation dans la crise.

L’émir du Koweït, cheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah, et le président américain, Donald Trump, jeudi dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche. Kevin Lamarque/Reuters

Le Koweït va-t-il être écarté des négociations sur la crise du Golfe ? D'un côté, le pays médiateur essuie des remarques cinglantes de la part du quartette anti-Doha. De l'autre, l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, se rendra en visite officielle à Berlin le 15 septembre courant, a annoncé la porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel. Fait exceptionnel, il s'agirait du premier déplacement diplomatique de l'émir en dehors du Golfe depuis le début de la crise. Cette nouvelle intervient par ailleurs au moment où les rencontres de cheikh Tamim avec Emmanuel Macron et Donald Trump ont été reportées. « Bouder Trump et Macron est un luxe que s'offre le jeune émir, qui montre ainsi son agacement à l'encontre de président français qui a voulu marquer sa distance sans conviction », estime Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, basé à Genève (Cermam). « Une attitude ambiguë et mal vécue par les Qataris », ajoute-t-il. Ainsi, « opter pour Berlin, est un choix rationnel pour un pays qui a les moyens de sa politique et qui joue un rôle déterminant dans la position de l'Union européenne », souligne le chercheur.

 

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Trump médiateur ?
Alors qu'il y a deux jours, l'émir du Koweït, cheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah, se félicitait publiquement, pour la première fois, de la qualité de sa médiation, le quartette anti-Qatar n'a pas hésité à se manifester. Riyad et ses alliés ont déclaré dans un communiqué « regretter que cheikh Sabah ait affirmé lors de sa rencontre avec Donald Trump jeudi que sa médiation avait empêché une escalade militaire », puisque cette dernière « n'a jamais été envisagée ». « Le Qatar a encore posé des conditions à une négociation sur la crise, ce qui confirme qu'il n'est pas intéressé par le dialogue, la lutte contre le financement du terrorisme et la non-ingérence dans les affaires intérieures », ajoute le communiqué. Cheikh Sabah avait déclaré que Doha n'était pas opposé aux 13 conditions posées par le quartette pour la levée de l'embargo, que l'émirat considère comme « attentatoire à sa souveraineté ».

Le président américain, qui a rencontré l'émir du Koweït jeudi à la Maison-Blanche, a profité de ces nouveaux développements pour offrir sa médiation dans la crise, qui dure maintenant depuis trois mois. « Je serai prêt à être médiateur », a-t-il lancé lors d'une conférence de presse. « Je pense que c'est quelque chose qui va être résolu de manière assez simple », a ajouté le dirigeant américain. « Le Koweït a vraiment été en première ligne pour résoudre la crise et nous apprécions vraiment cela. Mais je pense que nous la résoudrons et si nous ne la résolvons pas, je serai un médiateur ici à la Maison-Blanche », a-t-il affirmé, alors que son secrétaire d'État Rex Tillerson avait échoué jusque-là dans ses efforts diplomatiques. M. Trump s'est également entretenu au téléphone avec l'émir du Qatar. Il a insisté sur le besoin « pour tous les pays de tenir les engagements pris au sommet de Riyad pour maintenir l'unité afin de vaincre le terrorisme, couper le financement des groupes terroristes et combattre les idéologies extrêmes », rapportait hier le compte rendu de la Maison-Blanche.

Dans le même sens, Paris a nommé un ancien ambassadeur en Arabie saoudite, Bertrand Besancenot, mardi dernier pour devenir l'émissaire de la France dans la crise du Golfe. Il « se rendra prochainement dans la région pour y évaluer la situation et les meilleurs moyens d'appuyer la médiation et apaiser les tensions entre le Qatar et ses voisins », a annoncé la porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

 

(Lire aussi : Le Qatar et la Russie veulent raffermir leurs relations)

 

Spectacle inédit
La multiplication des actions du côté occidental soulève des interrogations quant à la légitimité du Koweït médiateur qui se retrouve dans une situation bien délicate. Les parties au conflit ont pourtant fait savoir à maintes reprises qu'elles n'accepteraient une résolution de la crise qu'au niveau interne, entre les membres du Conseil de coopération du Golfe. En s'exprimant sur l'état de la situation entre ses voisins, cheikh Sabah a cherché à « ne pas brusquer les deux parties, ce qui relève de l'exploit. Il a tenu à les ménager sans y parvenir », estime Hasni Abidi. Mais « chaque belligérant a fait sa propre interprétation sans se soucier des dégâts » pour la crédibilité du médiateur, observe-t-il. La position « par défaut » du Koweït « arrange surtout les parties qui veulent entretenir deux processus contradictoires : une illusoire recherche de sortie de crise et un durcissement des conditions de la négociation empêchant une baisse de la tension dans le Golfe. Cette situation est une situation intenable », constate le chercheur.

Dès lors, le ballet diplomatique européen « témoigne de la nécessité d'appuyer et de soutenir les efforts koweïtiens », selon M. Abidi. Cheikh Sabah est par ailleurs « convaincu que sa médiation restera dans une impasse, tant que le président Trump continue de court-circuiter son offre de conciliation », alors que le conflit s'enlise toujours plus, explique-t-il. La tâche s'annonce de plus en plus difficile face à la résistance de Riyad et Doha. « Une médiation dans un conflit n'a de chance d'aboutir que si les belligérants ont envie d'en sortir », insiste le chercheur. « Or les deux parties s'adonnent quotidiennement à un spectacle inédit et en direct. »

 

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