Le tweet du ministre d'État saoudien chargé des Affaires du Golfe Thamer al-Sabhane aurait pu il y a quelques mois provoquer une crise gouvernementale. Le ministre saoudien, qui a visité récemment le Liban pour y rencontrer de nombreuses personnalités et responsables, comme le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères mais pas le chef de l'État, avait qualifié le Hezbollah de « parti du diable », ajoutant que « les conséquences de ses crimes rejailliront sur tous les Libanais », phrase qui aurait pu être considérée comme une menace ou comme une incitation interne contre cette formation. Pourtant, ce tweet à la fois explicite et violent n'a pas vraiment eu d'impact sur la situation locale. Il a encouragé ceux qui de toute façon critiquent le Hezbollah à poursuivre leurs déclarations dans ce sens, sans susciter des réactions de la part de ce dernier ou de ses alliés politiques. Plus encore, le Premier ministre Saad Hariri, qui est en principe le responsable libanais le plus proche des autorités saoudiennes, n'a pas cherché à saisir cette « passe » lancée par le ministre saoudien, se contentant d'appeler à l'apaisement et à mettre de côté les dossiers conflictuels. Même si son bloc parlementaire a publié un communiqué violent contre le Hezbollah.
En analysant les réactions qui ont suivi le tweet du ministre saoudien, il apparaît clairement qu'il n'est pas de nature à mettre en danger le gouvernement, qui continuera bon gré, mal gré à gérer ses propres divisions, sans toutefois éclater ou être contraint à la démission. Selon une source politique proche du Hezbollah, l'équation qui a permis l'élection de Michel Aoun à la présidence de la République et la désignation de Saad Hariri à la tête du gouvernement est toujours valable et par conséquent, il ne faut s'attendre à aucun changement dans le paysage politique interne, en dépit des déclarations des uns et des autres. Selon cette source, il est vrai que l'accord qui a produit l'élection présidentielle et la nomination du Premier ministre au Liban a précédé l'élection présidentielle américaine, ainsi que la nouvelle politique de l'administration Trump à l'égard de l'Arabie. Mais même la confirmation par le nouveau président des États-Unis de l'alliance avec le royaume wahhabite n'est pas de nature à modifier les rapports de force au Liban, ni à pousser les alliés libanais de Riyad à se retourner contre l'équation actuelle.
Depuis son arrivée à la tête du gouvernement, la priorité de Saad Hariri est en effet de renflouer le courant du Futur et de lui redonner une place prépondérante au sein de la communauté sunnite, sans chercher à faire trop de vagues avec les autres composantes politiques. Le Hezbollah est donc bien moins en tête de ses préoccupations que l'axe qui se dessine entre l'ancien ministre de la Justice Achraf Rifi et le député Khaled Daher (ainsi que d'autres parties politiques) au Liban-Nord, dans la Békaa-Ouest et dans d'autres régions considérées jusque-là comme des fiefs du courant du Futur. En même temps, toujours selon la source précitée, le Premier ministre sait que la situation sunnite étant ce qu'elle est, c'est le camp adverse qui peut faire tomber le gouvernement et que le Parlement désignerait alors une autre personnalité à la tête du second gouvernement de l'actuel mandat sans trop de problèmes. Le contexte actuel ne lui est donc pas favorable ni à l'intérieur du Liban ni à l'extérieur. Car même si Riyad durcit sa position à l'égard du Hezbollah, il n'en est pas moins en train d'enregistrer des revers dans de nombreux dossiers régionaux, en commençant par le Yémen où l'Arabie est de plus en plus pointée du doigt, jusqu'en Syrie, où elle est en train de perdre tous ses leviers ainsi que son projet de renverser le régime, et même en Irak, où le pays est pratiquement tiraillé entre deux influences, celle de l'Iran et celle des États-Unis, alors que l'Arabie a perdu son pari d'être le protecteur des sunnites irakiens. Même au sein du Conseil de coopération du Golfe, le leadership saoudien se lézarde, Oman n'ayant jamais été un membre obéissant. Quant à l'Égypte et la Jordanie, ils font désormais cavaliers seuls en Syrie, et la crise avec le Qatar n'est pas pour arranger les choses.
Certes, au cours des dernières semaines, l'Arabie a commencé à adopter une nouvelle stratégie dans la région qui se résume ainsi : une politique plus réaliste en Syrie, moins radicale face à l'Iran et plus souple avec le Qatar. Mais il faut du temps pour que cette nouvelle attitude se précise et porte ses fruits, et, en attendant, le royaume n'a pas la possibilité de renverser la situation au Liban. Pour toutes ces raisons, la source précitée est convaincue que le tweet du ministre saoudien Thamer al-Sabhane n'est pas le signal d'une nouvelle phase de déstabilisation politique dans le pays, mais simplement un rappel des positions traditionnelles, sans grande perspective de changement dans le paysage régional actuel. Les polémiques sont donc appelées à se poursuivre, mais elles ne devraient pas menacer la cohésion du gouvernement...
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LE BARATIN TOUJOURS A L,HONNEUR DANS TOUS LES ECRITS DE LA CHERE DAME ...
LA LIBRE EXPRESSION
13 h 24, le 10 septembre 2017