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Économie - Jeux olympiques

JO de Paris 2024 : attention au retour de flamme

Assurée d'organiser les Jeux olympiques de l'été 2024, la capitale française ne devrait pas échapper aux surcoûts systématiquement engendrés par l'organisation de l'événement. Mais à quelle hauteur ?

Le logo de la candidature de Paris à l’organisation des JO de 2024. Gonzalo Fuentes/File Photo/Reuters

Une aubaine pour certains, un cadeau empoisonné pour d'autres. La ville de Paris organisera les Jeux olympiques d'été en 2024, cent ans après la dernière édition sur le sol français. Sa seule concurrente, Los Angeles, a annoncé, lundi, qu'elle se portait candidate pour les Jeux de 2028. Réjouissante pour les amoureux du sport et de l'olympisme, cette nomination pose néanmoins des questions sur ses conséquences financières.

« Paris n'échappera pas à l'explosion budgétaire qu'ont connue les précédentes villes organisatrices », affirme l'économiste Alexandre Delaigue, joint par L'Orient-Le Jour. Depuis cinquante ans, les Jeux olympiques n'ont – sauf ceux de Los Angeles en 1984 – jamais respecté le budget initialement fixé par leur ville organisatrice. « Quand vous gérez un tel événement, vous avez toujours des surprises qui ne vont jamais dans le bon sens », confie-t-il. Le taux moyen de dépassement des JO d'été est de 176 %, selon une étude menée par la Said Business School d'Oxford. Ce chiffre est à prendre avec précaution : calculé sur les huit dernières éditions, il est grandement influencé par la gestion désastreuse de Montréal, qui avait présenté en 1976 un taux de dépassement de... 720 %. À titre de comparaison, Londres, en 2016, avait doublé son budget.

 

95 % des infrastructures déjà existantes
La nécessité du respect des délais concernant les travaux, imposée par la visibilité médiatique de l'événement, représente une part majeure de ce surcoût. « Des milliards de personnes regardent les JO à la télé, souligne Alexandre Delaigue. Tout doit être parfait. Alors, s'il y a du retard, on fait accélérer les projets en dépensant des montants non prévus. » Le renforcement de la sécurité peut lui aussi engendrer des surplus. Tel avait été le cas à Londres lors des JO 2012. La capitale anglaise avait obtenu leur organisation la veille de l'attentat qui avait provoqué la mort de 56 personnes dans le métro londonien en juillet 2005. Confrontée à la menace terroriste, la ville avait dû augmenter le budget initialement dédié à sa sûreté.
Paris table quant à elle sur un budget initial de 6,6 milliards d'euros (7,8 milliards de dollars).

Cette enveloppe est partagée en deux parties distinctes. Le COJO (Comité d'organisation des Jeux olympiques) versera 3,3 milliards d'euros (3,9 milliards de dollars) destinés à la mise en place de sites temporaires, l'aménagement de lieux déjà existants et la prise en charge des athlètes. Le Comité international olympique assumera 1,45 milliard d'euros (1,7 milliard de dollars) de ces dépenses, tandis que les quelque deux autres milliards seront couverts par la billetterie et le programme de sponsoring national. La seconde partie du budget (3,3 milliards d'euros) servira à construire des infrastructures telles que le village olympique et le centre de presse. L'État contribuera à hauteur d'un milliard d'euros (1,1 milliard de dollars), les collectivités débourseront 500 millions (594 millions de dollars) et le reste sera financé par des investisseurs privés.

Selon Alexandre Delaigue, le coût total de ces Jeux olympiques pourrait atteindre 18 milliards d'euros (21,4 milliards de dollars), soit trois fois le montant initial. « Et en cas de dépassement, le CIO ne prend rien en charge, c'est à l'État d'assumer », prévient-il.
Professeur d'économie à l'Université Paris-I Panthéon Sorbonne, Pierre Rondeau juge néanmoins cette prévision peu crédible : « La configuration est différente des éditions précédentes, confie-t-il à L'OLJ. Le montant enflera, c'est certain, mais de façon bien moindre. » Le comité d'organisation « Paris 2024 » ne cesse en effet de le réaffirmer : 95 % des infrastructures nécessaires à la tenue des JO existent déjà. « Je vois beaucoup d'économistes user de formules magiques pour augmenter les coûts, ironise Saint-Clair de Milesi, directeur de la communication de "Paris 2024". Mais à partir du moment où la construction ne concerne que le village olympique et des installations moindres, je ne vois pas comment on pourrait arriver à de tels chiffres. »

Une zone d'ombre entoure néanmoins la viabilisation des logements du village olympique. « À Rio (où étaient organisés les JO 2016), seulement 10 % du parc a été revendu sous forme de logements, indique Alexandre Delaigue. Le reste est toujours à la charge de l'État et représente de lourdes dépenses. »

 

Des recettes difficilement évaluables
« Paris 2024 » a récemment fait part de son souhait de transformer le site, une fois l'édition terminée, en logements sociaux. Pour Pierre Rondeau, ces investissements représentent une « dette utile » qui dépasse le strict cadre des JO : « Ils vont être de formidables accélérateurs pour le projet du "Grand Paris" avec notamment l'ouverture de nouvelles lignes de métro, indique-t-il. Même si ces investissements provoquent un léger surcoût, ils ne sont pas faits que pour les JO et serviront bien après ! »

Le rattrapage d'un éventuel dépassement budgétaire par des recettes conséquentes reste difficilement envisageable. « Pour être très honnête, même après coup, je ne vois pas comment on peut calculer de manière précise les revenus des JO, confie Pierre Rondeau. Vous pouvez faire dire ce que vous voulez aux chiffres. » Alexandre Delaigue acquiesce : « Pour rentabiliser son événement, Londres a compté dans ses recettes l'intégralité des investissements réalisés par les firmes multinationales l'année qui a suivi les JO. C'est un peu gros quand même. » Le Centre de droit et d'économie du sport (CDES) estime pourtant les revenus des Jeux 2024 entre 5,3 et 10,7 milliards d'euros (entre 6,3 et 12,7 milliards de dollars), le scénario médian s'établissant à 8,1 milliards d›euros (9,6 milliards de dollars). L'institut prévoit aussi la création de centaines de milliers d'emplois (entre 119 000 et 247 000). Mais « ils n'auront aucune pérennité, argue Pierre Rondeau. Ce sont des contrats pour trois semaines, on ne peut pas considérer ça comme de la création d'emplois ».

Le véritable coût financier des JO de Paris ne sera évaluable qu'à partir de 2026. La ferveur de milliards de supporters devrait, elle, être perceptible dès le début de la compétition.

 

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