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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Syrie : l’ambiguë position de M. Macron

Les propos du président français témoignent d'une rupture tactique et d'une évolution rhétorique, mais rien ne permet pour l'instant de parler de changement stratégique.

« Nous avons en effet changé la doctrine française à l'égard de la Syrie pour pouvoir avoir des résultats et travailler de manière très étroite avec nos partenaires, en particulier les États-Unis d'Amérique », a confirmé Emmanuel Macron, lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue américain Donald Trump à l'Élysée, jeudi. AFP/Alain Jocard

Il l'a répété à au moins quatre reprises en à peine un mois : Emmanuel Macron ne veut pas faire de « la destitution de Bachar el-Assad une condition préalable à des discussions » sur la Syrie. Insistant sur le changement de « doctrine française à l'égard de la Syrie », le président français a fait jeudi un pas supplémentaire en ouvrant la porte à une possible réouverture de l'ambassade française à Damas ou à une prise de contact direct avec le régime syrien. Critiquant, avec peu de réserve, le bilan de son prédécesseur en la matière, le locataire de l'Élysée présente son aggiornamento comme le meilleur moyen pour la France de revenir à la table des négociations sur le conflit syrien.

Reprenant la formule employée par l'actuel ministre des Affaires étrangères – qui était ministre de la Défense à l'époque – au lendemain des attentats du 13 novembre, Emmanuel Macron a en outre estimé dans un entretien accordé à huit journaux européens en juin dernier que « Daech est notre ennemi, Bachar est l'ennemi du peuple syrien ». Ce qui a été qualifié par la presse française de revirement politique a suscité de vives réactions du côté des opposants à M. Assad comme de celui des détracteurs de la ligne dure prônée par Paris depuis 2011. Les premiers ont dénoncé une « grave erreur d'analyse » dans une tribune publiée dans Libération et intitulée Monsieur le Président, maintenir Assad, c'est soutenir le terrorisme. Les seconds se sont au contraire félicités du réajustement français, l'estimant plus « réaliste » compte tenu de la situation.

Les deux réactions apparaissent pourtant excessives dans une certaine mesure. Emmanuel Macron matraque son message comme pour démontrer à tout prix qu'il existe une rupture entre sa politique et celle prônée par François Hollande. « Sur ce point-là, il y a un besoin de se démarquer des deux quinquennats précédents pour des raisons tactiques », confiait à L'Orient-Le-Jour une source informée durant la campagne présidentielle.

Mais cela relève pour l'instant davantage d'un exercice de pure rhétorique que d'un réel changement de cap : cela fait longtemps que le départ d'Assad n'est plus un préalable aux négociations et que les dirigeants occidentaux se contentent de dire « qu'il ne peut pas être l'avenir de la Syrie. Les négociations à Genève, sous l'égide de l'ONU, comme à Astana, sous le parrainage du triumvirat Moscou/Ankara/Téhéran, se font d'ailleurs déjà dans les deux cas en présence des délégations du régime syrien sans pour autant que le sort du président Assad ait été réglée au préalable. Si le président français n'a jusqu'à maintenant pas évoqué explicitement l'avenir de M. Assad, il a rencontré à plusieurs reprises des membres de l'opposition syrienne en leur assurant que la France continuait de les soutenir. Son ministre des AE, Jean-Yves Le Drian, a d'ailleurs développé la « nouvelle » vision française dans une interview accordé au journal Le Monde le 28 juin dernier où il explique que si le réalisme, c'est de ne pas faire du départ de Bachar el-Assad un préalable à la négociation.[... ], c'est aussi de ne pas faire croire qu'il puisse y avoir une solution du conflit autour de lui.

 

(Lire aussi : Macron officialise la nouvelle realpolitik française sur la Syrie)

 

Facilités de langage
Il y a donc une rupture tactique, une évolution rhétorique, mais rien qui ne permette pour l'instant de douter de la continuité stratégique. L'aggiornamento macronien est aujourd'hui perceptible dans les dires, mais pas dans les faits. Une réouverture de l'ambassade française à Damas, ou une rencontre officielle avec des membres de la délégation du régime constitueraient toutefois, pour leur part, un véritable revirement de la position française en Syrie. En déplacement au Liban, en janvier dernier, Emmanuel Macron évoquait déjà cette possibilité, confiant à L'OLJ que « la France ne parlera pas avec Bachar el-Assad, mais pourra traiter avec des représentants du régime ».

Le président français donne l'impression de tracer une nouvelle feuille de route sur le dossier syrien sans pour autant que celle-ci n'ait été pour l'instant clarifiée. Emmanuel Macron veut « construire une solution politique dans la durée, inclusive », insiste « pour la mise en place de corridors humanitaires », et définit l'utilisation des armes chimiques comme une ligne rouge qui ferait l'objet de représailles. Cherchant manifestement à développer un discours plus opérationnel pour revenir dans le jeu, le président français tombe cependant, dans le même temps, dans certaines facilités de langage qui pourraient brouiller son discours auprès de ses interlocuteurs. Comme lorsqu'il déclare qu'il ne voit pas de successeur légitime à M. Assad, comme s'il ignorait que tous ceux qui pouvaient y prétendre ont été éliminés, ou qu'il dit ne pas vouloir d'un « État failli » en Syrie, comme s'il ignorait l'état actuel de la situation.

« Bachar el-Assad est un dirigeant failli. Il a commis des crimes, dénoncés par les Nations unies. Il n'y aura donc pas de paix sans justice », déclarait le candidat Macron en janvier dernier à Beyrouth. Le président Macron aurait-il fait depuis son propre aggiornamento sur la question?

 

 

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Il l'a répété à au moins quatre reprises en à peine un mois : Emmanuel Macron ne veut pas faire de « la destitution de Bachar el-Assad une condition préalable à des discussions » sur la Syrie. Insistant sur le changement de « doctrine française à l'égard de la Syrie », le président français a fait jeudi un pas supplémentaire en ouvrant la porte à une possible réouverture...

commentaires (5)

Le roi Michel 1er de Roumanie avait quitté le pouvoir le 30 décembre 1947 sous la pression des communistes. Ce jour-là, il avait dit : "Dieu et haut et la France est loin". La France n'est plus la France depuis que le général de Gaulle avait quitté le pouvoir le 28 avril 1969.

Un Libanais

18 h 34, le 15 juillet 2017

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Commentaires (5)

  • Le roi Michel 1er de Roumanie avait quitté le pouvoir le 30 décembre 1947 sous la pression des communistes. Ce jour-là, il avait dit : "Dieu et haut et la France est loin". La France n'est plus la France depuis que le général de Gaulle avait quitté le pouvoir le 28 avril 1969.

    Un Libanais

    18 h 34, le 15 juillet 2017

  • Le héros Bashar n'attend rien de macron ou même de trump-pète , leurs déclarations ne peuvent en aucune façon influer sur son combat de résistant au complot ourdi par eux mêmes sous l'impulsion des sionistes de la terre usurpée , par contre les soit disant opposants , oh mon Dieu quel calvaire de se faire balader de la sorte !!!!!!!! ET ILS CONTINUENT D'Y CROIRE !!!!!

    FRIK-A-FRAK

    15 h 38, le 15 juillet 2017

  • L'avenir de la Syrie est entre les mains du peuple syrien lui-même. Qu'il perde ce réflexe de "dominé " sous la secte autoritaire des Assad, ou ses reves d'etre protégé par les Etats-Unis, la Syrie, ou la Turquie... Au lieu de se battre entre eux pour "partager le gateau" , les centaines de groupes d'opposition feraient mieux de se regrouper pour être un interlocuteur valable, dans un pays démocratique, comme l'espère le président Macron. A bon entendeur- Salut

    Saab Edith

    10 h 58, le 15 juillet 2017

  • HEUREUSEMENT , Merci mon dieu, mille fois merci que le sieur macron et la politique etrangere de la france "amie" n'est influente d'aucune maniere quant aux decisions prises par les qutres GRANDS , s'agissant de l'avenir de la syrie, car sinon le sieur macron aurait meme fait le voyage a damas , pour appuyer ainsi par les faits sa politique CONTRE le peuple syrien .

    Gaby SIOUFI

    10 h 36, le 15 juillet 2017

  • Une certitude..en France comme aux USA,c est de pire en pire a la tete de l ETAT...Macron est encore pire que Hollande....!

    HABIBI FRANCAIS

    05 h 21, le 15 juillet 2017

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