Les Marines américains sont de retour dans le Helmand, province du sud de l'Afghanistan en partie dominée par les talibans, qu'ils avaient évacuée en 2014 sans avoir réussi à contrecarrer l'insurrection.
Un détachement de 300 Marines commence à se déployer au moment où débute l'offensive de printemps des talibans, galvanisés par de récents gains territoriaux. En face, leurs alliés afghans sont privés de ministre de la Défense et de chef d'état-major, démis de leurs fonctions après l'assaut sanglant des talibans contre une base militaire du Nord qui a fait plus de 135 morts parmi les soldats.
Une cérémonie en présence du général John Nicholson, patron des forces américaines en Afghanistan, a marqué le retour de ce corps expéditionnaire de prestige qui a subi de lourdes pertes dans cette province troublée, centre de la production de pavot dans le pays. L'envoi de ce détachement, décidé début janvier sous la présidence Obama, s'effectue dans le cadre normal des rotations de l'armée américaine. Mais intervient à point nommé alors que le Pentagone réfléchit à son engagement en Afghanistan.
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"Quand nous sommes partis (en 2014), l'armée afghane était vraiment minuscule et les Marines étaient vraiment aux avant-postes, mais aujourd'hui ils se sont renforcés", remarque le général des Marines Roger Turner. Contrairement à leurs précédents séjours, les Marines n'auront pas en principe de rôle direct de combat contre les insurgés, leur mission étant d'entraîner et de conseiller les cadres de l'armée et de la police afghanes sur place, rappelle le général Turner. Dans le Helmand, ils appuieront le 215e corps d'armée.
L'armée américaine compte 8.400 hommes sous mandat de l'Otan en Afghanistan, principalement pour appuyer les forces afghanes face aux combattants islamistes. Mais une partie d'entre eux, un peu plus de 2.000, conduisent des missions particulières contre les groupes accusés de terrorisme.
Le Helmand, frontalier du Pakistan, dont les talibans contrôlent dix districts sur 14, fut un cimetière pour les contingents britanniques et américains qui y ont perdu des centaines d'hommes par le passé. C'est aussi la province du pavot d'où les talibans, qui menacent directement la capitale provinciale Lashkar-Gah, tirent l'essentiel de leurs revenus par le biais de taxes prélevées sur les fermiers.
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Talibans et criminels
"Le corps des Marines a un passé opérationnel en Afghanistan, particulièrement dans la province du Helmand", ont souligné ses responsables. "Conseiller et assister les forces des sécurité afghanes aidera à préserver les gains faits ensemble avec les Afghans" les années précédentes, estiment-ils.
Pour l'expert militaire Mirza Mohammad Yarman, général à la retraite, le retour du corps d'élite américain dans le Helmand est une bonne nouvelle : "Si les forces afghanes et les Marines combattent ensemble le terrorisme dans le Helmand, nous pouvons espérer des résultats tangibles". Car les forces afghanes ont perdu du terrain face aux talibans ces dernières saisons et ne contrôlent plus que 57% des 460 districts du pays.
Pour James Clark, un ancien Marine déployé par deux fois dans le Helmand, ce petit contingent est "au mieux une demi-mesure, au pire un geste pour rien", explique-il à l'AFP: "Le contingent renforcé auquel j'ai participé s'est battu pour déloger les talibans et les affaiblir, mais ces gains ne pouvaient pas durer une fois notre mission terminée". Aujourd'hui, "notre présence n'est pas suffisante pour renverser la marée", ajoute-t-il. "Elle est trop réduite pour l'Afghanistan".
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Depuis le départ des Marines et de la majorité des forces combattantes occidentales, fin 2014, le groupe Etat islamiste (EI) s'est installé dans l'est du pays, où trois soldats américains ont récemment trouvé la mort face à l'EI.
La situation du Helmand est elle-même particulière, comme l'a noté le général Nicholson: "Il ne faut pas voir uniquement un affrontement gouvernement/talibans", a-t-il estimé cet hiver. "Ce que nous voyons dans la province du Helmand, ce sont des réseaux criminels couplés avec des insurgés, se battant pour conserver leur capacité à faire de l'argent" - notamment avec la drogue.
L'Afghanistan est, de loin, le principal producteur mondial d'opium. L'ONU a évalué la production en 2016 entre 4.600 et 6.000 tonnes, en forte hausse (3.300 tonnes en 2015), tandis que les surfaces cultivées ont augmenté de 10% en un an.
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