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À l’écoute de la Muette

Qaa après Ersal, l'État islamique dans le collimateur après Fateh el-Cham ...

L'entrée en lice de l'armée dans l'actuelle offensive visant les organisations jihadistes, qui a pris la forme de tirs d'artillerie visant à ramollir l'adversaire, ne doit pas être perçue comme un complément (un simple rajout ?) de l'initiative prise sur le terrain par le Hezbollah. Le faire serait tout à la fois injuste et irrévérencieux pour une troupe qui, on a trop tendance à l'oublier, a largement fait ses preuves en matière de lutte contre le terrorisme. Il y a quelques années encore, elle éradiquait, coup sur coup, les groupes jihadistes écumant la région de Denniyé et ceux retranchés dans le camp palestinien de Nahr el-Bared. Et on ne voit pas pourquoi elle aurait perdu de son allant.

On aurait mauvaise grâce, sans doute, de bouder l'événement que fut le grand nettoyage opéré sur le front de Ersal par le Hezbollah. Néanmoins, nombre de Libanais auraient préféré, à l'instar de Saad Hariri qui en exprimait le regret à Washington, voir l'armée nationale prendre elle-même les devants. Ainsi eut-elle assumé de la plus claire manière sa qualité de détenteur légitime et légal de la décision de paix ou de guerre, que la milice s'est appropriée depuis des années. Ce piratage, les brassées de fleurs que lançait jeudi Hassan Nasrallah à l'institution militaire ne saurait en aucun cas l'occulter.

Recevant le Premier ministre Hariri à la Maison-Blanche, Donald Trump, lui non plus, n'a pas été avare d'éloges pour l'armée, y ajoutant de solennelles promesses de soutien. Mais pour commencer ses propos publics dénotaient (et ce n'était pas là la première fois) une ahurissante méconnaissance de ses dossiers. Car en décrétant le Hezbollah ennemi du peuple libanais, le président américain a manqué de tact envers son hôte qui, bon gré mal gré, compte précisément des membres de ce parti, dans son propre gouvernement. Mais surtout, il a fait preuve d'une belle inconscience en paraissant pousser à la roue de la confrontation, pour ne pas dire de la guerre civile.

Et puis l'affaire du soutien à l'armée comporte une bonne dose d'ambiguïté, sinon d'hypocrisie. On n'ira pas, bien sûr, jusqu'à cracher dans la soupe de l'Oncle Sam ; mais force est de reconnaître que pour bienvenues qu'elles furent, les fournitures d'armements US n'ont pas toujours répondu, en termes de qualité comme de quantité, aux besoins et attentes de l'état-major de Yarzé. Durant la guerre civile, la raison officiellement invoquée était la crainte de voir ce matériel tomber en de mauvaises mains, les divers protagonistes se livrant souvent en effet au pillage des arsenaux militaires. Bien évidemment, cette prudence est loin d'avoir disparu avec la montée en puissance du Hezbollah ; mais en réalité, et Washington ne s'en cache pas trop, cette parcimonie s'explique surtout par le souci de n'altérer en rien l'écrasante supériorité militaire israélienne face à son voisin du nord.

Or bien fallacieux, et dramatiquement lourd de conséquences, est l'argument. Jamais en effet depuis la guerre de 1948 l'État libanais n'a manifesté d'intentions belliqueuses alors que les agressions israéliennes, perpétrées avec la plus grande violence et sous les prétextes les plus divers, ne se comptent plus. Quant au Hezbollah, il n'a pratiquement pas besoin de piquer chez les autres : l'Iran, en effet, y pourvoit amplement, notamment en missiles sol-sol qui lui confèrent une puissance de feu absolument inédite. Que pense-t-on par ailleurs, à Washington, des offres insistantes de Téhéran visant à rééquiper de pied en cap la force publique ?

On observera, pour conclure, qu'outre les fournitures d'armements modernes il existe, pour qui le désire vraiment, bien d'autres moyens de venir efficacement en aide au Liban, et plus particulièrement à ses forces armées. L'un d'eux est une mise en application plus stricte des résolutions de l'ONU et une contribution plus active de la communauté internationale à la surveillance de nos frontières.

Ce n'est certes pas la Grande Muette qui trouverait à y redire.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

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