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À La Une - Irak

Allaiter, une épreuve de plus pour des Irakiennes épuisées et traumatisées

Une ONG pointe "les conditions psychologiques de ces mères, les changements hormonaux causés par l'anxiété et la dépression, le manque d'intimité, de confort ou de repas équilibrés".

Un bébé dans les bras d'une Irakienne. Photo d'archives AFP

Dans un camp de déplacés près de Mossoul, Wazira berce désespérément son bébé de quelques jours dans ses bras, incapable de calmer sa faim. La jeune mère n'arrive pas à produire du lait et n'a pas les moyens pour en acheter.

"Il pleure depuis le moment où il est né et ne s'arrête que pour dormir, quand il est épuisé", raconte cette jeune Irakienne de 24 ans, protégeant son fils Rakan de la chaleur torride avec un habit blanc. "Je n'arrive pas à l'allaiter et je sens qu'il n'est jamais rassasié. Je n'ai pas d'argent pour lui acheter des aliments pour bébé", ajoute-t-elle, assise à l'extérieur d'une clinique médicale du camp Al-Khazer.

Quelque 32.000 personnes ayant fui les violences à Mossoul, où les forces irakiennes mènent depuis octobre une offensive visant à déloger le groupe Etat islamique (EI), logent dans ce camp situé au sud-est de la deuxième ville du pays.

La température oscillant entre 40 et 45 degrés celsius en cette saison rend très difficile le quotidien des déplacés, notamment des bébés et des personnes âgées ou malades. "Parfois, j'écrase les biscuits qu'on nous donne au camp et mélange la poudre obtenue avec de l'eau pour essayer de le nourrir de force", explique Wazira, le visage en partie couvert par un voile noir.

Quelques mètres plus loin, Marwa attend elle aussi son tour pour une consultation médicale pour sa fille de huit mois. Cette mère de 25 ans qui a fui Mossoul avec sa famille il y a deux semaines n'avait déjà plus de lait maternel il y a cinq mois. "Ces derniers mois m'ont épuisée. Nous ne cessions de bouger d'une maison à une autre", dit-elle. "J'étais malade, je ne pouvais plus l'allaiter".

Les habitants de Mossoul, pris au piège des violents combats et bombardements, sont souvent utilisés par les jihadistes comme boucliers humains, et n'arrivent à fuir qu'une fois leur quartier entièrement repris par les forces irakiennes.

 

(Lire aussi : Après l'EI, des déplacés de Mossoul doivent affronter serpents et scorpions)

 

Anxiété, dépression
Autour de la clinique gérée par l'ONG américaine International Medical Corps, la file de mères, au regard hagard et portant leur nourrissons, s'allonge.

Neshmeel Diller, l'une des médecins du dispensaire, reçoit jusqu'à 80 femmes en une seule journée.
"70% d'entre elles se plaignent de leur incapacité à allaiter et de la faim et des pleurs constants de leur bébé", affirme-t-elle. "Les conditions psychologiques de ces mères, les changements hormonaux causés par l'anxiété et la dépression, le manque d'intimité, de confort ou de repas équilibrés... Tous ces facteurs affectent leur capacité à allaiter", explique Mme Diller. Selon elle, la pression quotidienne dans le camp joue également sur le moral des femmes qui perdent plus rapidement patience dans leurs tentatives de donner le sein. L'ONG Médecins sans frontières (MSF) tente elle aussi de mesurer l'impact qu'un faible taux d'allaitement peut avoir sur les enfants déplacés.

Plus de 800.000 personnes ont été déplacées depuis le début de l'offensive sur Mossoul il y a huit mois. La plupart d'entre elles ont vécu des expériences traumatisantes sous l'EI pendant près de trois ans, risquant ensuite leur vie pour fuir leur ville, et faisant aujourd'hui face à un avenir très incertain.

"Le stress affecte la capacité d'allaitement d'une femme plus que sa condition physique ou sa santé", affirme à l'AFP la coordinatrice médicale de MSF en Irak, Evgenia Zelikova. "Il y a une plus grande malnutrition chez les bébés de moins de six mois que la mère ne peut plus allaiter", dit-elle, expliquant que "le lait maternisé est difficile à obtenir ou extrêmement cher dans les zones assiégées de Mossoul et dans les camps".

L'Unicef affirme avoir constaté un pic de malnutrition parmi les enfants récemment déplacés et a commencé à distribuer des suppléments alimentaires aux populations affectées.

 

 

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