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Liban - Anniversaire

La réconciliation de la Montagne et les rivalités CPL-FL

La politique politicienne a pris le dessus hier sur la symbolique rassembleuse et souverainiste.

Le patriarche maronite avec le président Aoun à Deir el-Qamar... ...et avec le PSP à Beiteddine. Photos Dalati et Nohra

Un an après la célébration solennelle, à Moukhtara, des quinze ans de la réconciliation de la Montagne, le Parti socialiste progressiste (PSP) a choisi cette année encore, bien que ce choix ne soit pas coutume, de commémorer cet épisode fondateur de la lutte contre l'occupation syrienne.

Il y a un an, la rencontre entre le leader du PSP, le député Walid Joumblatt, et le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, avait comme ravivé la visite historique du patriarche Nasrallah Sfeir au palais de Moukhtara en août 2001, précisément dans sa dimension liée à la purification de la mémoire. Le choix avait été fait d'ailleurs d'inaugurer à cette occasion l'église de Moukhtara. La portée stratégique de l'acte mémoriel de 2001, dans le sens d'un combat transcommunautaire souverainiste, est considérée comme un souffle de l'intifada de 2005, évanoui avec elle, comme l'avait signalé Walid Joumblatt dans un entretien à L'Orient-Le Jour le 6 août 2016.

Cette année, la commémoration célébrée par une rencontre entre le PSP et les Forces libanaises au Palais du Mir Amine de Beiteddine est venue réaffirmer la portée pacificatrice de la réconciliation druzo-maronite, chère aux milieux du PSP.

Alliance électorale PSP-FL

Mais sur la symbolique de paix, vouée à durer, s'est fixé pour la première fois un objectif tactique, circonstanciel : la consécration implicite de l'alliance entre le PSP et les FL aux prochaines législatives, à laquelle avait préludé le tête-à-tête Samir Geagea-Walid Joumblatt à Clemenceau à la fin du mois dernier. Il n'est pas anodin que le documentaire de 20 minutes, réalisé par le journaliste Saad Élias sur la réconciliation, donne la parole au président des FL, à la députée Sethrida Geagea et au député Georges Adwan, aux côtés du patriarche Raï, du cardinal Sfeir et de Walid Joumblatt ainsi que du député Talal Arslane.

Certes, l'alliance électorale FL-Courant patriotique libre (CPL) se prête à la thématique de la réconciliation, les acteurs les plus farouches du conflit armé dans la Montagne ayant été le PSP d'une part et les FL de l'autre. Mais les objectifs électoraux ainsi greffés sur la symbolique de l'événement de 2001 n'ont pas manqué d'y incorporer les misères de la politique politicienne, révélées à première vue par une représentation tronquée des trois présidences, limitée au Premier ministre et au chef du législatif. En outre, la participation à la cérémonie était limitée à des représentants des FL et du PSP, à l'exclusion d'autres formations chrétiennes, non moins concernées par la réconciliation, à savoir les Kataëb et le Parti national libéral, ainsi que des acteurs indépendants, comme l'ancien député Farès Souhaid, qui avait pourtant participé de près, aux côtés de feu Samir Frangié, à la genèse de la réconciliation de 2001.

(Lire aussi : Raï espère que Aoun pourra « faire face aux grands défis »)

La visite parallèle de Aoun

L'absence la plus marquante reste celle du Courant patriotique libre, aggravée hier par la visite simultanée à Deir el-Qamar du président de la République Michel Aoun, venu prendre part à la messe annuelle à Notre-Dame du Tell, à quelques heures de décalage avec la rencontre au Palais du Mir Amine à Beiteddine. Célébrée par le patriarche Béchara Raï, avant qu'il ne fasse le déplacement vers Beiteddine, la messe de Notre-Dame du Tell a elle aussi été placée sous le thème de la réconciliation de la Montagne. Walid Joumblatt s'est abstenu de prendre part à l'un ou l'autre événement, pour cause de santé, dont a fait état le député Marwan Hamadé qui le représentait à la réunion à Beiteddine. Le chef druze n'a pas omis en contrepartie de formuler un mot de bienvenue au président Aoun dans un tweet, et de déléguer son fils Taymour à la messe de Notre-Dame de Tell, sachant que ce dernier était également présent à Beiteddine.

Absences justifiées

Les raisons de l'absence des autres formations chrétiennes à la cérémonie de Beiteddine se prêtent à différentes versions. Néanmoins, une figure chrétienne indépendante confirme qu'aucune invitation n'a été envoyée aux Kataëb, ni au PNL ni aux indépendants absents de la cérémonie.

La partie responsable de la distribution des cartons d'invitation serait, selon des informations concordantes, le député Georges Adwan, dont la méthode n'aurait pas manqué de susciter les réserves du leader du PSP, justifiant peut-être en partie son absence annoncée in extremis à la rencontre de Beiteddine. Pour le député Fady el-Habre, via l'agence al-Markaziya, l'abstention d'inviter l'ancien président Amine Gemayel, et les Kataëb, est une manière d'« accaparer l'histoire à des fins électorales ». Et de doubler son allusion à peine voilée aux FL d'une insistance sur « notre persévérance dans l'opposition ». Le député Samy Gemayel était en revanche représenté au dîner organisé par la jeunesse du PSP, la veille à Aïn Zhalta, où l'ancien ministre Waël Bou Faour, représentant Walid Joumblatt, avait affirmé l'alliance « avec les partenaires de réconciliation ».

Le cas du CPL serait différent de celui des autres parties chrétiennes absentes à la cérémonie de Beiteddine. Des invitations auraient été distribuées à ses représentants, qui les auraient déclinées pour cause de tensions entre le CPL et le PSP d'une part, et les FL de l'autre, estime une autorité indépendante du Chouf. C'est dans ce contexte d'ailleurs qu'a éclaté il y a quelques jours la polémique autour d'un retrait présumé, par la municipalité de Deir el-Qamar, d'affiches et de banderoles destinées à accueillir le président Aoun. Hier, cette polémique a été résolue et les affiches étaient la toile de fond de l'accueil réservé au chef de l'État, qui envisagerait par ailleurs de prendre ses appartements au palais de Beiteddine, résidence présidentielle d'été, dès la moitié du mois courant.
La rivalité électorale entre les FL et le CPL dans le Chouf s'exprime d'ores et déjà. Le ministre de l'Énergie César Abi Khalil a inspecté hier des projets de son ministère dans l'Iqlim el-Kharroub. « Le retour des chrétiens de la Montagne se fait par des projets concrets, non par des discours pompeux », a-t-il dit.

(Lire aussi : Écartés de la commémoration de la réconciliation de la Montagne, les Kataëb en veulent aux FL)

Survivances du discours souverainiste

De son côté, Georges Adwan continue d'éviter la confrontation ouverte. Dans son discours au Palais du Mir Amine, il a même reconnu et salué le courage des « jeunes des FL, du CPL, des Kataëb et du PNL » réprimés par les services de renseignements dans la foulée de la tournée du patriarche dans la Montagne en août 2001.

Cette violence, Marwan Hamadé l'a évoquée dans les détails, en rappelant l'assassinat d'Anouar el-Fataïri, l'agression contre l'ancien député Georges Dib Nehmé, les embûches à la création d'un ministère des Déplacés, les menaces de mort proférées par le député baassiste Assem Kanso contre Walid Joumblatt au cœur de l'hémicycle pour avoir « répondu à l'appel de Bkerké »... Mais M. Hamadé n'a pas manqué d'évoquer aussi le retrait israélien en 2000 et « la victoire du Liban officiel et du Liban résistant ». Et de conclure sur l'enjeu actuel de « préservation de la Montagne, grâce à la présence de Walid Bey et Taymour Joumblatt ». « La Montagne est ressuscitée. C'est la résurrection du Liban que nous attendons maintenant », a-t-il souligné.

Des éléments du discours souverainiste se sont du reste incorporés discrètement dans les interventions. Le député Georges Adwan, représentant le leader FL à l'événement, a ainsi mis l'accent sur « l'impératif de rétablir la souveraineté de l'État », tandis que le député Marwan Hamadé a conclu son discours en exprimant l'appui du PSP au patriarche Raï. « Nous sommes plus que jamais à vos côtés pour sauver le Liban de toute tutelle nouvelle, de tout aventurisme nouveau », a-t-il dit.

Mgr Béchara Raï préférera, quant à lui, prononcer un discours conciliateur en évoquant longuement le mérite de son prédécesseur dans la réconciliation de la Montagne et la messe qu'il avait alors célébrée à Notre-Dame du Tell avant d'entamer sa tournée. Estimant que la réconciliation de 2001 est aujourd'hui achevée « aux niveaux politique et social », Mgr Raï a jugé qu'il ne lui manque plus que « la confiance mutuelle ». Et de prôner « une coopération entre l'État, l'Église et la société civile (...) pour la réalisation de projets de développement et de tourisme dans la région ».

Il reste que la réconciliation d'août 2001, qu'elle soit maintenue dans sa seule portée pacificatrice, ou utilisée à des fins électorales, appelle un retour aux constantes nationales. L'absence de Walid Joumblatt à la rencontre de Beiteddine a comme honoré cette symbolique. Ses contraintes de santé ne l'ont pas empêché de rendre visite au patriarche au siège de l'évêché de Beiteddine et d'honorer, dans une déclaration à la chaîne al-Jadeed, la mémoire de Samir Frangié, l'un des artisans de la réconciliation et du vivre-ensemble.

 

Pour mémoire

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Un an après la célébration solennelle, à Moukhtara, des quinze ans de la réconciliation de la Montagne, le Parti socialiste progressiste (PSP) a choisi cette année encore, bien que ce choix ne soit pas coutume, de commémorer cet épisode fondateur de la lutte contre l'occupation syrienne.Il y a un an, la rencontre entre le leader du PSP, le député Walid Joumblatt, et le patriarche...

commentaires (5)

C'est vrai quoi ! Pourquoi on a pas invité rifi ???? Lol.

FRIK-A-FRAK

11 h 19, le 07 août 2017

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • C'est vrai quoi ! Pourquoi on a pas invité rifi ???? Lol.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 19, le 07 août 2017

  • Les Kataéb depuis 1936, le PNL depuis 1958, les Indépendants depuis toujours, sont les principaux piliers sur lesquelles s'appuie le Liban, notre patrie éternelle. Ce n'est pas un avorton comme Georges Adwan qui changerait la réalité des choses. Le parti Forces libanaises (FL) n'est qu'une partie dissidente des Kataéb, il ne faudrait pas que le nain Georges Adwan l'oublie.

    Un Libanais

    10 h 10, le 07 août 2017

  • Tous ces beaux messieurs, jeunes et agés, n'ont manifestement toujours pas compris ce que "patrie" signifie... Que la patrie ne demande pas leur religion à ses citoyens...ni leur nom de famille... mais: qu'est-ce que vous avez tous fait de valable et de concret depuis que le Liban est indépendant ??? Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 49, le 07 août 2017

  • LES PARTIS CHRETIENS OU PLUTOT CEUX QUI EN SONT RESPONSABLES N,ONT APPRIS AUCUNE LECON DE TOUT CE QUI S,EST PASSE ET CE QUI SE PASSE REGIONALEMENT, INTERNATIONALEMENT ET SURTOUT LOCALEMENT... DES VAURIENS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 02, le 07 août 2017

  • ce qui manquait, peut être, c'était la libanité de certains libanais. rien de nouveau d'ailleurs,...

    Wlek Sanferlou

    03 h 20, le 07 août 2017

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