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Idées - Regards croisés

Emmanuel Macron, un acteur politique hybride entre Mitterrand et Hollande

François Mitterrand, Emmanuel Macron et François Hollande. Photos AFP et Reuters

Le nouveau président de la République française n'est pas si novice qu'il peut paraître en matière de tactique politique.

Avec l'annonce du gouvernement Philippe, on retrouve chez Emmanuel Macron toute l'habileté de ses pairs (ou pères) en politique. Présenté ironiquement par ses adversaires comme inexpérimenté, il a en l'occurrence démontré à tous les acteurs de l'échiquier politique français sa maîtrise de l'art de composer et de paralyser ses adversaires.

Le choix de son Premier ministre ainsi que des principaux membres de son gouvernement reflète son sens aigu de la pratique des palais. En effet, en nommant Édouard Philippe à Matignon, il réalise une prise de guerre en adéquation avec son positionnement politique et médiatique, tout en se rapprochant de la droite républicaine modérée. Édouard Philippe est jeune, adepte d'une communication politique dynamique, mais surtout il a été l'un des principaux soutiens d'Alain Juppé dans la course aux primaires de la droite.

Son ralliement à Emmanuel Macron se fait ressentir au cœur même du parti Les Républicains. Cette organisation partisane, neuve mais déjà au bord de l'implosion, n'avait pas besoin de cet épisode pour se poser la question de sa pérennité. Le maintien de la candidature Fillon avait laissé des traces que la bataille des législatives aurait pu nettoyer en cas de victoire. Mais celle-ci n'a pas été au rendez-vous, du moins au premier tour.

 

(Lire aussi : La gauche et la droite craignent un raz-de-marée pro-Macron)

 

Le jeu du nouveau président risque de compliquer la situation et le dessein de la droite républicaine. Certes, Édouard Philippe ne comptait pas au rang des premiers couteaux de ce parti, mais il apparaît que des ténors tels que Jean-Pierre Raffarin ou encore Nathalie Kosciusko-Morizet n'ont pas fermé la porte à un rapprochement avec le nouveau président.

La nomination de Bruno Le Maire à l'économie vient renforcer la tentative de Macron de faire vaciller le parti Les Républicains. Là encore, Bruno Le Maire est jeune, il revendiquait au cours de la campagne des primaires « le renouveau », même s'il s'agissait en la matière d'une posture marketing quelque peu surfaite. Le ralliement de Gérald Darmanin, ex-directeur de campagne de Nicolas Sarkozy lors des primaires, vient ajouter de la confusion au sein même de la formation de la rue de Vaugirard.

À sa droite donc, le mal est fait. Avec l'échec aux législatives, le parti Les Républicains aura maille à partir avec sa solidité et de sa survie politique. Si la défaite aux législatives s'aggrave, toutes les têtes de l'exécutif de ce parti seraient ainsi tombées ; et dans une organisation aussi pyramidale que l'est Les Républicains, ce serait certainement sans appel.

 

(Lire aussi : Ces candidats de gauche et droite qui surfent sur la vague Macron)

 

En son centre, l'alliance avec le MoDem de François Bayrou assure au nouveau président une certaine tranquillité. La nomination de ses deux chefs de file à des postes gouvernementaux sert de gage de loyauté envers le locataire de l'Élysée. Après une minicrise entre les deux hommes à propos du nombre de candidatures MoDem pour les élections législatives, il apparaît que l'intérêt pour eux est la recherche d'une entente cordiale. François Bayrou ne peut plus être compatible avec le parti Les Républicains à la suite de son appel à voter pour François Hollande en 2012, ni de même avec le PS. Il a donc une carte à jouer presque inespérée avec le nouveau président.

Sur sa gauche, au vu des résultats catastrophiques du candidat de la rue de Solférino à la présidence, il y avait peu de risques de débordement, mais là encore, Emmanuel Macron est resté vigilant. En nommant un des ministres les plus appréciés de la mandature de François Hollande, Jean-Yves Le Drian, le président Macron joue la carte de l'expérience mais également celle d'une fidélité à son ancienne équipe gouvernementale. Cela lui permet notamment de ne pas couper les ponts avec une partie du PS dont il pourrait bien avoir finalement besoin comme force d'appoint dans certaines circonscriptions.

Au final, Emmanuel Macron apparaît comme un président au sommet de l'art politique, certains diraient politicien. Il a su phagocyter ses adversaires potentiels à droite, au centre et à gauche. En cela, il apparaît bien comme le digne successeur des deux François, Mitterrand et Hollande.

 

(Lire aussi : Emmanuel Macron, ou la politique autrement)

 

Par conséquent, l'alignement politique et partisan des dirigeants constituerait-il une entrave majeure dans l'exercice du pouvoir ? Question d'autant plus importante qu'elle peut provoquer éventuellement, surtout en cas de réussite de cette expérience présidentielle inédite, un tournant décisif dans le parcours constitutionnel d'une nation.

L'indépendantisme politique dénué de toute affiliation partisane est-il ainsi capable de doter le nouveau président de l'objectivité adéquate pour une vision plus limpide et éclairée des orientations qu'il devrait donner à l'évolution du système politico-économique ? Il est incontestable que les succès managériaux du président Macron dans le secteur privé, dus à ses convictions économico-libérales, vont nécessairement s'imposer à la structure étatique, traditionnellement ancrée dans ses traditions et coutumes légales, administratives et structurelles.

La composition panachée du nouveau gouvernement aurait ainsi pour rôle de cimenter l'action, qui s'annonce inédite, du nouveau pouvoir exécutif. Sans toutefois s'inscrire à l'antipode des formations partisanes sur la scène politique, le président Macron les engage sectoriellement dans son élan régénérateur, du moins rectificateur de la trajectoire prévisionnelle de la politique en place. L'habileté de ses options conduirait, fatalement, à neutraliser les oppositions inhibitrices pour ses desseins socio-économiques et vont surtout prouver l'efficacité d'un mandat libre de toute entrave liée aux principes et idéologies partisanes.

 

(Pour mémoire : Baroin tente de réarmer la droite française pour une alternance "franche")

 

En investissant le potentiel politique des structures qui composent le paysage politique national pour le démarrage de l'appareil managérial qu'il compte installer, un souffle partenarial va opérer une mutation atypique des rouages et options administratifs et financiers.

Cette nouvelle version de cohabitation, qui se présente sous l'orchestration d'un gestionnaire public et politique libre de tout engagement et préjugé politiques, va principalement marquer l'ère nouvelle inaugurée sous l'égide des concepts managériaux appliqués jusque-là dans le secteur privé.

La nouvelle configuration ministérielle reflète, en outre, du moins dans la forme, une volonté conciliatoire claire, optimisant le potentiel de succès du nouveau gouvernement. Un clivage à la fois représentatif des partis et spécialisé dénote le souci majeur du président d'opérer un démarrage en force jusqu'à inclure la tendance pro-européenne dans sa mouvance. La seule appréhension possible est que les mêmes discussions et oppositions au niveau de l'Assemblée générale ne soient transposées au sein du gouvernement, ce qui va presque neutraliser la censure parlementaire et installer sur la scène politique un processus de compromis continu, mais qui peut s'avérer efficace.

 

 

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