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Moyen Orient et Monde - Éclairage

En Tchétchénie, le calvaire de la communauté LGBTQ

Plus de 100 homosexuels auraient été arrêtés, torturés et emprisonnés.

Des militants pro-LGBTQ lors d’une marche à Saint-Pétersbourg, en Russie, le 1er mai 2013. Olga Maltseva/AFP

Début avril, le quotidien russe d'opposition Novaïa Gazeta révélait le calvaire des membres de la communauté LGBTQ (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et queer) en Tchétchénie. Cette petite république caucasienne, dirigée d'une main de fer par Ramzan Kadyrov, très proche de Vladimir Poutine, est connue pour faire peu de cas des droits de l'homme. Selon Elena Milashina, auteure de l'article, au moins cent personnes parmi lesquelles des dignitaires religieux et deux présentateurs de la télévision locale seraient détenues arbitrairement. Des personnes auraient également été tuées. Ces faits ont été corroborés par des ONG indépendantes dont l'International Crisis Group (ICG). « Depuis le mois de mars, je reçois chaque jour des informations concernant des exactions commises sur des gays ; les témoignages se recoupent », commente ainsi Ekaterina Sokirianskaia, chargée de projet pour le Proche-Orient et le Caucase au sein de l'ONG.

 

Témoignages accablants
Certains rescapés, à l'instar d'Ali*, interrogé par L'Orient-Le Jour, tiennent à témoigner. « En Tchétchénie, il existe des prisons secrètes, et j'en connais au moins deux : à Argoun et à Tsotsin-Yurt. J'ai été détenu plusieurs mois dans la première. On y trouve de tout : outre les gays, il y avait des Syriens, des gars qui après avoir combattu dans les rangs de l'EI sont rentrés au pays, mais aussi des criminels de droit commun, pour la plupart trafiquants de stupéfiants. Nous vivions tous ensemble dans une grande bâtisse en dur. On nous avait alloué à chacun un espace de deux ou trois mètres dont on ne pouvait pas sortir. Trois fois par jour on nous emmenait aux toilettes. »

Et puis il y avait les interrogatoires, dont le but était de connaître les contacts des détenus. « C'était de véritables séances de torture : électrochocs, coups toujours au-dessous de la ceinture et cela était si douloureux que je me mordais la main jusqu'au sang pour ne pas hurler. Il y avait également les moqueries, les insultes. Ils nous rabaissaient constamment, répétant que nous étions la lie de la société et que nous n'avions pas le droit de vivre. Ce n'est que quand nous étions réduits à un état quasi bestial, qu'ils appelaient nos parents pour qu'ils viennent nous chercher. »

Abbas*, une autre victime de la police de Kadyrov, est parvenu à s'enfuir, mais a été retrouvé à Moscou grâce à son téléphone portable ; il a vite été ramené à Grozny. « Quand les policiers de mon village ont soupçonné que j'étais homosexuel, ils m'ont convoqué et ont commencé à me faire du chantage. J'ai payé une première fois plusieurs centaines d'euros pour qu'on me laisse tranquille : le prix du silence. Mais ils ont continué à me harceler. Parfois, ils venaient me chercher chez moi et m'emmenaient au commissariat de police. Là, ils me battaient et me torturaient avec des électrochocs. Quand je rentrais chez moi couvert de bleus, je racontais que je m'étais battu... Je me suis enfui à Moscou, j'ai même porté plainte auprès du ministère de l'Intérieur et du parquet, mais ils ont refusé de m'entendre sous prétexte qu'il n'y avait pas de preuves. »
Cette vague de violences sans précédent a été déclenchée après la décision de Nicolaï Alexeïev, l'un des militants LGBTQ les plus connus de Russie, d'organiser des gayprides dans les républiques caucasiennes en dépit de l'homophobie qui règne dans cette région. S'il n'a pas obtenu les autorisations nécessaires, les médias se sont emparés de l'information qui s'est répandue comme une traînée de poudre.

 

(Lire aussi : Pour en finir avec la marginalisation de la communauté LGBT...)

 

Moscou fait l'autruche
Les autorités russes ont vite fait d'affirmer ne pas être au courant de ces pratiques. Le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov, a ainsi feint la surprise lorsqu'un journaliste lui a posé une question à ce sujet, affirmant qu'il « n'était pas au courant ». De son côté, Mikhaïl Fedotov, chargé des droits de l'homme auprès du président Vladimir Poutine, a promis une enquête, après avoir dit que sa collègue de Tchétchénie n'avait pas eu vent d'arrestations massives.

Quant aux autorités locales, elles nient tout en bloc. « Il ne peut pas y avoir de persécutions dans notre république dans la mesure où il n'y a pas de gays », a assuré Alvi Karimov, chargé de la presse auprès de Ramzan Kadyrov, avant de reprocher aux journalistes d'inventer toutes ces histoires pour nuire à la petite république et à son président...

 

*Les prénoms ont été modifiés.

 

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