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Liban - Commémoration

Le souvenir de Walid Eido, entre résilience et désenchantement

Prononçant son allocution, le 14 mars 2005.

Dix ans que Walid Eido est tombé dans un attentat à la voiture piégée pour avoir combattu pour l'indépendance du pays du Cèdre face à la tutelle syrienne. Dix ans que le Liban a perdu un soldat de l'intifada de l'indépendance, farouche défenseur de souveraineté et de liberté, attaché à l'édification d'un État de droit, et qui croyait fort, lui le musulman sunnite, dans le pluralisme et le vivre-ensemble intracommunautaire.

En ce funeste 13 juin 2007, le député du courant du Futur qui, au lendemain de l'assassinat du Premier ministre Rafic Hariri en 2005, n'avait cessé de réclamer justice et vérité, a été à son tour lâchement assassiné dans le quartier de Manara, alors qu'il était en compagnie de son fils aîné, Khaled, et deux de ses gardes de corps, tous tués dans l'attentat. Ce jour-là, avec le nom de Walid Eido, la machine infernale est venue allonger le serpentin de nationaux qui ont versé leur sang pour que vive le Liban de leurs rêves et de ceux de nombreux Libanais épris de patriotisme.

Si les mains criminelles ont tué ces porteurs de rêves, ceux-ci se seraient-ils évanouis avec eux ? L'usure, le manque de souffle et de persévérance en auraient-ils eu raison ?

Autant de questions favorisées par une commémoration pour le moins discrète de ce dixième anniversaire. La famille du disparu a bien reçu dimanche à son domicile le Premier ministre Saad Hariri, le mufti de la République, le cheikh Abdellatif Deriane, les députés Mohammad Kabbani, l'ancien député Mohammad Amine Itani, ainsi que de nombreux sympathisants. M. Hariri a bien évoqué, le jour même, lors d'un iftar à Chtaura, « l'ampleur des sacrifices consentis par Walid Eido, Wissam Hassan, Mohammad Chatah et d'autres martyrs, dont à leur tête Rafic Hariri », mais cette seule pensée suffit-elle à garder vivaces dans les esprits le dévouement et le souvenir de ce vétéran de la révolution du Cèdre qui s'est battu jusqu'à la mort pour une cause aussi noble que celle de sortir le pays de la soumission ?

Une source parlementaire proche du courant du Futur estime que l'absence de cérémonie plus imposante en faveur de Walid Eido serait que de tous bords, les parties évitent d'invoquer les questions qui « fâchent ». Ce député indique à L'Orient-Le Jour que « la situation est si tendue au plan politico-sécuritaire et socio-économique que personne ne veut évoquer des sujets propres à susciter des conflits ». Concernant le procès intenté dans ce cadre auprès du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), le parlementaire se veut rassurant. « Le TSL mène avec constance l'enquête sur cet attentat et les autres attentats qui y sont associés », souligne-t-il, estimant que celle-ci « avance à grands pas ».

 

(Pour mémoire : Zaher Eido : « Seul le verdict du TSL pourra apaiser nos cœurs »)

 

Cause « légitime »
Joint par L'OLJ, Zaher Eido, fils du disparu, croit lui aussi en un verdict prochain du TSL, qui statuera bientôt sur tous les crimes commis contre les personnalités ayant suivi la même ligne politique que son père. Il affirme qu'à l'opposé, « la justice libanaise s'est depuis longtemps dessaisie de ces dossiers ».

Quant à l'absence de célébration officielle, M. Eido ne la déplore pas particulièrement, considérant que les visites effectuées chaque année au domicile familial, à pareille date, sont autant de marques de sympathie exprimées tant par les officiels que par les proches. « Hier (dimanche), la maison n'a pas désempli, et le Premier ministre, Saad Hariri, toujours à nos côtés depuis ce drame, a tenu à nous témoigner son amitié malgré un agenda chargé », note M. Eido, soulignant dans ce cadre que la Future TV consacre ce soir un reportage à la mémoire de son père.

Mais une telle démarche est loin d'être suffisante, indique à L'OLJ un député qui a requis l'anonymat. « Plutôt que d'exprimer leurs principes et convictions comme ils le faisaient auparavant, les anciens membres du 14 Mars ne s'y aventurent plus, de peur de déplaire à l'autorité qui remplace aujourd'hui l'autorité syrienne, à savoir le Hezbollah », regrette-t-il, accusant ces derniers de « se plier à la prééminence du parti chiite et (d') abandonner les credo pour lesquels leurs alliés sont morts, en agitant le spectre d'une nouvelle guerre civile ».

Dans le même esprit, l'ex-ministre de la Justice Achraf Rifi dénonce d'anciens leaders du 14 Mars qui « se sont départis de leur cause et de leurs principes, générant une déception dans le public ». Dans un entretien avec L'OLJ, il estime cependant que « le sang de Walid Eido et des autres martyrs n'a pas coulé en vain, puisque la cause est légitime », affirmant sa volonté et celle du public du 14 Mars de « continuer à défendre l'État face au mini-État du Hezbollah ».

 

(Pour mémoire : Rifi salue la mémoire de Walid Eido)

 

L'axe syro-iranien et le Hezbollah
À la question de savoir si des pistes ont été défrichées pour connaître l'identité des tueurs de Walid Eido, M. Rifi affirme que ses anciennes positions de directeur général des Forces de sécurité intérieure (FSI) et de ministre de la Justice lui ont permis de s'assurer que « l'assassin est l'axe syro-iranien, et l'exécutant le Hezbollah ».

Évoquant à son tour, devant L'OLJ, la situation politique dominée par l'hégémonie du parti chiite, l'ancien député Farès Souhaid déplore que le concept du mouvement souverainiste « s'est effondré à travers les compromis conclus avec le Hezbollah pour parvenir à l'élection présidentielle, à la formation du gouvernement et bientôt à une nouvelle loi électorale ». Mais formulant l'espoir d'une possible renaissance du mouvement souverainiste, M. Souhaid estime que « dans le cas où les résultats de ces compromis resteraient comme jusqu'à l'heure intangibles, il serait mis fin à la période de grâce et il y aurait un retour vers la symbolique unitaire et souverainiste du 14 Mars », malgré « la fatigue et l'érosion ambiantes ».

Ce jour-là, le souvenir de Walid Eido et de la constellation de héros tombés pour le printemps de Beyrouth recommencera sans doute à briller de mille feux.

Dix ans que Walid Eido est tombé dans un attentat à la voiture piégée pour avoir combattu pour l'indépendance du pays du Cèdre face à la tutelle syrienne. Dix ans que le Liban a perdu un soldat de l'intifada de l'indépendance, farouche défenseur de souveraineté et de liberté, attaché à l'édification d'un État de droit, et qui croyait fort, lui le musulman sunnite, dans le...

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