Une croix en ivoire accrochée au rétroviseur, musique arabe en fond sonore, le commandant Abboud Seriane circule dans Raqqa à bord de son pick-up blanc pour inspecter les positions des combattants chrétiens engagés dans la bataille contre les jihadistes.
Cet "officier" de 23 ans, casquette militaire et revolver à la ceinture, s'enquiert de la situation sur le terrain auprès de ses camarades à al-Roumaniya, un quartier "libéré" dans le sud-ouest de la ville, avant de repartir à travers les décombres. Le groupe Etat islamique (EI) a été bouté hors de ce secteur par les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance kurdo-arabo-chrétienne, appuyée par une coalition internationale menée par les Etats-Unis.
Des dizaines de jeunes syriaques, une communauté représentant 10% des chrétiens de Syrie --soit une centaine de milliers de personnes-- ont pris part en 2013 aux combats antijihadistes sous le commandement du Conseil militaire syriaque (CMS) avant de rejoindre en 2016 les FDS.
"Nous participons à la libération de Raqqa au nom de tous les Syriens (...) Il n'y pas de différence entre les communautés syriaque, kurde ou arabe. Nous sommes tous frères", affirme à l'AFP Abboud Seriane. Les jihadistes "ont fait exploser les églises de Raqqa et forcé des chrétiens à se convertir à l'islam. C'est une raison supplémentaire pour laquelle nous combattons", ajoute-t-il.
A Raqqa, où la majorité des habitants sont des arabes sunnites, vivaient des milliers de syriaques orthodoxes ainsi que des Arméniens et des kurdes. Mais beaucoup ont fui la ville en 2014 quand l'EI s'en est emparée. Le 29 juin 2014, à Mossoul en Irak, le groupe extrémiste avait proclamé le "califat islamique" sur les territoires que ses partisans avaient conquis dans ces deux pays.
Les chrétiens se sont trouvés devant le terrible choix de fuir, se convertir à l'islam ou périr. Mais aujourd'hui, ces combattants arborent fièrement leur religion. Plusieurs ont des rosaires avec une croix tatoués sur leur poignet et le mot "Jesus" sur leur avant-bras.
(Lire aussi : L’État islamique pris au piège à Raqqa)
Trous béants
Les FDS ont lancé en novembre 2016 l'offensive pour chasser les jihadistes de Raqqa, dans le nord de la Syrie en guerre. Elles sont rentrées dans la ville le 6 juin et se sont emparées de quatre quartiers.
Dans le secteur d'al-Roumaniya, "libéré" de l'EI, les destructions sont énormes avec des bâtiments rasés, des trous béants et des gravats. Et le bruit incessant des tirs. "Ici, Daech a encerclé nos camarades des FDS et l'aviation de la coalition a mené des raids intenses pour briser le siège. C'est pourquoi il y a beaucoup de destructions", explique le commandant Seriane, en utilisant un acronyme en arabe de l'EI.
Aleksan Chmou, un combattant syriaque, confie qu'il est motivé par les atrocités commises par l'EI contre les minorités en Syrie. "Je me sacrifie en raison de ce qu'ils ont fait à notre peuple, à nos communautés, en raison des églises qu'ils ont détruites", dit-il. "Notre Messie Jésus a dit: +Si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends lui aussi l'autre+. Mais moi si quelqu'un gifle ma joue droite, je lui mets une balle dans la tête", ajoute ce jeune de 27 ans.
(Pour mémoire : Qui gouvernera Raqqa une fois les jihadistes chassés?)
'Rien n'empêche'
La majorité des combattants chrétiens sont jeunes comme Fadi, 23 ans. "Dans certains quartiers, nous sommes en première ligne", souligne-t-il en plissant les yeux à cause du soleil tandis que la sueur se forme sur ses tempes. "Nous avons reçu un entraînement militaire pour combattre Daech", dit-il fièrement. "C'est un grand honneur pour nous que de participer à la libération de Raqqa."
Sur les positions qu'ils contrôlent, le sigle en arabe du Conseil militaire syriaque est affiché sur le mur. Dans l'un des bâtiments repris à l'EI, des combattants syriaques discutent en sirotant leur thé et en fumant. D'autres nettoient leurs armes.
Le CMS semble avoir aussi attiré des volontaires étrangers. Un tireur embusqué aux yeux bleus pointe son arme à partir d'une fenêtre sur les positions de l'EI alors qu'un autre scrute le secteur avec des jumelles. Les bras et le cou du sniper sont recouverts de tatouages. Au-dessus de son sourcil droit est écrit en français "Rien n'empêche", le mort d'ordre du 2ème régiment de génie de la légion étrangère. Puis brusquement, il tire. "Bien, bien", lui lance en anglais un combattant syriaque, tandis que le tireur lève le poing satisfait et sourit.
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QUE DIEU LEUR VIENNE EN AIDE A CES HEROS CHRETIENS !
18 h 12, le 30 juin 2017