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Culture - RENCONTRE

Donald Margulies : « Choisir un metteur en scène, c’est comme choisir un thérapeute ! »

L'auteur et dramaturge new-yorkais était à Beyrouth pour la représentation d'une adaptation de sa pièce « Dinner with Friends ».

L’auteur et dramaturge américain Donald Margulies, heureux d’être à Beyrouth. Photo Michel Rawadi

Donald Margulies était présent à une représentation à Beyrouth de Dinner with Friends, adaptée en arabe par Carlos Chahine sous le titre de Kif ken el-3acha. Une pièce qui a valu à son auteur le prix Pulitzer.

 

Comment s'est produit le déclic qui vous a poussé à devenir dramaturge ?
Je suis issu d'une famille modeste qui n'avait pratiquement aucun lien avec l'art. Pourtant, j'ai eu la chance de passer la plus grande partie de mon enfance à Trump Village (un complexe résidentiel de Brooklyn), au cœur de l'âge d'or du système scolaire public de New York. De fait, je fais partie de la première promotion de la John Dewey High School, une école expérimentale d'une certaine manière qui, heureusement pour un enfant comme moi, célébrait et encourageait l'éclectisme et la créativité. C'est là que tout a commencé : j'ai fait mes premiers pas dans le monde de l'art en m'essayant au dessin et en concevant des couvertures de livre et des affiches pour les Semaines de la fraternité. S'en sont suivies mes études, de boursier, au Pratt Institute, le conservatoire d'art de Brooklyn. Par la suite, je me suis déplacé à la State University of New York où j'ai poursuivi ma spécialisation en art, et où j'ai surtout cultivé mon intérêt pour l'écriture, en compagnie de l'auteur Julius Novick, qui est devenu mon premier héros au théâtre.

 

Un chemin bien tracé, en somme...
Oui, c'est étrange, mais c'est comme si j'avais toujours visualisé ma carrière, depuis mon plus jeune âge. Ensuite, dès ma sortie de l'école, j'ai mis toute ma vie au service de ce but...

 

Quel est votre moteur ?
D'abord il y a la persévérance. C'est le fuel qui me permet d'avancer. Il y a aussi et surtout mon instinct, auquel je me fie et qui ne me trahit jamais. D'ailleurs, lorsque je ne m'y plie pas, il m'arrive toujours des expériences déplaisantes. Je dois aussi avouer que le succès joue beaucoup. Il me porte et me pousse à aller de l'avant...

 

Qu'est-ce qui vous pousse à créer ?
Je me penche sans cesse sur des scripts, des manuscrits... Les miens et ceux des autres. C'est passionnant de voir du parlé imprimé sur du papier. Cela déclenche quelque chose en moi, sans doute à cause de mon amour pour la typographie.

 

D'où vous est venue l'inspiration pour « Dinner with Friends » ?
J'écris depuis près de quarante ans et je ne réussis jamais à me souvenir des prémices d'une idée... Cela dit, je me souviens qu'à l'époque, vers la fin des années 90, je traversais une période de questionnement sur les relations autour desquelles ma vie était construite. D'autant que ma femme et moi étions mariés depuis 26 ans... Et que nous avions des amis qui avaient toujours fait partie de notre vie. Je réalisais qu'ils se fondaient tant dans le paysage de notre vie qu'on les tenait pour acquis. Parallèlement, lorsque j'ai commencé l'écriture de la pièce, je réfléchissais aussi aux gens de notre génération, ceux dont l'âge les pousse à réévaluer leurs vies et parfois mettre fin à leurs relations. Ce sont toutes ces interrogations et ces idées à propos des problèmes conjugaux et de la définition de l'amitié qui m'ont conduit à Dinner with Friends.

 

Et en 2000, vous avez décroché le prix Pulitzer pour cette pièce...
Après deux nominations en 1992 et 1997, ce prix est arrivé au bon moment. J'étais prêt pour cette récompense. Même si la surprise a naturellement été de taille. Je considère que c'est le couronnement d'un travail qui avait démarré vingt ans auparavant.

 

Quels éléments entrent en jeu lors de la recherche d'un metteur en scène ?
Je répète souvent que c'est comme la quête d'un collaborateur qui mettra en vie, et donc en trois dimensions, ce qui est initialement couché sur du papier... Choisir un metteur en scène, c'est comme choisir un thérapeute. C'est-à-dire la personne qui devancera mes pensées de quelques pas et qui aura surtout le flair nécessaire pour interpréter et articuler mes intentions presque mieux que je ne le fais, en usant de son objectivité et de son recul.

 

Qu'avez-vous pensé de l'adaptation de Carlos Chahine ?
Inutile de mentionner que le rayonnement d'une de mes pièces est ce qui me procure le plus de satisfaction, le but de toute œuvre artistique étant d'être fédératrice et donc d'atteindre des publics divers. J'ai été ravi d'assister à Dinner with Friends à Beyrouth, de rencontrer Carlos Chahine, au regard très juste, qui en a réalisé une excellente adaptation, et j'ai été impressionné par le jeu de l'excellent quatuor d'acteurs (Sahar Assaf, Serena Chami, Alain Saadé et Joseph Zaïtouny, NDLR).

 

Pour terminer, parlez-nous de votre visite à Beyrouth...
C'est désolant de réaliser à quel point la presse est capable de déformer l'image d'un peuple et d'un pays, en l'occurrence celle du Liban, que j'ai adoré en l'espace de deux jours.

 

 

Pour mémoire

Quatre amis, deux mariages et une histoire

Donald Margulies était présent à une représentation à Beyrouth de Dinner with Friends, adaptée en arabe par Carlos Chahine sous le titre de Kif ken el-3acha. Une pièce qui a valu à son auteur le prix Pulitzer.
 
Comment s'est produit le déclic qui vous a poussé à devenir dramaturge ?Je suis issu d'une famille modeste qui n'avait pratiquement aucun lien avec l'art. Pourtant, j'ai eu...

commentaires (1)

De l'importance de l'enseignement public qui permet à un pays de s'élever et de rayonner grâce à une éducation "gratuite" de qualité. Fabriquer des élites, c'est bien mais seul l'éducation du plus grand nombre permet l'émulation, la créativité.

Marionet

08 h 47, le 03 mai 2017

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Commentaires (1)

  • De l'importance de l'enseignement public qui permet à un pays de s'élever et de rayonner grâce à une éducation "gratuite" de qualité. Fabriquer des élites, c'est bien mais seul l'éducation du plus grand nombre permet l'émulation, la créativité.

    Marionet

    08 h 47, le 03 mai 2017

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