Entre la déclaration du président français sur le fait que le départ de Bachar el-Assad n'est plus une priorité pour la France et celle, la veille, de l'ancien ambassadeur américain en Syrie, Robert Ford, publiée par le quotidien saoudien ach-Chark el-Awsat sur le fait que les Kurdes ne doivent pas se faire d'illusions car les Américains quitteront bientôt la Syrie, la situation semble en train de basculer dans ce pays, en faveur du régime syrien et de ses alliés.
Une série de développements sur plusieurs fronts à la fois ont permis d'aboutir à cette constatation. D'abord, l'armée syrienne a réussi à mener plusieurs offensives simultanées le long de la frontière avec l'Irak, ignorant les lignes rouges tracées par les États-Unis à travers deux raids aériens dans la région de Tanaf et le bombardement d'un avion syrien. L'armée a réussi ainsi à « libérer » près de 150 km de cette frontière longue d'environ 600 km, mais dont près de la moitié constitue une zone à majorité kurde. Aujourd'hui, selon les experts militaires, la base américaine installée à Tanaf est pratiquement encerclée, l'armée syrienne et ses alliés ayant réussi à avancer par le nord et par le sud. La grande offensive dans le Sud des forces de l'opposition encadrées par la coalition menée par les États-Unis, annoncée depuis des mois et préparée à partir d'une salle d'opérations militaires installée en Jordanie, n'est plus vraiment d'actualité, l'armée syrienne ayant repris l'initiative dans la région de Deraa. Même chose dans le Nord où l'armée et ses alliés cherchent à se rapprocher de Deir ez-Zor dans une tentative de lever le blocus qui dure depuis près de trois ans autour de cette ville stratégique.
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Mais l'élément le plus surprenant dans cette bataille pour le contrôle de la frontière a été la progression rapide des Forces populaires irakiennes (des troupes parallèles pro-iraniennes, intégrées désormais à l'armée officielle) en direction de la frontière syrienne, réussissant en un temps record à faire la jonction avec l'armée syrienne. Selon certaines sources militaires, les combattants du Hezbollah libanais ont réussi à se retrouver des deux côtés de la frontière, mettant ainsi un terme au projet de la coalition menée par les Américains d'empêcher la jonction géographique entre Téhéran, Bagdad et Damas. C'est donc la fin du projet de casser géographiquement l'axe dit de la résistance qui avait commencé avec l'installation de Daech dans cette zone stratégique. Aujourd'hui, l'organisation de l'État islamique défend son dernier carré à Mossoul et continue de contrôler des fiefs séparés en Syrie, notamment à Idleb, Deir ez-Zor et Raqqa. La guerre est loin d'être finie, mais la dynamique lancée en 2014 par la proclamation de l'État islamique s'est essoufflée, et l'armée syrienne et ses alliés ont repris l'initiative sur le terrain, contraignant même les parties les plus hostiles au régime, comme la présidence française, ou même Robert Ford, à nuancer leurs positions.
Mais le développement le plus important est venu de Téhéran avec le lancement de plusieurs missiles de moyenne portée à partir de l'Iran vers un siège de l'EI à Deir ez-Zor. En principe, les autorités iraniennes ont voulu riposter aux attaques terroristes, revendiquées par Daech, qui ont frappé leur pays il y a une dizaine de jours. Mais la réalité est que les autorités iraniennes ont profité de cette attaque pour envoyer des messages précis à plusieurs destinataires. Selon des sources proches du Hezbollah, les Iraniens auraient pu riposter par une attaque ciblée ou par une avancée des troupes alliées sur un des fronts syriens, comme ils le font généralement. Mais, cette fois, ils ont sciemment voulu utiliser ces missiles à moyenne portée d'une grande précision dans la destruction de leurs cibles pour montrer à l'administration américaine, mais aussi aux Israéliens et aux pays du Golfe, qu'il ne sera pas facile d'attaquer l'Iran ou même ses alliés.
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Au moment où le pouvoir saoudien multiplie les menaces à l'égard de l'Iran, l'accusant d'aider les terroristes et annonçant une volonté de déplacer la guerre contre le terrorisme à l'intérieur de l'Iran, le tir des missiles sur Deir ez-Zor se veut un message dissuasif à la fois aux autorités de Riyad et celles des États-Unis qui semblent pousser vers une confrontation régionale. Le tir des missiles, selon les sources proches du Hezbollah, est aussi un message aux Israéliens qui multiplient les menaces à l'égard de cette formation, se promettant de le décimer dans la prochaine confrontation. L'idée des Iraniens est claire : toute attaque contre un des membres de l'axe dit de la résistance entraînera une riposte générale, dans un des fronts choisis qui s'étendent du Liban à la Syrie et peut-être même au-delà. Dans le langage de la « guerre des missiles », il n'est plus possible de prendre à partie le Hezbollah seul, ou la Syrie seule, ou encore l'Iran.
Quelles sont les conséquences de ces nouvelles données sur le Liban ?
D'abord, elles réduisent les risques d'une nouvelle guerre israélienne contre ce pays, sachant que toute attaque contre le Hezbollah ne pourra pas restée limitée à la zone géographique décidée par les Israéliens. Il faut aussi préciser que les Israéliens ignorent la nature des missiles parvenus aux mains du Hezbollah. Ensuite, le fait que la chute du régime syrien n'est plus une priorité internationale efface les paris de certaines parties libanaises sur un changement dans les rapports de force actuels. De son côté, le Hezbollah, qui pourrait se considérer comme la partie la plus forte, a déclaré qu'il ne compte pas utiliser ce surplus de force à l'intérieur. Conclusion : les Libanais ont plus que jamais une chance de s'entendre et de régler leurs problèmes entre eux. Ils ont tout à y gagner, surtout que cette opportunité pourrait ne pas s'éterniser...
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commentaires (8)
Mais Mme, on vous lit faire des affirmations gratuites comme si c'était des paroles d'Evangiles: ainsi donc, le lancement de quelques missiles raté par l'Iran serait la clef de l'énigme pour interpréter le futur du Liban! Donc, dissuasion terrible pour Israël qui, de plus, ignore vraiment la nature des missiles aux mains du Hezbollah, et qui, tremblerait de peur avant de s'attaquer au Liban, craignant les réactions régionales.... Conclusion, le grand gagnant, le Hezbollah, dans une grandeur d'âme sans pareil, décide de ne pas utiliser ce surplus de force à l'intérieur, et de permettre la reprise des embrassades nationales, du dialogue et du règlement des problèmes! Ne pensez-vous pas que c'est assez puéril comme analyse et un peu insultant pour l'intelligence de vos lecteurs: vous nous aviez habitués à un peu plus de profondeur et de nuances dans vos propos malgré souvent des sources d'information du même bord. Non, Mme, la situation régionale n'est pas aussi simpliste, et malheureusement, hypercomplexe, et on n'est pas sorti du bois au Liban de sitôt.
Saliba Nouhad
16 h 39, le 23 juin 2017