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Liban - Semaine de la surdité

Accompagner les enfants sourds dans leur cheminement vers l’audition

Avant d'installer un implant cochléaire à un malentendant, le seul bilan médical n'est pas suffisant; une évaluation et une préparation par une équipe multidisciplinaire s'imposent. Bilan d'un séminaire du Bureau libanais pour la recherche en surdité.

Les intervenants lors du séminaire du BLRS, de haut en bas et de gauche à droite : Dr Joseph Hélou, Viviane Matar Touma, sœur Patrice Moussallem, Abir Habib, Dr Élie el-Eter et Rebecca Bou Raad Bou Hanna

Quand Faten Ghandoura, une jeune maman, a découvert que son cadet Jawad était malentendant, elle a subi le choc de plein fouet. « On m'a parlé de l'opération pour un implant cochléaire, raconte-t-elle. Je n'avais aucune information à ce sujet, je n'ai bénéficié d'aucun conseil et je me demandais si c'était la bonne décision. » Finalement, Jawad, qui a aujourd'hui cinq ans, a subi cette opération étant bébé. « Il est capable de parler maintenant, mais après l'intervention, il lui a fallu un an pour commencer à le faire, souligne-t-elle. Bien que ce soit normal pour son père et moi, à cette époque, c'était l'enfer avant la délivrance. »

Pour que les parents d'enfants sourds ne subissent pas le même calvaire, le Bureau libanais pour la recherche en surdité (BLRS) a consacré l'un de ses événements majeurs de la Semaine internationale de la surdité à un séminaire destiné aux parents, afin de leur expliquer toutes les implications de l'installation à leurs enfants d'un implant cochléaire (prothèse auditive évoluée, qui nécessite une chirurgie, visant à procurer un certain niveau d'audition à des personnes souffrant de surdité profonde ou sévère). Le séminaire était placé sous le patronage du ministre de la Santé Ghassan Hasbani.

Selon les spécialistes du BLRS, en prévision d'un implant cochléaire, le bilan médical ne suffit pas. Il convient également de faire un bilan psychologique et orthophonique, d'initier en amont une préparation adéquate des parents et de l'enfant et d'assurer un suivi avant et après cette intervention qui change la vie du patient sourd. Cette approche est actuellement prise en compte par le ministère de la Santé, comme l'a assuré à L'OLJ le Dr Joseph Hélou, directeur des soins médicaux au ministère, qui représentait M. Hasbani à l'événement. « Le suivi est primordial, dit-il. Or nous avons relevé beaucoup de négligence à ce propos de la part des parents, sachant que nous déboursons en moyenne 43 millions de livres libanaises par opération. »

Ce constat a poussé le ministère, selon le Dr Hélou, à suspendre durant cinq mois le financement de pareilles interventions chirurgicales, dont il est le seul à couvrir les frais. « Nous exigeons désormais que les parents, le médecin et l'hôpital signent un engagement sur cent sessions de suivi, ajoute-t-il. Et pour nous assurer que la procédure est bien respectée, nous séparons le financement de ces séances de l'opération proprement dite. C'est à cette condition seulement que nous avons repris notre financement. »

 

« Un enfant doit être préparé à entendre »
Les interventions de Viviane Matar Touma, psychologue clinicienne, professeure et présidente du BLRS, et de Rebecca Bou Raad Bou Hanna, orthophoniste, étaient focalisées sur l'importance de l'accompagnement avant et après l'opération, ainsi que sur le triple bilan nécessaire sur ce plan : médical, psychologique et orthophonique. Mme Touma insiste sur « le rôle primordial des parents ». Même si les implants deviennent de plus en plus sophistiqués – comme l'a expliqué aux parents le Dr Élie el-Eter, chirurgien ORL (Hôtel-Dieu de France) –, ils restent « des machines dont l'efficacité peut être freinée par une fatigue psychologique », souligne Mme Touma. En d'autres termes, précise-t-elle, si les parents et les enfants n'en connaissent pas l'importance et les répercussions, cette opération ne donnera pas les résultats escomptés. En somme, le cas suppose l'engagement d'une équipe pluridisciplinaire à leurs côtés.

« Pour un enfant qui n'a jamais entendu un son, il doit être préparé à l'audition, souligne Mme Touma. De même, il lui faut garder à l'esprit qu'il est un enfant malentendant doté d'un appareil sophistiqué, et rester préparé à l'éventualité de l'enlever pour telle ou telle raison, et de retrouver, même momentanément, le silence. » Ces efforts permettent à l'enfant de garder sa sérénité et sont favorables au développement de son potentiel, une notion sur laquelle la spécialiste a beaucoup insisté.

Dans ce cadre, Mme Bou Hanna a détaillé les étapes que doivent traverser parents et enfants, sachant que l'orthophoniste intervient avant et après l'opération. Outre le diagnostic effectué à la base, les spécialistes expliquent en effet aux parents les détails de ce qui va se passer au niveau de l'implant, de son utilisation, jusqu'à quel point l'enfant va en profiter suivant le cas... L'enfant aussi doit être préparé : l'orthophoniste, en collaboration avec les parents, doit lui expliquer, par le biais de dessins notamment, ce qui va se passer, ce qu'est l'implant qu'on va lui installer dans la tête... Mme Bou Hanna insiste sur la nécessité d'un suivi sérieux pour que l'enfant apprenne à distinguer les sons, à les identifier...
Toutefois, les deux spécialistes notent l'importance de maintenir la connaissance de la langue des signes, qui garde le jeune malentendant en contact avec un milieu familier.

Reste l'aspect pédagogique. Sœur Patrice Moussallem, présidente et directrice de l'Institut Père Roberts, a soulevé la nécessité de prendre en considération l'intérêt de l'enfant, les impératifs de son insertion dans la société et le développement de son potentiel, dans toute décision de le placer dans une école « normale » ou de le garder dans une institution spécialisée. Rappelant que ces institutions spécialisées sont devenues des centres d'éducation reconnus, sœur Patrice a souligné que cette décision, qui intervient après l'implant, doit être prise par toute une équipe.

Enfin, Abir Habib, directrice de l'école spécialisée al-Rajaa relevant de l'association al-Hadi, a exposé les problèmes que pourrait causer l'insertion d'un enfant sourd dans une école normale ainsi que les solutions permettant d'exploiter au maximum le potentiel de l'enfant malentendant.
Ce qui a été présenté à la conférence du BLRS est, sans nul doute, une vision complète et moderne de ce que devrait être la prise en charge d'un enfant dont l'implant cochléaire s'apprête à changer la vie. Ce qui fait dire à Faten Ghandoura, un tantinet nostalgique : « Nous n'avons eu droit à rien de tout cela. Ce que j'ai entendu aujourd'hui, j'avais l'impression que cela concernait un autre pays. » Or le séminaire du BLRS a montré que cela n'est pas une fatalité.

 

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