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Haut de gamme

Du conclave convoqué par le chef de l'État au palais de Baabda et dont la première session aura lieu demain jeudi, on ne peut évidemment qu'espérer le meilleur. On croisera cependant les doigts pour conjurer l'affligeante routine : c'est-à-dire le pire. Les superstitieux ne manqueront d'ailleurs pas de rappeler le triste sort qu'a connu certaine proclamation de Baabda, avalisée à l'unisson en 2012 par les principales forces politiques du pays puis demeurée lettre morte, sinon violée dans les grandes largeurs par l'un de ses signataires, et non des moindres.


Les invités de la présidence sont les heureux membres d'un club très fermé. Tellement fermé que pour en faire partie, il faut tout à la fois disposer d'un bloc parlementaire et être représenté au sein du gouvernement. Logique, nous serine-t-on, puisque cette assistance choisie a un pied dans l'exécutif et l'autre dans le législatif où elle est majoritaire, ce qui la rend en mesure de concrétiser, à l'aide de lois par exemple, toute décision qu'elle pourrait prendre. Mais voilà aussi qui met à nu la déchéance d'une démocratie libanaise où le cumul de la dignité parlementaire et de la fonction ministérielle demeure en vigueur, où l'opposition est exclue d'office dans la recherche de l'intérêt national, où enfin la gestion des affaires publiques ne tient qu'à de rares moments d'entente – même pas cordiale – entre cinq grandes formations politiques réunies en consortium.


Louable est certes, dans l'absolu, l'objectif de ces assises qui se poursuivront périodiquement jusqu'à l'automne : s'occuper un peu plus sérieusement des besoins socio-économiques des Libanais, la quête d'un consensus sur une nouvelle loi électorale ayant trop longtemps accaparé en effet toute l'énergie (disponible) des responsables. En prime, nous dit-on encore, et si les choses sont rondement menées sur l'essentiel, ces messieurs pourront s'exercer à dépoussiérer les dossiers oubliés d'un accord de Taëf vieux de plus d'un quart de siècle déjà, tels que décentralisation administrative, création d'un sénat et déconfessionnalisation du système politique.


Des routes dignes de ce nom, le courant électrique à profusion, des télécommunications décentes et abordables, des ordures ménagères entièrement – et sainement – éliminées du paysage plutôt que de se voir offrir une croisière en Méditerranée comme le font, en ce moment, dans la plus totale impunité, les gentils entrepreneurs chargés de traiter le scandaleux dépotoir de Bourj Hammoud ? Trop beau pour y croire, tout cela, n'est-ce pas...


En fin de compte, on ne voit pas très bien par quel prodige ce rassemblement de chefs politiques réuni autour du président de la République ferait mieux qu'un gouvernement payé pour cela. Et surtout qu'il le ferait à l'abri de ce manque de transparence financière qui a sévi tout au long des dernières décennies et qui est devenu l'infamant trait distinctif de l'action politique au Liban.
Tant et tant de fois échaudé par de fausses promesses, le citoyen libanais craint l'eau froide. Même si celle-ci ne coule que goutte après goutte de son robinet.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Du conclave convoqué par le chef de l'État au palais de Baabda et dont la première session aura lieu demain jeudi, on ne peut évidemment qu'espérer le meilleur. On croisera cependant les doigts pour conjurer l'affligeante routine : c'est-à-dire le pire. Les superstitieux ne manqueront d'ailleurs pas de rappeler le triste sort qu'a connu certaine proclamation de Baabda, avalisée à...