Rechercher
Rechercher

Processions

Des lieux se vident, d'autres s'encombrent. L'été, on fait la queue. Lentement, les uns derrière les autres, chaleur, sueur, soif, impatience, lassitude. Dans les aéroports, les gares, à l'entrée des plages, au kiosque du marchand de glaces, aux portes des musées, des églises, dans les embouteillages des vendredis soir, des samedis matin, et finalement de chaque instant de la journée. On se déplace tous en même temps, phalènes attirées par les mêmes lumières, à s'en user les nerfs, à s'en pourrir la vie, pour quelle récompense ?

Partir d'abord. Changer d'horizon. C'est la saison des voyages. Chaque année, quelques petits jours pour découvrir un nouveau petit bout du monde. Découvrir le monde, n'est-ce pas le rêve de chaque humain qui éclôt sur cette terre? C'est presque une mission. Quand on fait le bilan de sa vie, il y a une sorte de réconfort à énumérer les pays que l'on a visités. Plus on a placé de marqueurs sur le planisphère, plus on a l'impression d'avoir pleinement vécu. Et forcément, selon cette logique, où que l'on aille, on fait des jaloux.

L'eau est plus bleue, l'herbe est plus verte ailleurs, et pour nous Libanais, ce n'est pas une métaphore. Cette soif de vert et de bleu, que ne ferions-nous pour l'étancher, nous dont le pays mouchoir de poche n'a jamais vu de pâturages, nous dont la mer... n'en parlons pas. Mykonos et toutes les îles en « os » méritent notre fascination. Envahies de touristes, elles restent étrangement propres, leur mer ne se trouble pas, leurs pêches restent miraculeuses et chacun y a sa place au soleil. Nos musées sont à l'image de notre histoire, l'un archéologique, les autres d'art contemporain, le plus souvent privés. Entre les deux, pas grand-chose, sinon quelques toiles au petit musée Sursock. Entre les deux, le vide sidéral d'une longue période improductive qui n'a laissé en matière d'art que des trous de shrapnels dans les façades. Nos mosquées et nos églises ne sont pas des chefs-d'œuvre d'architecture. Mais les plus anciennes sont émouvantes de modestie et de recueillement. Les fresques de certaines églises archaïques expriment une foi bouleversante et naïve comme doit l'être, sans doute, la véritable foi.

Nos embouteillages nous mènent, en fin de semaine, à quelque festival de l'arrière-pays, forcément international par surenchère marketing, véritable paradis où vont mourir les étoiles qui s'étiolent, artistes flamboyants d'une époque révolue, dont la présence sous ces projecteurs des confins ressemble à un mirage. Michel Sardou à Ehden, Bonnie Tyler à Batroun, José Carreras à Zahlé ? Il y a quelques années, cela aurait semblé inimaginable. Mais le phénomène est à l'image du Liban, qui n'a pour se pousser du col qu'un reliquat de paillettes glanées sur les champs de sa gloire oubliée.

Et puis il y a le 15 août. Jour de processions et de dévotion où les bougies au pied des Vierges d'Italie se consument en espérance. Pour d'autres, la fête se résumera aux spectaculaires feux d'artifice qui drainent en masse les citadins et poussent une dernière fois l'économie saisonnière avant que ne jaunissent les platanes. Crever le ciel, se griser de feu et de bruit. Ne laisser derrière soi que cendres. Nous ne connaissons de beauté qu'éphémère, et les bouchons que tout cela provoque ne servent qu'à faire durer l'instant.

Des lieux se vident, d'autres s'encombrent. L'été, on fait la queue. Lentement, les uns derrière les autres, chaleur, sueur, soif, impatience, lassitude. Dans les aéroports, les gares, à l'entrée des plages, au kiosque du marchand de glaces, aux portes des musées, des églises, dans les embouteillages des vendredis soir, des samedis matin, et finalement de chaque instant de la journée. On...

commentaires (4)

Après avoir eu la chance d'accueillir au Festival de Baalbeck de la Belle Époque du Liban de Grands Noms du théatre, de la belle musique, de la danse..., il me semble que les Figures invitées aux festivals de cet été, dignes de toute appréciation, sont arrivées à la fin de leur carrière professionnelle... À mon humble avis, les jeunes ne sont plus attirés par l' excellence. C'est la médiocrité qui prévaut dans tous les domaines à part quelques exceptions. On ne respecte plus la protection de l'environnement, ni le civisme ni même la bonne éducation la plus élémentaire. Et vous le dites si bien Fifi avec votre plume superbe du "Jeudi". Félicitations et mes remerciements!

Zaarour Beatriz

19 h 21, le 17 août 2017

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Après avoir eu la chance d'accueillir au Festival de Baalbeck de la Belle Époque du Liban de Grands Noms du théatre, de la belle musique, de la danse..., il me semble que les Figures invitées aux festivals de cet été, dignes de toute appréciation, sont arrivées à la fin de leur carrière professionnelle... À mon humble avis, les jeunes ne sont plus attirés par l' excellence. C'est la médiocrité qui prévaut dans tous les domaines à part quelques exceptions. On ne respecte plus la protection de l'environnement, ni le civisme ni même la bonne éducation la plus élémentaire. Et vous le dites si bien Fifi avec votre plume superbe du "Jeudi". Félicitations et mes remerciements!

    Zaarour Beatriz

    19 h 21, le 17 août 2017

  • A retenir gloire oubliée qui résume en effet ce Liban qui était beau et qui devient comme un asile de vieillards ou les visiteurs se font rares .

    Antoine Sabbagha

    15 h 59, le 17 août 2017

  • Enfin un article qui parle de " marcher en avant " , avec les moyens de bord . Loin de tous ceux qui nous ramènent à des temps immémoriaux , tués et enterrés .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 54, le 17 août 2017

  • Quelle belle écriture Chère Fifi, je vous remercie pour ce bonheur de vous lire. Un partage rare. J.

    Neuschwander Joël

    11 h 59, le 17 août 2017

Retour en haut