Leur première rencontre officielle aura suscité la polémique. Le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se sont retrouvés hier à Paris, où le dirigeant israélien ne s'était plus rendu depuis la marche du 11 janvier 2015, organisée par François Hollande après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Casher. L'occasion : les commémorations de la rafle du Vel d'Hiv, l'un des épisodes les plus noirs de l'histoire française.
Les 16 et 17 juillet 1942, 13 152 juifs, dont 3 000 enfants en bas âge, avaient été arrêtés à la demande des nazis et sur ordre du pouvoir français en place. Retenus dans des conditions inhumaines pendant quatre jours, ils furent entassés sur les gradins du Vélodrome d'hiver (démoli en 1959), avant d'être déportés vers les camps de la mort. Moins d'une centaine de ces raflés – aucun enfant – survécurent.
Passée sous silence dans la période de l'après-guerre, la responsabilité de l'État français dans la déportation des Juifs a été reconnue en 1995 par le président Jacques Chirac, puis réaffirmée par Nicolas Sarkozy et François Hollande. « Si je suis ici parmi vous en ce jour sombre et solennel, c'est pour que se perpétue le fil tendu en 1995 par Jacques Chirac, à qui je veux tout particulièrement rendre hommage aujourd'hui », a dit Emmanuel Macron lors de la cérémonie de commémoration, quai de Grenelle, à Paris.
« Récemment encore, ce que nous croyons établi par les autorités de la République sans distinction partisane, avéré par tous les historiens, s'est trouvé contesté par des responsables politiques français prêts à faire reculer la vérité », a poursuivi le chef de l'État, en allusion à des déclarations de Marine Le Pen pour qui la France n'est « pas responsable du Vel d'Hiv ». « C'est faire beaucoup d'honneur à ces faussaires que de leur répondre. Mais se taire serait pire. »
En français, M. Netanyahu a remercié son hôte pour cette invitation, un « geste très, très fort » qui « témoigne de l'amitié ancienne et profonde entre la France et Israël ».
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Antisémitisme / antisionisme
C'est la première fois qu'un dirigeant israélien est convié à cette cérémonie. Cette invitation a cependant fait grincer quelques dents, y compris au sein de la communauté juive, où certains ont dénoncé une « instrumentalisation » d'une histoire purement française. Confirmée la semaine dernière par Paris, la visite du Premier ministre israélien, qui n'hésite pas à passer pour le représentant de la communauté juive, a également été vivement dénoncée par le Parti communiste français. « La commémoration de la rafle du Vel d'Hiv se doit de porter un message fort de paix, de lutte déterminée contre l'antisémitisme, contre toutes les formes de racisme et de haine dont étaient porteurs le régime nazi et ses collaborateurs français », souligne le parti dans un communiqué. « Benjamin Netanyahu n'est pas l'homme de ce message. »
« On invite à Paris un homme dont on sait qu'il est responsable du blocage de toute solution politique pacifique fondée sur la création d'un État palestinien et on fait comme si cela n'avait aucune importance », dénonce également Alain Gresh, journaliste, auteur et directeur du média en ligne Orient XXI.
Survient alors le vibrant plaidoyer du président français contre l'antisémitisme et le racisme. « Nous ne céderons rien à l'antisionisme car il est la forme réinventée de l'antisémitisme », a-t-il martelé sous les applaudissements. L'amalgame entre ces deux notions, distinctes, n'est pas nouveau, et a déjà été évoqué par certains hommes politiques, dont Manuel Valls, alors qu'il était Premier ministre de François Hollande, suscitant la controverse.
(Repère : Le Vel d'Hiv, symbole de la déportation des Juifs sous l'occupation)
Si, par définition, l'antisémitisme est une attitude ou une doctrine hostile aux Juifs, l'antisionisme réside dans le refus du droit d'un foyer national juif, soit Israël, à exister. Sauf que l'antisionisme peut aussi être le fait de Juifs. La confusion entre ces deux notions est courante, volontairement ou pas. « La non-reconnaissance du droit à l'existence de cet État (hébreu) est contraire au droit international et peut s'accompagner d'appels à sa destruction qui se fondent sur des préjugés antisémites », avance Jean-Yves Camus, chercheur associé à l'IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques – Paris). A contrario, Alain Gresh estime que le fait que le président Macron fasse cet amalgame est « extrêmement dangereux et veut dire de fait que toute critique d'Israël est assimilée à de l'antisémitisme ». « Depuis De Gaulle, la France avait compris que le conflit israélo-arabe et israélo-palestinien est au cœur de tous les problèmes du Proche-Orient. Malheureusement aujourd'hui, on sent que nos dirigeants ne sont pas du tout convaincus de cela. »
Le président français ne s'est pourtant pas gardé d'égratigner – légèrement – son interlocuteur et sa politique de colonisation, en appelant au respect du droit international.
Dès sa campagne, Emmanuel Macron avait donné le ton. Tout en appelant à une solution à deux États, il s'était opposé à toute forme de pression à l'encontre du gouvernement israélien, ainsi qu'à la reconnaissance d'un État palestinien avant même qu'un accord de paix soit conclu. Même son de cloche hier, à l'issue de sa rencontre avec le Premier ministre israélien. « J'appelle à une reprise des négociations entre les Israéliens et les Palestiniens dans le cadre d'une recherche d'une solution à deux États, Israël et Palestine vivant côte à côte dans des frontières sûres et reconnues avec Jérusalem », a déclaré Emmanuel Macron lors d'une déclaration à la presse. « À ce titre, la France se tient prête à appuyer tous les efforts diplomatiques menés dans ce sens, selon les paramètres de paix reconnus par la communauté internationale », a-t-il ajouté, sans donner plus de précisions sur la forme que cette aide pourrait prendre.
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L'anti-sémitisme est condamnable mais pas l'anti-sionisme. Ce sont deux notions distinctes. On peut refuser que toute la Palestine et au-delà (du Nil à l'Euphrate) ne revienne qu'au peuple Juif, sans pour autant être anti-sémite. C'est une évidence.
00 h 25, le 18 juillet 2017