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Liban - La vendetta au Liban

IV – Zghorta, le village des vendettas légendaires...

Les actes de vendetta au Liban se font rares, mais ils reviennent en certaines circonstances sur le devant de la scène. Dans une série de quatre articles, dont voici le dernier, et dont le premier a été publié dans notre édition du jeudi 6 juillet, « L'Orient-Le Jour » a décidé de rouvrir le dossier.

Illustration Ivan Debs

Le 16 juin 1957, la célèbre tuerie de Miziara endeuille tout le Liban-Nord. Ghassan Tuéni dira, dans un éditorial du journal an-Nahar paru le 18 juin 1957, que « le risque est grand de voir tous les villages du Liban devenir des Miziara ». Ses propos ont été malheureusement prémonitoires. Et avant même que la guerre civile libanaise n'éclate, le village de Zghorta s'était noyé dans un bain de sang très particulier.

Assis devant une table garnie de mezzés et d'une multitude de kebbés, dans un rituel purement dominical, le Zghortiote de 83 ans hésite longuement avant de prendre la parole. Il estime que les années « sombres » qu'a vécues son village ne lui ont apporté que la honte et le déshonneur. « La vengeance n'est pas une infamie » est un célèbre dicton que le vieil homme trouve désuet. « Les jeunes feront mieux de se concentrer sur leur avenir, ils sont tous éduqués et ouverts d'esprit », dit-il.

Ce n'est qu'après avoir eu sa dose habituelle de whisky, une bouteille de Grand Old Parr posée devant lui, qu'il laisse finalement libre cours à sa mémoire. Il raconte à L'Orient-Le Jour trois épisodes marquants de l'histoire sanglante de Zghorta post-Miziara.

 

(Lire aussi : III – « Toutes les parties concernées par une vendetta doivent respecter les médiateurs »)

 

Épisode 1 : le chapeau de la victime (1957-1958)
Un Zghortiote décide de venger le meurtre de son frère, tué lors d'un massacre qui a fauché plusieurs personnes. Ce n'est pas la tête de l'assassin de son frère qu'il réclame, mais celle d'un membre du clan rival, responsable à ses yeux de la tuerie. Il envisage de tuer la seule personne dont la mort « brûlera » le cœur du chef de la famille. Le choix ne s'avère pas difficile à faire. Il est vrai que la personne choisie ne porte pas le même nom de famille que le zaïm, mais elle est incontestablement son bras droit, son alter ego.

Le jeune homme affligé se dirige vers le magasin que sa « proie » avait l'habitude de fréquenter. Il l'attend dehors. Dès sa sortie, il lui tire dessus. Il est tué sur le coup et tombe à terre. L'assassin s'agenouille auprès de lui. Il ne regrette pas et ne se précipite même pas pour rentrer chez lui. Très calmement, il ôte à la victime son chapeau. Puis il s'en va.

C'est avec une grande fierté qu'il traverse à pied les quelques kilomètres qui séparent l'endroit où il a garé sa voiture de sa maison. Il prend le soin de mesurer ses pas, de les compter et d'aller aussi lentement que possible. Les voisins le reconnaissent. Il se dresse devant la porte, joint ses doigts en forme de poing, et frappe. On lui ouvre.

Il rentre solennellement dans sa maison et se dirige vers sa maman assise dans un coin, comme toujours sur le canapé à trois places. Il ôte le chapeau et le place dans le giron de sa maman endeuillée.

 

(Lire aussi : II - « La vie de mon fils en vaut trois autres »)

 

Épisode 2 : surtout pas les mains vides... (1967)
À la suite de nombreux accrochages entre deux familles et un cycle incessant de vendettas, l'un des deux clans décide de venger son dernier mort dont il estime le sang « pas encore lavé ».

Les membres du clan apprennent que la personne qui fera l'objet de cette « reprise de sang » rentre chez elle, tous les jours à la même heure. Des hommes en armes sont prêts et partent l'attendre. L'heure du retour passée, ils attendent toujours. Ils ne rentreront pas sans avoir assouvi la vengeance de leur proche. L'attente est longue et insoutenable. Elle est soudain interrompue par un moteur de voiture. Ils s'approchent davantage et remarquent de loin qu'il ne s'agit pas de la personne attendue, mais de son frère. Ils débattent de l'affaire pendant quelques instants. En toute connaissance de cause, ils se dirigent vers la voiture et tirent sur le conducteur. Le frère meurt sur-le champ...

 

(Lire aussi : La vendetta au Liban, ou lorsque les morts tuent...)

 

Épisode 3 : le second coup de feu (1989)
Pour une histoire d'argent, un homme rentre dans un magasin et tire sur le commerçant. L'homme est tué sur le coup. Des témoins racontent qu'il portait même son enfant lorsqu'il a été abattu. Pendant trois ans, le tueur vit en fugitif. Il ne sort que très rarement de sa maison. Au cours de cette période, la famille de la victime ne s'est pas remise du drame. « On dit que le sang est lourd, il pèse », dit le vieil homme.

Des individus proches de la victime décident finalement de laver le sang. Ils se dirigent un soir vers la maison du tueur et attendent pendant un long moment la coupure du courant électrique. Dès que leur cible sort pour actionner le disjoncteur du groupe électrogène, elle reçoit une balle dans la jambe. Transporté par des éléments armés dans un hôpital hors du caza pour être soigné loin de la menace, il subit dès son arrivée les interventions nécessaires. Les deux premiers soirs, il reste hospitalisé, davantage par souci de sécurité que pour des raisons médicales. Le troisième soir, toujours à l'hôpital,il est trouvé mort dans son lit. Aussitôt le sang lavé, les assassins rentrent dans leur village natal.

 

 

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commentaires (3)

AH... LA... C,EST LE COMBLE PUISQUE LES REVENCHARDS ONT ACCEDE A LA MAGISTRATURE SUPREME !

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 11, le 10 juillet 2017

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Commentaires (3)

  • AH... LA... C,EST LE COMBLE PUISQUE LES REVENCHARDS ONT ACCEDE A LA MAGISTRATURE SUPREME !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 11, le 10 juillet 2017

  • tres vague comme article, pas de noms juste des histoires...je veux bien croire mais ca aurait mieux avec les nom de famille au moins. un peu decu de n'avoir pas pu mieux connaitre l'eclairage que l'OLJ aurait pu amener sur la fameuse tuerie dans une eglise d'un certain personnage qui s'est apparement enfui en syrie...

    George Khoury

    07 h 09, le 10 juillet 2017

  • CE NE SONT QUE DES PETITS DÉTAILS. À QUAND LE PARCOURT DE SLEIMAN FRANGIÉ PREMIER ?

    Gebran Eid

    03 h 26, le 10 juillet 2017

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