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L’excellent Monsieur Trump

Il n'aura pas fallu longtemps, à peine cinq mois, pour comprendre que nous nous sommes drôlement et, sans doute, profondément trompés. Pour commencer à comprendre que l'arrivée d'un clown, milliardaire et star de téléréalité à la Maison-Blanche, à la tête de la première puissance mondiale, pouvait ne pas être que cette claque retentissante à la bonne marche des nations. Ni ce doigt d'honneur d'une partie conséquente du peuple américain à l'ensemble de la planète. Ni, non plus, cette catastrophe qui catapultera tout et tout le monde dans un paléolithique politique, au cœur d'un no man's land où le pire dérèglement n'est pas celui que l'on croit, mais bien celui des valeurs. Il n'aura pas fallu longtemps pour commencer à comprendre que l'intrusion – il n'y a pas d'autre mot – de Donald Trump pourrait sérieusement, in fine, permettre d'aboutir à un indispensable rééquilibrage, à ce que les Anglo-Saxons appellent to get the balance right.

À tout malheur, quelque chose de (très) bon.

D'abord, Donald Trump aura très rapidement fini de totalement démystifier et désacraliser l'être et le paraître d'un concept-tiroir à fantasmes : le président des États-Unis d'Amérique. Une gageure, après l'aura immense et l'élégance inouïe de son prédécesseur, le classieux Barack Obama, aussi mitigé que soit le bilan des deux mandats du 44e président des USA. On peut à la limite oublier la kyrielle de tweets hallucinés et hallucinants, la vulgarité revendiquée et militante, la gestuelle, la mèche, les Trump Towers, le Comeygate, les scandales kremlinisés : à eux seuls, les mots griffonnés sur le livre d'or du mémorial de Yad Vashem, le musée de la Shoah à Jérusalem, qu'il avait visité le 23 mai dernier, résument ce qu'est véritablement Donald Trump. Même les plus violents contempteurs d'Israël en sont restés bouche bée.

Ensuite, l'ubuesque Monsieur Trump aura, tout aussi rapidement, réalisé un miracle : redonner du sens, ne serait-ce qu'une ébauche de sens, insuffisante, évidemment, mais tellement nécessaire, à la solidarité européenne, réduite au cours des dernières décennies à sa plus simple expression. Même si les choses peuvent avec le temps s'arranger, la protodoctrine Trump, ses petits calculs, ses minileçons assénées avec une arrogance surréelle à Bruxelles, Taormina, ou n'importe où ailleurs, auront aidé les dirigeants européens à se souvenir que, souvent, on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, et qu'il vaut mieux une refonte imposée par les circonstances qu'un statu quo stérile et mortifère. Les mots d'Angela Merkel et de son équipe à l'encontre de Donald Trump et de son administration n'ont jamais été aussi clairs et violents depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et la volonté des patrons du Vieux Continent de se ressaisir à pleines mains de leur destin commun est un rassurant champ de promesses. Sur le papier du moins, en attendant les actes.

Et puis, à malin, malin et demi. Donald Trump n'aurait jamais imaginé qu'il allait se faire damer le pion par un jeune damoiseau de 31 ans son cadet. Pris à son propre piège de cet effarant Je vais te montrer qui a la plus grosse (poignée de main), anecdotique comme rarement, mais infiniment significatif quand on sait comment fonctionne The Donald, voilà le président US devenu, à son corps défendant, le principal artisan de la rockstarisation planétaire d'Emmanuel Macron, littéralement béni des dieux du timing. En annonçant, dans un discours sacrément confus, la sortie des États-Unis de l'accord de Paris sur le climat, Donald Trump a offert au président français, sur un plateau de diamant, ce Make our planet great again, troll absolu et d'une magnifique lucidité/cruauté, qui a poussé des citoyen(ne)s des quatre coins de la planète à introniser Emmanuel Macron leader du monde libre. Rien que ça...

Cela sans compter Xi Jiping, le néo-Mao, qui se voit déjà, dans cette trumpisation outrancière, en quatre cavaliers du bonheur et de la rédemption à lui tout seul : protecteur du climat, protecteur du mondialisme, protecteur du traité (et de toute la zone) transpacifique et, pourquoi pas bientôt – le président chinois ne connaît pas d'horizons –, protecteur de la démocratie et des droits de l'homme. Cela sans compter également l'inévitable Vladimir Poutine, impérialement tancé par Emmanuel Macron (encore lui...) en plein château de Versailles, et qui a visiblement décidé de faire profiter toutes les Russies des choix vaseux, des outrances, des magouilles et des âneries politiques de Monsieur Trump, en s'autoproclamant, avec l'aide (in)volontaire d'une très déboussolée Theresa May, grand frère, mentor et bodyguard de son homologue américain. Sans compter, aussi et surtout, tous les anti-Assad, arabes en général et libanais en particulier, qui ne demandent au locataire de la Maison-Blanche que de les débarrasser du syrial killer et de ses très influents alliés.

Enfin, il y a l'électrochoc interne. Bien sûr, l'onde a peu de chance de toucher la masse des rednecks de l'hinterland midwest US, mais la vague de consternation des Américains prend chaque jour une ampleur de plus en plus imposante, à coups de Sorry, we didn't vote for this idiot, entre autres slogans contrits et honteux exhibés aux yeux du monde. L'évolution de la prise de conscience des citoyens américains sera extrêmement intéressante à suivre dans les mois à venir. Sachant, néanmoins, qu'en cas d'impeachment de Donald Trump, le remplaçant risque de glacer le sang de ses compatriotes : dénué de toute outrance trumpienne, véritable animal politique à sang froid, flanqué d'une idéologie claire, nette, précise et en adamantium, Mike Pence a effectivement de quoi faire peur. À tout le monde.

En attendant, l'idée que Donald Trump doit continuer, plus que jamais, à user et abuser de ses trumpismes pour que le monde aille (un peu) mieux, pour que soit enfin provoqué ce small bang salvateur, est en marche. Sereinement.

Il n'aura pas fallu longtemps, à peine cinq mois, pour comprendre que nous nous sommes drôlement et, sans doute, profondément trompés. Pour commencer à comprendre que l'arrivée d'un clown, milliardaire et star de téléréalité à la Maison-Blanche, à la tête de la première puissance mondiale, pouvait ne pas être que cette claque retentissante à la bonne marche des nations. Ni ce...

commentaires (4)

Quelle analyse!!!

Marie-Jo Abou Jaoude

12 h 37, le 05 juin 2017

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Quelle analyse!!!

    Marie-Jo Abou Jaoude

    12 h 37, le 05 juin 2017

  • Situation qui fait peur ?????

    Soeur Yvette

    12 h 12, le 05 juin 2017

  • Evidement l'on comprend ,que le politiquement et journalistiquement correct souffrent le martyr ! , d'avoir était détrôné... ,de leurs piédestal de faiseurs (forgeurs?) d'opinion ...le plus drôle ,s'est que cette petite révolution déstabilisatrice pour l'establishment , est dû, à l'exercice normal de la démocratie...! jusqu'alors "propriété captive" du politiquement correct....!

    M.V.

    09 h 42, le 05 juin 2017

  • LES CHIMPANZERIES FONT RIRE MAIS FONT PEUR AUSSI !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 47, le 05 juin 2017

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