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Ni vu ni connu

Un sac vide tient difficilement debout.
Benjamin Franklin

Debout les morts est le titre d'un roman policier de Fred Vargas couronné par la critique. Encore plus célèbre, cependant, est l'exhortation que lançait, au plus fort de la Première Guerre mondiale, à ses hommes submergés par les assaillants un héroïque sous-officier français entré, depuis, dans la postérité.

Dieu prête longue vie aux vénérables juges du Liban. Certains d'entre eux, toutefois, mériteraient bien d'avoir affaire à quelque clone de l'adjudant Jacques Péricard pour se décider à sortir de leur morne léthargie. Ceux-là (savoureuse ironie) appartiennent précisément à la magistrature dite debout : c'est dans cette position en effet qu'interviennent ses membres lors des audiences du tribunal, alors que les juges, eux, demeurent assis.

Lorsqu'il se tient dans la posture adéquate, ce qui est la norme dans les États de droit, ce corps de justice, appelé encore parquet ou ministère public, se charge de défendre l'ordre public et, d'une manière plus générale, l'intérêt de la communauté nationale. Nul besoin de plainte pour qu'il se mette en action, même s'il lui arrive de prendre bonne note d'une dénonciation. C'est sur simple information, estimée sérieuse et crédible, qu'il s'ébranle ; en France, il a suffi par exemple d'un article du Canard enchaîné pour voir le parquet financier tisser avec diligence, à partir de la pelote de Penelope, la fatale corde qui a fait un sort à la candidature Fillon à la présidence.

Or, on peut se demander si nos juges debout se soucient d'information, s'ils suivent un tant soit peu, à la télé ou dans les journaux, la triste actualité. Ce n'est pas une quelconque gazette à scandale, mais des instances tant financières que politiques qui s'égosillent à dénoncer, mais en vain, la gigantesque escroquerie ayant pour enjeu le pétrole et le gaz offshore. Et c'est une des plus hautes autorités mondiales en matière d'économie pétrolière qui vient de mettre à nu, pour le plus grand bénéfice du public, le comment du pourquoi de l'arnaque du siècle imaginée par les puissants qui se partagent avec voracité un inestimable patrimoine national. Faut-il donc en déduire que, pour le parquet, ce ne sont là que fadaises, ou alors calomnies? Mais dans ce cas, laisserait-on impunies toutes ces mauvaises langues qui, en jetant le discrédit sur les honorables personnages qui nous gouvernent, troublent ce sacro-saint ordre public confié à la vigilante surveillance de la magistrature debout ?

L'ordre public, parlons-en... Dans notre pays qui se veut un phare de culture, les victimes de tirs de réjouissance et d'homicides volontaires ne se comptent plus. Une fois n'est pas coutume, un vaste coup de filet permettait, il y a quelques jours, de mettre à l'ombre des dizaines de meurtriers et de baroudeurs. Mais nombre de ceux-ci étaient relâchés peu après, suite à des interventions politiques. Ce n'est pas L'Orient-Le Jour qui le prétend, mais le ministre de l'Intérieur en personne. Et qui donc lui oppose un cinglant démenti ? Le ministre de la Justice, lui aussi en personne, qui explique cette profusion de non-lieux par l'insuffisance de preuves et promet de produire un rapport sur la question.

Le Conseil des ministres a tout l'air d'une tour de Babel, mais ce n'est tout de même pas la jungle de la rue. Si ces Excellences se mitraillent volontiers, c'est seulement dans les pattes qu'elles se tirent...

 

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Un sac vide tient difficilement debout.Benjamin Franklin
Debout les morts est le titre d'un roman policier de Fred Vargas couronné par la critique. Encore plus célèbre, cependant, est l'exhortation que lançait, au plus fort de la Première Guerre mondiale, à ses hommes submergés par les assaillants un héroïque sous-officier français entré, depuis, dans la postérité.
Dieu prête...