Il y a quelque temps, dans ces mêmes colonnes, on se demandait, avec beaucoup de précautions, si la guerre de Syrie pourrait avoir des répercussions plutôt positives sur le Liban, aussi indirectes soient-elles, aussi tortueuse que soit la trajectoire de l'impact. La réponse, aujourd'hui, est de plus en plus claire : oui.
Pourtant, le Hezbollah s'emploie, jour après jour, à essayer de ressusciter l'une des plus fumeuses et malsaines théories (et pratiques) libanaises, accouchée en 1932 par Antoun Saadé et son PSNS, qui fantasmaient insensément une Grande Syrie dystopique, genre Game of Thrones. Cette théorie s'est transformée et adaptée au fil des décennies, comme un mégavirus, pour devenir cette concomitance des deux volets, sinistre prétexte à toutes les dérives, Anschluss du Liban par la Syrie en tête. Désormais, Hassan Nasrallah ne met même plus de gants, s'embourbant dans un éhonté et honteux matraquage propagandiste en faveur de l'axe irano-syrien, cherchant à peine à masquer ses objurgations à l'adresse de l'État libanais par des conseils. Ses lieutenants, ministres, députés ou simples cadres du Hezb, sont sur tous les fronts : à Damas, pour une foire, des photos et des discours surréels, et à Beyrouth, un peu partout, pour enfoncer le clou.
Paradoxalement, cela est rassurant. Paradoxalement, cela confirme cette impression qu'à quelque chose malheur est bon : que cette guerre de Syrie, qui aurait pu (qui pourrait, à n'importe quel moment...) faire basculer le Liban dans la gueule de tant de volcans, aura au moins eu le mérite de rappeler, et de quelle belle manière, à tous ceux qui essayent perpétuellement de l'occulter, que l'armée libanaise n'est définitivement pas ce parent pauvre, et somme toute assez inutile, du Hezbollah. Et cela met le Hezb en rage.
Qui aurait dit un jour que la troupe allait génétiquement modifier sa façon de communiquer, dans la forme, certes, mais surtout dans le fond ? Qui aurait dit qu'elle allait asséner une véritable leçon de style et de déontologie, prenant le contre-pied du Hezb en n'exhibant, par exemple, aucune photo de jihadiste tué ? Qui aurait dit qu'elle allait faire comprendre à tout le monde, de la manière la moins ambiguë possible, qu'elle ne recevra aucune instruction de qui que ce soit ? Un déclic s'est produit. Quelque chose s'est
(re)mis en marche. Une lucidité claire, nette et implacable s'est imposée. Une (re)prise de conscience d'elle-même, de ce qu'elle est, de cette unanimité qu'elle provoque, toutes communautés confondues, de ce qu'elle vaut, de l'urgence de sa mission : que c'est elle, et elle seule, qui doit protéger le territoire national, les Libanais, leur drapeau, leur coexistence, leur identité, surtout. Aucun uniforme, militaire notamment, n'est exempt de critiques, loin de là, mais voilà cette armée libanaise qui reprend, grâce – le mot est surprenant – à la guerre de Syrie et ses corollaires, grâce à l'opération Aube du jurd, un poil de la bête que les Libanais n'espéraient plus voir et qu'ils accueillent avec une immense fierté, quel que soit leur attachement, encore une fois, à l'institution militaire en général.
Cette (re)naissance de la troupe, cette (ré)union des Libanais autour de ce qui reste, finalement, leur plus important, voire leur seul dénominateur commun, est un champ de promesses, endeuillé, il est vrai, par la confirmation de la mort des militaires otages de l'État islamique, véritablement tombés au champ d'honneur, et par cette infinie, cette insupportable tristesse de leurs familles – les yeux de leurs mères, exsangues, ne regarderont plus la vie tant que les assassins de leurs fils ne seront pas jugés.
En attendant, cette (re)naissance et cette (ré)union viennent superbement consacrer le seul triptyque à même de sauver le Liban et d'honorer ses morts : peuple-armée-État – quand ce dernier, bien sûr, ressuscitera.
P.S. : parce que Hassan Nasrallah, que cela nous plaise ou non, est un homme brillant, il a compris, intuitivement, qu'il fallait rajouter un quatrième élément à cette fameuse équation. Sauf que M. Nasrallah a choisi de privilégier l'élément cancérigène : l'armée syrienne, à l'élément salvateur : la Finul – n'en déplaise à l'administration Trump.
Pourtant, le Hezbollah s'emploie, jour après jour, à essayer de...
Le peleton d'execution refera son entree sur scene en temps voulu ...
12 h 50, le 28 août 2017