Hier après-midi, les habitants du quartier de Medawar, près de la Quarantaine, ont tenu une conférence de presse sur la place Notre-Dame des Secours (Saydet el-Najat). Aux côtés d'activistes et de représentants de partis politiques à l'exception du courant du Futur, les résidents ont plaidé contre l'implantation d'un incinérateur d'ordures selon la technologie waste-to-energy, adopté par le conseil municipal de Beyrouth. Depuis l'adoption du plan gouvernemental de gestion des déchets en mars 2016, le conseil municipal de la capitale a décidé de faire cavalier seul. Mais compte tenu de la faible disponibilité des terrains, la décentralisation reste un problème récurrent pour la capitale.
Durant l'événement, la gravité de l'enjeu était palpable. Les habitants ont décidé de parler d'une seule voix pour s'opposer catégoriquement à l'incinérateur qu'ils désignent déjà comme leur futur tombeau. « Nous voulons l'absolue protection de nos vies, de notre santé, de notre environnement », a déclaré le porte-parole, Jean Saliba. Usines de compostage, décharges, tanneries, activités halieutiques, autant de sources de pollution qui pèsent déjà sur le quotidien des riverains, toujours plus inquiets pour leur santé et celle de leur famille. Au-delà du problème de la gestion des résidus toxiques après l'incinération, l'émanation des gaz polluants reste la crainte majeure. « Il est impossible de stopper la propagation des nanoparticules de l'incinérateur, des substances extrêmement cancérogènes », confie à L'Orient-Le Jour le Dr Jamil Rima, expert en sciences environnementales venu soutenir l'initiative. « La municipalité m'a demandé mon avis en tant qu'expert. J'ai mis en garde contre les risques nocifs d'un tel projet, mais le conseil ne semble pas m'avoir écouté », regrette-il. « Si le projet aboutit, les gens devront partir dans les cinq à six prochains mois », renchérit le représentant du parti Sabaa, Rabih Choueiri.
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Dommages irrémédiables
« Nous ne voulons pas être la poubelle de la capitale », déclare en marge l'un des résidents qui affirme que cette décision serait non seulement néfaste pour Medawar, mais aussi pour Rmeil, Saïfi, Achrafieh et Bourj Hammoud. Une utilisation non réglementée de la technologie waste-to-energy entraînerait des dommages irrémédiables pour toute la zone. Au Liban, le cahier des charges propre à l'utilisation de la technologie waste-to-energy serait par ailleurs incomplet. « Ces usines ne sont pas adaptées au mode de vie des Libanais. Sur les 150 tonnes de déchets produits par jour à Beyrouth, 50 % sont organiques », confie à L'Orient-Le Jour le Dr Jamil Rima. « Or scientifiquement, on sait qu'il est impossible de brûler les déchets organiques. Le choix de cette technologie est donc motivé par une décision politique », ajoute-t-il.
Aucun représentant de la municipalité n'était présent lors de la conférence : « C'est décevant, mais pas vraiment surprenant », note l'activiste et habitant du quartier, Raja Noujeim. Les manifestants pointent du doigt une campagne de désinformation menée par le conseil municipal concernant cette technologie : « Leurs arguments ne tiennent pas. Le Liban n'est pas un pays scandinave, nous n'avons pas besoin de produire de l'énergie pour alimenter le chauffage », rappelle non sans sarcasme le porte-parole. Pour Raja Noujeim, « l'incinération est la seule technique qui pourra permettre au conseil municipal de se faire une marge de profit ». « C'est une technologie ancienne qui peut être rachetée à bas prix quand les coûts mentionnés dans les appels d'offres destinés aux entreprises restent élevés », ajoute-t-il.
Pour les résidents, il n'est pas question de baisser les bras. Le conseil municipal a déjà fait marche arrière par le passé, pas une minute à perdre pour faire entendre leurs doléances à une municipalité qui pourrait se retrouver bien dans l'embarras. Si le projet n'est pas abandonné, les habitants envisagent de manifester, voire de résister par la force, assuraient-ils hier.
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On constate que n'importe quel projet concernant le traitement des déchets est systématiquement refusé pour toutes sortes de raisons, dans tous les coins du pays...c'est devenu une mode ! Dans le cas de Medawar...pourquoi ne pas chercher un autre terrain pour construire un incinérateur ? "...nous ne voulons pas être la poubelle de la capitale..." D'accord Mesdames et Messieurs les opposants. Où voulez-vous donc jetter vos propres déchets ??? Les déchets, chacun de vous en produit chaque jour, ne l'oubliez surtout pas ! Au lieu de toujours dire non à tous les projets, informez-vous et faites donc des propositions positives. Le Liban et son peuple, seraient-ils vraiment les seuls au monde à ne pas trouver une solution au traitement des déchets ? Irène Saïd
14 h 16, le 31 août 2017